Vers une remise à flots pour Voguéo.
Un sabordage en règle
En mars dernier, je terminais mon article « Il faut sauver Voguéo ! » par un « A suivre… ».
Nous venions, alors, d’apprendre l’arrêt de l’expérimentation de Voguéo le 5 juin suite à une décision du préfet de région qui déclarait, dans le cadre de sa mission de contrôle des marchés publics, illégale la prolongation de l’expérimentation de trente mois votée par le Syndicat des Transports d’Ile de France (STIF) pour non respect des règles de mise en concurrence.
De juin 2008 à juin 2011, ce service de navettes fluviales a pu être testé entre Maisons-Alfort et la Gare d’Austerlitz. Si des faiblesses se sont révélées tels un tracé peu pertinent, des escales éloignées des autres modes de transports ne permettant pas une intermodalité cohérente, un manque de communication auprès des citoyens, si la fréquentation demeurait en conséquence très modeste, le taux de satisfaction des usagers – près de 250 000 en 2010- atteignait, malgré tout, 94%.
L’essence d’une expérimentation n’est-elle pas d’éprouver un scénario, pensé autour d’une table, afin de l’améliorer plutôt que de le couler ?
La progression significative de 43% de la fréquentation, sur le premier trimestre 2010, consécutive à l’intensification des fréquences et à l’accès rendu possible pour tous les forfaits zones 1 à 2 (Maisons-Alfort se situant en zone 3) prouve toute les potentialités de ce mode de transport lorsque son fonctionnement s’adapte aux besoins des usagers et se réalise en complémentarité du réseau de transports existant. La mobilisation de certains employés du Ministère de l’Economie et des Finances ou de la Bibliothèque Nationale de France contre la fermeture de ce service montre qu’un public existe autant pour des déplacements pendulaires que pour des déplacements d’agrément.
Navibus lancé à Nantes en 2005 ou bien The London River Service lancé à Londres dès 2000 prouvent qu’un service de navettes fluviales est économiquement viable. A Londres, chaque année, ce sont près de 3 millions de personnes qui empruntent les bateaux. Et, en vue des Jeux Olympiques de 2012, ce service se voit renforcé pour répondre à l’afflux de touristes et prévenir l’engorgement des différents réseaux de transport.
Cette interruption de service s’est opérée en dépit du bon sens et de la décence. L’arrêt de l’expérimentation a laissé sur le quai des usagers désabusés, se moquant ainsi de l’exigence de continuité dans les services publics. 25 employés, dont le savoir-faire et les compétences manqueront lors de la remise à flots de Voguéo prévue pour 2013, se sont vus proposés, du fait que Batobus est une filiale de Sodexo, des postes de commis ou de plongeur ! La reprise de Voguéo souffrira de ces pertes de dynamiques.
De nouveaux horizons pour 2013
La suite donnée à l’expérimentation, la voici.
Grâce à la mobilisation des élus de la majorité municipale parisienne et de la majorité régionale, le 1er juin, les administrateurs du STIF ont, lors de leur conseil d’administration, acté à l’unanimité la mise en œuvre, à compter du second semestre 2013, d’un réseau de transport public fluvial étendu. Ce 14 novembre 2011, au Conseil de Paris, a été adopté un projet de délibération portant sur les modalités de concertation, proposées par le STIF dans son rapport préfigurant le cahier des charges de Délégation de Service Public, pour la mise en place de ce service.
Le projet répond à certaines faiblesses mises en évidence par l’expérimentation. Il est, à cet égard, proposé trois lignes qui couvrent l’ensemble du bief parisien de Suresnes à Maisons-Alfort/ Vitry-sur-Seine. Une ligne centrale réalise une boucle qui va de la Tour Eiffel à la Gare d’Austerlitz, et deux lignes plus périphériques, l’une vers l’Est allant des Invalides à Vitry-sur-Seine / Maisons-Alfort et l’autre vers l’Ouest de Suresnes au Musée d’Orsay répondent plus particulièrement aux attentes des déplacements pendulaires.
Les fréquences et la capacité des bateaux, quant à elles, s’adaptent aux contextes des lignes et des saisons. Ainsi, une haute et une basse saison sont instaurées. Les fréquences évoluent selon les estimations de trafic. En ce sens, la ligne centrale connaîtra une fréquence plus soutenue et des embarcations à plus grande capacité (250 contre 100) pour faire face à un afflux plus nombreux de touristes. L’accessibilité et la visibilité des escales seront accrues. Il sera également fait attention à ce que les bateaux soient facilement manoeuvrables et peu polluants.
Une des fragilités criantes du dispositif résidait dans la disposition des escales. J’avais, à plusieurs reprises et avec d’autres éluEs du 12ème arrondissement, pointé l’illogisme de l’emplacement de certains arrêts. Aussi, la station du 12ème, qui se situait quai de Bercy au niveau de la passerelle Simone de Beauvoir, ne permettait pas d’atteindre des lieux phares tels le parc de Bercy, le Palais Omnisport de Paris Bercy ou bien le Ministère de l’Economie et des Finances et ne facilitait aucune intermodalité avec les lignes 6 et 14 du métro, de bus et Vélib. Soucieux de voir se concrétiser un service de navettes fluviales pérenne, j’ai déposé, avec le groupe Europe Ecologie Les Verts, un vœu invitant à ce que soit explicitement inscrit, dans le cahier des charges de Délégation de Service Public, pour l’exploitation du service l’obligation de prendre en considération l’intermodalité avec les autres modes de transports en commun dans le choix de la localisation des escales.
La promotion d’autres rapports au temps et à la ville
La droite parisienne s’obstine à décrire Voguéo comme un gouffre financier. S’il est vrai que cette offre de service ne dégagera probablement pas de bénéfices, comme bien d’autres services de transports au demeurant, elle invite néanmoins, et c’est une force, à repenser le financement et le partage des risques attenant. Une solidarité intercommunale peut se nouer et ne peut être que positive dans la perspective de la construction d’un Grand Paris. Paris participant de moitié au budget du STIF, il ne paraît pas anormal de demander à l’organisation un effort soutenu dans la mise en œuvre d’un service innovant et respectueux du développement durable.
La droite parisienne s’obstine à réduire Voguéo à un gadget. Ce n’est pas voir que ce service permettrait d’aider au désengorgement des lignes 1 du métro et du RER A. C’est oublier que le développement d’un tel service est inscrit dans le Plan de Déplacements de Paris et que, le rapport de la commission d’enquête publique autour de l’aménagement des Berges de Seines préconise, dans sa deuxième recommandation, de développer le transport des personnes par voie fluviale. C’est être aveugle à l’ensemble des sens que Voguéo charrie avec lui.
Voguéo n’est pas qu’un mode de transport innovant et écologique. Voilà aussi sa force. C’est aussi une manière de promouvoir d’autres rapports au temps, celui de le prendre, dans une société où la précipitation semble être une règle et vouloir signifier notre position. C’est également un moyen de se réapproprier Paris, de s’inscrire dans son Histoire, de se rappeler que pendant près d’un siècle, de 1837 à 1934, la Seine a été au cœur des déplacements parisiens. C’est enfin un formidable vecteur de sensibilisation au développement durable, à l’écosystème parisien.
Espérons que l’horizon soit dégagé pour Voguéo !
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