Peintres, rêveurs et rêveuses, promeneurs et promeneuses retrouvent le chemin des berges de Seine !
« Que vont dire de tout cela les habitués des berges de la Seine, les mères de familles qui y venaient promener leurs enfants, les amateurs de solitude et de tranquillité qui s’y reposaient, les peintres, les retraités qui venaient y flâner avec leurs chiens, les clochards, les amateurs de bains de soleil ? »
Cette question a été posée par un journaliste à des promeneurs et promeneuses des berges de Seine, en 1964 –la référence aux mères de familles promenant leurs enfants pouvaient représenter une indication sur l’époque-, au moment où le chantier de la voie express sur berge allait être lancé. « Ce sera moins agréable », « Il y aura beaucoup plus de voitures alors qu’il en a déjà beaucoup », « Toute la poésie s’en va. » furent les réponses glanées.
La poésie irriguera de nouveau et bientôt les berges de la Seine ! L’engouement suscité par l’enquête publique prouve, haut combien, que la Seine possède une aura particulière ; véritable colonne vertébrale et âme de Paris.
La reconquête des berges de la Seine faisait partie intégrante du programme de la majorité municipale de gauche et écologiste de la première mandature. Hier, le compte-rendu de l’enquête publique sur l’aménagement des berges de la Seine, qui a recueilli de la part de la commission un avis favorable à la poursuite de l’opération, a été adopté en Conseil de Paris.
J’ai saisi cet espace de débat qu’offre l’hémicycle pour exprimer mon enthousiasme de voir un espace public attentif à l’environnement, à l’histoire d’un site, à l’humain reprendre peu à peu ses droits, mais aussi pour affirmer quelques réserves et inquiétudes sur certains partis pris du projet. Ainsi, des incertitudes sur la redéfinition de la place des voitures dans la Ville et le long de la Seine persistent. Seule la rive gauche sera fermée à la circulation. La rive droite, quant à elle, deviendrait un boulevard urbain. L’existence d’une clause de réversibilité –c’est-à-dire qu’il serait possible de rétablir en totalité ou partiellement la circulation sur simple décision de l’Etat ou du propriétaire de l’espace foncier- jette une zone d’ombre. Il ne s’agit pas non plus de faire des berges de Seine un vaste salon d’animation. Or, la présence de deux entreprises de l’événementiel sur les quatre chargées de définir le sens de l’aménagement interpelle et invite à une vigilance. Le paysagisme et l’inscription de la Seine dans une continuité écologique de l’écosystème parisien devraient primer sur la logique de consommation d’un territoire.
Ce projet représente une étape vers une Ville plus respectueuse de son environnement. A nous, de l’approfondir !
Voici mon intervention :
Monsieur le Maire,
La reconquête des berges de la Seine, que nous avions inscrite à notre programme dès la première mandature de la majorité municipale de gauche et écologiste, devrait enfin devenir réalité en 2012.
Ce projet constitue pour les écologistes l’entame d’un juste retour des choses : considérer les berges de la Seine autrement qu’un aspirateur à voitures, en revenant sur les aménagements routiers et autoroutiers des années 60 et 70 qui ont coupé Paris de son fleuve, et défiguré aussi bien la rive droite que la rive gauche de la Seine.
C’est donc dans ce contexte historique que se situe aujourd’hui ce projet, avec la perspective d’une reconquête des berges pour les piétons, pour des usages diversifiés à caractère sportif, culturel, citoyen ou économique. C’est aussi l’occasion de souligner l’intérêt écologique majeur que constitue la Seine, élément fondamental de la trame bleue et verte parisienne.
Certes, cette reconquête est partielle puisqu’elle ne concerne qu’une partie des berges de la Seine, située au centre de la capitale.
Les élus Europe Ecologie Les Verts auraient souhaité un projet de plus grande envergure, comprenant l’ensemble des berges de la Seine à Paris, et traitant dans leur ensemble la question des quais hauts et des berges de la Seine, tant leur situation est imbriquée.
Il n’en demeure pas moins que ce projet a le mérite de lancer la première étape d’une reconquête plus globale des berges et des quais de Seine, et de renouer en partie avec le fleuve, et nous savons que des propositions ont été formulées pour les berges situées sur les 12e, 13e et 15e arrondissements, et qu’elles sont étudiées avec attention.
A l’issue de l’enquête publique qui s’est déroulée l’été dernier, nous souhaitons faire part de plusieurs remarques concernant le rapport remis par la commission d’enquête, à l’issue des deux mois et demie d’enquête publique.
Nous sommes tout d’abord satisfaits de l’avis favorable rendu par la commission. Ce projet a suscité l’intérêt des parisiens, et si l’on voit qu’une majorité des 1563 avis recueillis sur les registres d’enquête sont critiques envers le projet, nous n’oublions pas qu’une majorité de 71 % de parisiens et habitants de la petite couronne interrogés à l’occasion d’un sondage en janvier 2011 ont émis un avis favorable sur le projet présenté par la Ville, et ce qu’elle que soit leur opinion partisane.
Il n’y a guère que la droite et le centre-droit de cet hémicycle qui restent viscéralement attachés à une conception de l’aménagement urbain pronant un tout automobile digne des années 70 et du siècle dernier, et nous aurons certainement une fois de plus encore l’occasion de le vérifier à l’occasion de ce débat, avec les caricatures habituelles et autres appréciations à l’emporte pièce.
