A quoi sert Autolib’ ?
Le 5 décembre dernier, Autolib’ fêtait sa première année d’existence dans les rues de Paris. L’heure du premier bilan. Alors que Bolloré a annoncé qu’il étendrait cette année son concept à Bordeaux et probablement à Lyon, l’impact environnemental du système d’auto-partage en « trace directe » du groupe est très contestable.
Autolib’ à Paris c’est 25 millions d’euros d’investissement en 2011-2012 et 735 stations s’inscrivant dans le cadre de la politique de déplacement développée par la Ville de Paris depuis 2001. Autolib’ reposait sur une idée a priori louable : inciter les Parisiens à renoncer à leur voiture en leur offrant l'usage ponctuel de véhicules facilement disponibles, peu chers, et peu polluants. Sauf que c’était le discours du lancement. La réalité est toute autre. Le report modal est inexistant et pire Autolib’ n’a pas supprimé de voitures, mais a encouragé les usagers des transports en commun à en louer une !
Une incohérence dans le concept même du service puisque la voiture peut être utilisée en « one-way » et donc restituée dans n’importe quelle autre station. Les jockeys du service sont donc amenés à se déplacer « à vide » pour réguler l’homogénéité de l’offre sur l’ensemble des points de location. D’où une augmentation inutile du trafic dans les rues de la capitale.
Comme le constate la Fédération Nationale des Associations d’Usagers de Transports (FNAUT), contrairement à l’auto-partage traditionnel dit « en boucle », le covoiturage ou même le taxi, le libre-service a facilité l’usage irréfléchi de la voiture, aussi « écologique » soit-elle.
Et de conclure que la Ville de Paris aurait mieux fait d’utiliser cet investissement dans la promotion d’autres modes de circulation connus pour leur réel intérêt environnemental.
Par exemple avec le covoiturage qui, en diminuant le nombre de kilomètres parcourus en voiture, contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre responsables du changement climatique comme le dioxyde de carbone (CO2) ainsi que les émissions de polluants nocifs pour la santé. Ce système a aussi l'avantage de créer du lien social par le partage d'un véhicule avec plusieurs personnes.
Ou bien encore avec le recours aux systèmes d’auto-partage « en boucle », qui souffrent aujourd’hui d’un déficit d’image, de notoriété et aussi de financement.
Pour rappel, l'inscription à ce service permet aux abonnés de réserver facilement, le plus souvent par Internet, un véhicule stationné dans un parking à proximité. Favorisant ainsi l’intermodalité et la multimodalité, l'auto-partage répond à un vrai besoin puisque, selon l’Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (Ademe), « 70% des trajets effectués par ce moyen ne pourraient pas être faits autrement qu’en voiture. »
Et l’Ademe insiste également sur le double intérêt environnemental de l’auto-partage car outre la diminution du nombre de kilomètres parcourus en voiture, il libère l’espace urbain utilisé auparavant pour le stationnement des véhicules individuels. Car oui, ce concept diminue considérablement le parc automobile. Une étude menée par le cabinet 6T, avec le soutien de l’Ademe, révèle qu’une voiture en auto-partage remplace neuf voitures personnelles et libère huit places de stationnement. L’Atelier parisien d’urbanisme (APUR) rappelait déjà en 2007 que l’objectif de 150 000 adhérents en auto-partage réduirait le parc automobile de 6% et induirait une économie de 100 000 tonnes de CO2.
Que le groupe Bolloré en étendant son service à d’autres grandes villes de France, considère qu’Autolib’ est un succès, c'est un fait. Les experts en éco-mobilité certainement moins.
Promouvoir l’éco-mobilité demain, c’est faire d’autres choix, en donnant la priorité aux systèmes d’auto-partage en boucle et au covoiturage. C’est à coup sûr moins glamour, mais certainement plus efficace.
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