Défendons la vision européenne de Benoit Hamon
J’ai co-signé cette tribune européenne avec 113 députés, sénateurs et députés européens, dans laquelle nous exprimons notre adhésion au projet d’une Union européenne plus juste, plus démocratique, plus solidaire.
Elle est parue dans Le Monde daté du 14 avril 2017.
Du haut de ses 60 ans, notre Europe joue son avenir. Entre les nationalistes qui partout proposent de reconstruire des murs entre les peuples, les travailleurs, les cultures, et les politiques néolibérales qui persistent à mettre en concurrence les salariés, les territoires et les législations nationales, il est grand temps que les Européens se mobilisent pour une nouvelle Europe.
Que constatons-nous ? La concurrence a remplacé la coopération et l’austérité supplante la solidarité. Le risque majeur, c’est la désunion. Au moment où vont commencer les discussions sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, il faut saisir le Brexit comme une occasion de lutter contre la désintégration et la désunion européennes. Face aux cyniques, nous sommes les porte-voix d’une espérance lucide.
L’Union européenne va mal, mais seule l’Union peut nous sortir de l’ornière. Nous sommes ces humanistes, ces progressistes, ces écologistes, ces internationalistes qui n’oublient pas que c’est le projet européen qui a réconcilié les nations ennemies d’hier. L’Europe, c’est d’abord la paix.
Mais l’Europe, ce doit être aussi le rempart à une mondialisation néolibérale, qui s’affranchit des règles et dédaigne la redistribution, et contre laquelle les Etats-Nations, isolés, n’ont pas la puissance nécessaire. Face aux Etats continents dont certains ne cachent pas leurs visées expansionnistes, comme face aux multinationales qui font la pluie mais jamais le beau temps social ou environnemental, l’Europe doit défendre les citoyens.
Si l’Europe continue d’apparaître lointaine, trop technocratique et trop libérale, elle disparaîtra du cœur des Européennes et des Européens. Nous aimons l’Europe et c’est pourquoi, nous pensons « qu’il est grand temps de rallumer les étoiles » d’un drapeau terni.
Un nouveau traité
Le premier défi sera de démocratiser l’Union européenne. Nous voulons la rendre plus sociale, écologiste et tournée vers la solidarité. Cela passe notamment par une réelle démocratisation de la zone euro.
Le projet de nouveau traité porté par Benoît Hamon promeut une assemblée de la zone euro qui place l’Eurogroupe sous contrôle démocratique et tourne la page de la « troïka », et un budget de la zone euro capable de financer de nouvelles politiques économiques et sociales. La mutualisation des dettes qui étouffent l’Europe pourra également voir le jour. La règle de l’unanimité en matière fiscale, qui fait toujours le jeu des paradis fiscaux et du dumping fiscal sur lequel surfent les multinationales, pourra être dépassée.
Nous, parlementaires européens et nationaux, voulons jouer pleinement notre rôle au sein de cette nouvelle Assemblée, croiser nos expertises et user de la force que nous donnera l’addition de nos légitimités.
Nous voulons un budget de la zone euro qui permette des investissements massifs dans des secteurs clés de la transition écologique comme les transports et l’énergie pour créer les emplois garants de la prospérité de demain.
Cette nouvelle révolution industrielle engagera une dynamique qui réconciliera le développement économique avec le respect de la nature. C’est la nouvelle Europe que nous voulons construire. L’Europe a su éviter les guerres ; elle doit éviter la destruction de notre environnement et permettre la gestion durable et commune de nos ressources.
Lorsque Benoît Hamon propose un plan de relance de 1 000 milliards d’euros pour mener à bien la conversion écologique dans l’Union, il permet dans le même temps de rompre avec le cycle destructeur de l’austérité. En France, 500 000 emplois non délocalisables pourront être ainsi créés sur un quinquennat. Dans le même temps, la lutte contre l’évitement fiscal des entreprises et les paradis fiscaux doit mettre fin à la guerre fiscale que se livrent les Etats européens. Celle-ci les prive de ressources, évaluées à 1 000 milliards d’euros en Europe, qui font cruellement défaut à des politiques publiques solidaires et durables.
Réguler la mondialisation
Nous ne croyons ni à la « mondialisation heureuse » ni au « protectionnisme douteux ». Nous voulons réguler la mondialisation pour préserver les droits des Européens. Cela suppose de tourner la page de ces accords de libre-échange bilatéraux tels que le CETA ou le TAFTA, qui contreviennent aux objectifs climatiques signés à Paris et affaiblissent les lois devant l’influence des multinationales.
L’Europe, parce qu’elle est le premier marché de la planète, est en mesure de modifier les règles du village mondial. Nous avons besoin d’un ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne pour construire la première étape d’un nouveau commerce international. Nous serons ainsi respectueux des droits environnementaux, des droits sociaux et démocratiques, tout en ouvrant un cercle vertueux car contraignant pour tous les pays qui souhaiteront vendre leurs produits en Europe.
Rien ne sera simple. Nous connaissons les arguments des antieuropéens : puisque tout est difficile, admettons d’ores et déjà que c’est impossible. Au contraire nous faisons nôtres les mots de Jaurès : « L’histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir. » N’oublions pas non plus cette belle phrase de Nelson Mandela : « Cela semble toujours impossible jusqu’à ce que soit fait. »
Partout en Europe, des mouvements citoyens et des dynamiques politiques relèvent le défi d’une Europe plus juste, plus démocratique, plus solidaire. Les élections en Allemagne et en France notamment pourraient être l’occasion de la refondation, tant espérée qu’indispensable, d’un projet européen à la hauteur de son ambition : uni dans la diversité. C’est le sens du rendez-vous que nous donnons aux Français en mai prochain.