A l’inverse de cette vision, qui considère l’espace public où l’hégémonie automobile ne peut être remise en cause, les écologistes défendent une ville dans laquelle la voiture individuelle est un outil parmi d’autres dans la chaîne de mobilité, et qu’il appartient aux pouvoirs publics d’inciter et d’organiser le report modal de l’usage d’un véhicule individuel vers les transports publics, dans une perspective de mobilité soutenable.
C’est la raison pour laquelle nous proposons à chaque débat que soit renforcée l’offre de transports en commun. Ce sera déjà le cas avec les renforcements prévus sur les lignes A et C du RER, avec l’automatisation de la ligne 1 ou bien encore avec la mise en service de navettes fluviales sur l’ensemble du bief parisien.
Nous proposons aussi que soit étudiée la possibilité d’un renforcement de l’offre de bus sur les quais hauts, et c’est pour cela que nous proposons un vœu pour que soit étudié le prolongement de la ligne de bus 72 jusqu’à la gare de Lyon, pour cette ligne qui suit la Seine et qui a aujourd’hui son terminus à l’Hôtel de Ville.
A terme, nous souhaitons qu’un véritable transport en commun en site propre, à haute qualité de service, soit mis en service sur les quais hauts en rive droite, voire qu’un tramway puisse y prendre place, ce qui permettrait non seulement une desserte de qualité de nombre d’établissements publics ou monuments qui bordent les quais hauts, mais aussi leur requalification globale.
A l’issue de l’enquête publique, nous notons que la commission d’enquête a assorti son avis favorable de deux réserves, dont l’une concerne la réversibilité des aménagements.
La commission estime, je cite, que « La réversibilité, définie comme le retour à la fonctionnalité de circulation de la voie sur berge basse rive gauche, doit être préservée dans la durée. Cette clause de réversibilité devra figurer dans toutes nouvelles conventions afin que la circulation puisse être rétablie, en totalité ou partiellement, à tout moment sur décision de l’Etat, propriétaire de l’assiette foncière. »
Comme cela était prévisible, la question de l’aménagement des berges de Seine s’est beaucoup focalisée sur les conséquences qu’elle pourrait avoir en matière de circulation. Or, les simulations approfondies menées par la Ville de Paris ont démontré que l’impact du projet sur la circulation serait mineur, et des réponses précises ont été apportées à chaque fois que cela était nécessaire.
Dans sa réponse, l’exécutif laisse planer un flou quant à la réversibilité en question, qui amoindrit le projet : « l’aménagement n’implique que des interventions légères, sans bouleversement physique ».
S’il est logique et normal que les aménagements puissent être démontables rapidement en cas de crue, il n’en demeure pas moins que le projet de réaménagement des berges de Seine constitue une opportunité historique pour valoriser ce site inscrit au patrimoine mondial de l’humanité, et faciliter les accès au fleuve.
Dans ces conditions le retour à une fonctionnalité de circulation serait un retour en arrière, et signerait l’échec de l’ambition de reconquête des berges.
C’est cette ambition qui nous pousse aussi à nous interroger sur l’aménagement proposé sur la rive droite. Nous avons déjà eu l’occasion de le dire ici : aménager la voie sur berge de la rive droite en boulevard urbain, c’est faire le choix de rester au milieu du gué.
Nous sommes particulièrement sensibles à la question de la sécurité des piétons, aussi nous nous interrogeons sur les risques d’un tel aménagement, qui va inciter des piétons à se promener non seulement dans un environnement bruyant, mais est aussi porteur de risques pour les piétons, même si des traversées piétonnes vont être réalisées. La commission d’enquête a d’ailleurs relevé cet aspect et elle souhaite je cite « que l’accidentologie sur la rive droite soit examinée avec la plus grande attention, dès la mise en œuvre du projet ».
Nous aurions préféré un aménagement en rive droite similaire à celui de la rive gauche, ce qui aurait bien entendu questionné l’ensemble du fonctionnement de la voie express en rive droite et des alternatives de transport que nous aurions pu mettre en œuvre. Nous restons donc sur notre faim sur ce versant du projet.
Une dernière question concerne l’animation des berges. Dans l’équipe pluridisciplinaire chargée de la définition et la coordination du projet, nous comptabilisons deux structures spécialistes de l’événementiel -Artévia et Lille 3000- sur les quatre qui composent l’équipe. L’apport de Bas Smets, cabinet spécialiste du paysagisme, n’a été que très peu valorisé. Il faut rappeler que les berges comme lieu de ballade, nouvelle continuité piétonne et cyclable constitue une des priorités pour les parisiens qui ont exprimé des attentes très fortes en la matière.
Enfin, la vocation économique du fleuve est également réaffirmée, notamment avec le renforcement de la fonction de transport de personnes et de marchandises sur le port du gros Caillou, avec un port public et des escales de transport de passagers.
Monsieur le Maire, le projet d’aménagement des berges de la Seine que nous votons aujourd’hui constitue la concrétisation d’un engagement commun pris devant les parisiens il y a dix ans. Nous mesurons à la fois l’ambition de ce projet, et les attentes qu’il suscite. Les élus Europe Ecologie Les Verts apportent leur soutien déterminé à ce projet, qui sera une première étape de la construction de la ville du 21e siècle autour de son fleuve.
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