« Monsieur le Maire, chers collègues,
Conformément à ce que nous annoncions le 11 août dernier, la Ville de Grenoble va ce soir, par le vote de cette délibération, apporter son soutien aux populations civiles de la bande de Gaza, en abondant à hauteur de 10.000 € le Fonds d’action extérieure des collectivités territoriales (FACECO) du Ministère des Affaires étrangères et du Développement international (MAEDI). Déjà en 2009 le conseil municipal de Grenoble avait unanimement apporté son soutien pour une aide humanitaire aux habitants de la bande de Gaza.
Il s’agit en effet pour nous de manifester concrètement notre solidarité avec les victimes durement éprouvées par un conflit qui a, cet été, atteint un nouveau paroxysme, lorsque bombes, roquettes, missiles et autres obus, ont aveuglément détruit, estropié, tué. Depuis un cessez le feu est intervenu, et il est pour l’instant respecté aussi bien par l’armée israélienne que par les forces combattantes palestiniennes.
Alors certes, on pourra nous dire que cette aide semble bien dérisoire face à l’ampleur du désastre : que sont 10.000 € pour reconstruire des hôpitaux, rétablir l’électricité, redonner accès à l’eau potable ? Que sont 10.000 € pour soigner les blessés, accompagner les survivants dans le long dépassement de l’horreur ? Et bien sûr, que peuvent 10.000 € face aux milliers de morts que rien ne pourra ramener ?
Et pourtant, demain les Grenoblois pourront dire qu’à Gaza ils ont aidé un enfant à remarcher, un médecin à sauver une vie. Et cela, ça n’est en rien dérisoire. Il est dit dans le Talmud : « qui sauve une vie, sauve le monde entier ».
Nous avons donc la responsabilité de dépasser les déclarations d’intention, et d’agir à l’aide des outils dont une Ville comme Grenoble dispose, en particulier la coopération internationale et les relations qu’elle entretient sur place au Proche-Orient, afin d’encourager toutes les initiatives porteuses de paix et d’échanges entre Israéliens et Palestiniens. Notre Ville soutiendra toutes celles et tous ceux, en Palestine comme en Israël, qui, refusant de céder aux sirènes de la haine, luttent pacifiquement pour la levée du blocus, pour l’arrêt de la colonisation, pour le respect des frontières de 1967, pour une paix juste et durable. Dans un contexte où le bruit des armes tente d’étouffer leurs voix, nous devons les aider à la faire résonner.
Cette attention aux autres, notre Ville l’a eu par le passé, elle l’a aujourd’hui, elle l’aura -hélas- encore demain. Je dis « hélas » non pas parce que nous le devrons, mais parce qu’il le faudra, tant l’actualité égrène régulièrement les diverses catastrophes qui frappent les habitants de la planète : conflits, au Proche-Orient, en Syrie, en Irak, en Ukraine ; épidémies, avec le virus Ebola en Afrique ; catastrophes naturelles, avec les inondations en Inde… Il est à craindre donc que le fond de soutien que notre majorité vient de mettre en place soit insuffisant face à l’ampleur des besoins.
Mais ce soir, c’est donc vers le Proche-Orient que vont nos pensées, et nos actes. C’est vers le conflit israélo-palestinien que se porte notre attention : non pas parce qu’il serait le seul -hélas nous en sommes loin !- ; non pas parce qu’il aurait la palme de l’horreur ou de la souffrance – nous n’ajouterons pas l’abjection à l’infamie en hiérarchisant les victimes, en triant les missiles, en partageant notre indignation entre « bons » et « mauvais » conflits.
Non : si nous nous tournons ce soir vers le conflit israélo-palestinien c’est aussi parce qu’il sert de prétexte aux plus hautes autorités de notre pays pour instiller jusque dans nos quartiers le poison de l’intolérance, poussant les populations à lutter les unes contre les autres, détruisant la confiance, favorisant la montée de l’extrême-droite !
C’est à Grenoble que cela a démarré, par le discours inique d’un Président de la République indigne de la fonction qu’il occupait, ce « discours de la honte » de 2010 prononcé sur notre sol par un Nicolas Sarkozy qui voulait amalgamer délinquance et immigration, stigmatisant une partie de la population française en fonction de ses origines, sinistres relents !
Il s’agit d’une-là d’une trahison des valeurs de la République, celles que la Révolution Française de 1789 a donné au Monde, celles pour lesquelles aujourd’hui encore la France est respectée, admirée, reconnue, espérée : les valeurs des Droits de l’Homme et du citoyen, ces « droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits [qui] sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. »
Et cet été le Président de la République et le Premier Ministre eux-mêmes n’ont pas été à la hauteur des enjeux. Là où leur fonction leur impose d’apaiser, ils attisent les braises en considérant une partie de la population française comme un ennemi intérieur, allant jusqu’à refuser le droit à manifester, pourtant inscrit dans notre constitution. Là où il conviendrait d’avoir une attitude ferme, comme Jacques Chirac a su l’avoir le 22 octobre 1996, ils font preuve d’une mollesse comme la gauche ne l’a plus pratiquée depuis Guy Mollet ; refusant de condamner les agresseurs, et de peser comme la France l’aurait dû pour une résolution pacifique du conflit, revenant ainsi sur le précédent institué par François Mitterrand le 4 mars 1982 et qui est depuis la position officielle de la France sur la scène internationale – et ce quelle que soit la couleur politique de nos Gouvernements successifs : le droit pour les peuples Israélien comme Palestinien à avoir leur propre Etat et à disposer librement d’eux-mêmes.
Non M. Valls, la critique n’est pas l’intolérance ; non M. Hollande, Grenoble, Ville d’où est partie la Révolution Française, ne se joindra pas à vous pour trahir les valeurs qui nous fondent, qui nous rassemblent, qui nous unissent !
Eric Piolle l’a dit durant notre campagne : « là où ils veulent diviser, nous allons rassembler ; là où ils ont cassé, nous allons réparer ».
Ce dont cette délibération se veut le symbole, ce que nous voulons porter ce soir, ici et là-bas, partout et toujours, c’est l’espoir. L’espoir d’un mieux vivre ensemble, d’un monde de partage et de respect mutuel.
Pendant plusieurs décennies, et même plusieurs siècles, Français et Allemands se sont entretués dans des guerres fratricides. Mais aujourd’hui des centaines d’Allemands, étudiants, salariés, chômeurs, retraités habitent Grenoble et participent à la vie de la cité, jusqu’au sein du Conseil municipal.
Ce que nous disons ce soir aux peuples d’Israël et de Palestine c’est : « il y a 70 ans que vous l’espérez, il y a 70 ans que nous la vivons : elle est possible ! Juste, durable : la paix ».
Je vous remercie. »