Accueil 12ème arrondissement L’avenir des villes se fera autour de la biodiversité ou ne se fera pas

L’avenir des villes se fera autour de la biodiversité ou ne se fera pas

Libellules déprimées aperçues au bois de Boulogne, canards colverts filant sur les eaux du canal de l’Ourcq,  faucons crécerelles rencontrés avenue Daumesnil, les 500 espèces de plantes sauvages abritées au bois de Vincennes, les herbes folles bravant le bitume, nous sommes tous les jours en interaction avec la biodiversité parisienne sans que nous en ayons conscience.

Le plan biodiversité de Paris : un signal politique fort.

Paris représente un écosystème en soi ; un écosystème fragile comme le montre l’étude menée par Natureparif qui, entre 2001 et 2009, a réalisé un bilan de santé de la biodiversité de la région francilienne et a mis en lumière une chute de la présence des chauves-souris et des papillons sur le territoire parisien. Or, ces deux espèces représentent de très bons indicateurs d’évaluation de l’état de la biodiversité en raison de leur très forte sensibilité aux dégradations environnementales.

Cette dégradation ne saurait être un état de fait. La réapparition, après trois années d’entretien sans pesticides, des canards sauvages dans le square du Temple (3ème), un des premiers espaces verts à avoir été labellisé « espace vert à gestion écologique », l’affirme avec force. Il n’y a pas de fatalité à l’érosion de la biodiversité. Faire croire à un fatalisme ou en faire un sujet secondaire sont des postures politiques qu’avec les éluEs d’Europe Ecologie – Les Verts, je refuse. Le sujet est éminemment politique. Prendre le parti de la biodiversité, c’est poser un regard différent sur la ville et sur les manières d’appréhender l’exercice politique. C’est être attentif au contexte local dans tous ses aspects socio-économique, architectural et environnemental. Et, c’est aussi dépasser une logique court-termiste, trop souvent prépondérante en politique, en interrogeant, sur le long terme, les impacts et les conséquences de projets urbains sur le cadre de vie, la nature, l’espace public.

Or contrairement à une idée reçue, les villes, les territoires urbains ont un rôle crucial à jouer dans la sauvegarde de la biodiversité. La conférence des nations unies autour de la préservation de la biodiversité (sommet de Nagoya d’octobre 2010) le souligne avec force. L’espace utilisé par habitant en Europe a plus que doublé ces cinquante dernières années. En 20 ans, la surface des agglomérations a augmenté de 20% dans de nombreux pays d’Europe, tandis que la population n’augmentait que de 6%. Ce phénomène d’étalement urbain et d’artificialisation croissante des terres a entraîné une érosion de la biodiversité au sein des zones urbaines du fait de la fragmentation des espaces naturels, bouleversant le fonctionnement des écosystèmes existants. Paris doit prendre part pleinement à cet effort.

Le plan biodiversité de Paris, porté par Fabienne Giboudeaux et adopté en Conseil de Paris le 15 novembre dernier, représente un signal politique fort. Tout d’abord, son élaboration a été le fruit d’une démarche participative exemplaire. Tous les acteurs du territoire -habitants, associations, éluEs, scientifiques, services de la ville, entreprises etc.- ont été associés. La mise en place d’ateliers participatifs –ateliers de professionnels et ateliers de citoyens-, organisés sur quatre sites pilotes, dont un dans le 12ème (Bois de Vincennes et Bercy-Charenton), a permis que la question de la biodiversité soit saisie au-delà des cercles d’initiés. Ensuite, fort de cette réflexion collective, le plan biodiversité propose une action ambitieuse et complète autour de trois axes porteurs :

- Le développement de continuités écologiques en créant, par exemple, des liaisons entre les espaces de nature du territoire parisien, grâce notamment à la création de 7 hectares nouveaux de toitures végétalisées, de 40 mares ou milieux humides et en renforçant les corridors écologiques, indispensables à la circulation des espèces, en reliant les espaces vert de la ville aux espaces naturels régionaux. Le groupe Europe Ecologie – Les Verts a déposé un vœu incitant à ce que la Petite Ceinture, qui représente près de 50 hectares au cœur de l’agglomération parisienne et dont les talus servent au déplacement d’espèces, soit préservée comme liaison écologique.

- Faire de la biodiversité un élément central et structurant de l’action municipale.

Les outils existent ! Un cahier de recommandations environnementales annexé au Plan Locale d’Urbanisme, la labellisation des espaces verts en gestion écologique, une politique des achats privilégiant les circuits courts, l’intégration dans les cahiers des charges des opérations d’aménagement et de construction de la prise en compte de la préservation de la biodiversité à chaque étape opérationnel, entre autres, permettront d’avancer dans cette direction et d’amener à des pratiques plus respectueuses de l’environnement.

- Améliorer la connaissance de la biodiversité, sensibiliser et mobiliser les citoyens et l’ensemble des acteurs du territoire, fédérer et mutualiser les action innovantes à travers la mise en place d’un Observatoire de la Biodiversité.

Bâtir avec la nature pour une ville plus humaine.

Intégrer la sauvegarde et l’enrichissement de la biodiversité au cœur des politiques publiques, quelle que soit l’échelle d’action -local, national- permet d’opérer un déplacement du regard et penser des projets qui mettent en synergie la nature, l’Homme et invite à adopter des postures innovantes, à être imaginatif.  Personne n’y perd.

Bâtir avec la nature incite à respecter l’histoire d’un site, à réfléchir aux impacts dans leur globalité, autant sur les plans environnemental et social, et dans leurs interactions. Les éco-quartiers de Viiky à Helsinki et de Kronsberg à Hanovre ont été les premiers à prendre en compte la biodiversité dans leurs projets. Dans les deux cas, outre une prise en compte de l’efficacité énergétique –équipements à énergie positive, développement de l’énergie renouvelable-, de la promotion d’une mobilité douce, d’une gestion écologique du traitement des eaux usées, de la mixité sociale, une étude d’impact sur les habitats et les espèces a été menée et des mesures compensatoires ont été appliquées.

A Paris, la « Tower Flower », bâtiment de Paris Habitat abritant des logements sociaux situé dans la ZAC de la Porte d’Asnières (17ème) et l’éco-quartier « Eden Bio » (20ème) sont à cet égard intéressant. Edouard François, l’architecte des deux projets, a mis la nature au centre des constructions –balcons ornés d’énormes pots de bambous pour la « Tower Flower » qui prolonge à l’horizontale le parc situé en face ; rues laissées en friches, pour « Eden Bio », préservation des sols où une attention, lors du chantier, pour ne pas polluer les sols lorsque le béton est lavé, par exemple, a été portée.

Voir dans la préservation de la biodiversité une contrainte supplémentaire, c’est oublier les bienfaits que celle-ci apporte. La biodiversité traite l’air, l’eau, les déchets. Les zones humides, les mares purifient naturellement les eaux. New-York a fait le choix, à la fin des années 1990, de traiter une partie de ces eaux par la création de milieux humides abritant des plants spécifiques permettant un assainissement. L’augmentation de surfaces végétalisées permet de réduire sensiblement les îlots de chaleurs urbains et de jouer un rôle dans la maîtrise des crues. Les toitures végétalisées, les murs végétalisés améliorent l’évacuation et le traitement des eaux de pluies du fait que l’écoulement est plus lent et qu’une partie des eaux est utilisée par les plantes. La biodiversité contribue également au bien-être des citadins. Deux études menées au Pays-Bas, en 2003 et 2006, ont révélé que les habitants de quartiers pourvus d’espaces verts conséquents déclaraient en moyenne moins de problèmes de santé. Roger Ulrich, chercheur américain, avait montré, dans les années 1980, que des patients dont les chambres donnaient sur des arbres récupéraient plus vite et avaient besoin de moins d’antidouleurs que ceux n’ayant pas de vue sur la nature. Cette biodiversité est aussi source de solidarités et de lien social comme le montrent les expériences des jardins partagés et des jardins d’aide à l’insertion. C’est tout un quartier qui s’anime, qui respire.

Se saisir de l’opportunité du Grand Paris.

Au moment, où se dessine l’avenir du Grand Paris, on comprend tout l’intérêt à le bâtir en ayant en ligne de mire cette biodiversité. Il n’en découle pas uniquement des choix architecturaux. En jeux, se trouvent, entre autres, la construction d’autres modèles économiques, la possibilité de repenser les modes de transports et leur maillage, l’instauration de nouvelles solidarités territoriales et sociales.

Une augmentation de 30% de la surface boisée en Ile-de-France, le remplacement des céréales par du maraîchage dans un rayon de 50km autour de Paris, la création de zones humides permettraient, selon les scénarii du Groupe d’étude de l’atmosphère météorologique, de faire chuter de 2°C la température nocturne en temps caniculaire. Mais, cela offrirait aussi la possibilité de faire baisser l’usage d’engrais –la culture céréalière en est une grande consommatrice-, que les productions maraîchères soient consommées localement –les cultures céréalières de l’Île-de-France sont majoritairement vouées à l’exportation- et distribuées en circuits courts.

Des choix politiques s’offrent à nous. Et ce ne sont probablement pas la construction des Tours triangles (15ème) et le chantier du stade Jean Bouin (16ème), aux coûts faramineux, qui offrent les meilleures perspectives.

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