Intervention au nom du groupe Europe-Ecologie Les Verts et Apparentés (EELVA)

Monsieur le Maire,

En juillet dernier, notre assemblée avait approuvé les modalités de la concertation en vue de l’aménagement des berges de Seine.

La Seine, c’est le cœur de Paris, sa colonne vertébrale, sa ligne de vie.

Alors que de tous temps, les parisiens ont vécu près de leur fleuve, les aménagements urbains de l’ère du tout automobile chère à Georges Pompidou et, il faut le croire, à la partie droite de cet hémicycle encore aujourd’hui, ces aménagements urbains donc, ont coupé Paris de son fleuve, sur sa rive droite comme sur sa rive gauche.

Les écologistes se sont depuis toujours opposés à ces aménagements urbains qui défigurent la ville et la déshumanisent.

Une autoroute urbaine au coeur de la ville

Nous l’avons déjà dit : les berges de Seine offrent aujourd’hui un paysage indigne de notre capitale : celui d’une autoroute urbaine en plein cœur de la ville, alors qu’elles sont pourtant classées au patrimoine mondial de l’humanité.

Cette aberration urbanistique, cet anachronisme, nous avons pris l’engagement d’y mettre fin il y a dix ans déjà, lorsque la majorité municipale de gauche et écologiste est arrivée aux responsabilités à Paris.

Comme vous le savez Monsieur le Maire, pour les élus du groupe Europe-Ecologie Les Verts et Apparentés, l’aménagement des berges de Seine mériterait d’être pensé dans sa globalité, en tenant compte non seulement des berges mais aussi des quais hauts, tant leur fonctionnement est étroitement imbriqué.

C’est d’ailleurs à l’échelle parisienne et même métropolitaine qu’il convient de réfléchir au devenir des berges de Seine. Cela a été acté à l’issue de la première phase de concertation, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Nous avions proposé au début de la mandature qu’un grand concours international d’architecture puisse être lancé pour imaginer l’avenir des berges et des quais hauts. Mais nous n’avons hélas pas été entendus sur ce point.

Nous regrettons aussi que le scénario d’une reconquête globale des berges, incluant la rive droite, que nous avions proposé comme deuxième variante à présenter au public, n’ait pas été soumis à la concertation.

C’est pour cela que le projet d’aménagement des berges de Seine tel qu’il nous est présenté, constitue pour nous une première étape vers une reconquête globale des berges, incluant l’aménagement des quais hauts pour dissuader le trafic de transit automobile par le centre de la capitale et renforcer parallèlement l’offre de bus en site propre.

Un aménagement en rive droite qui pose question

Si nous approuvons bien entendu la reconquête de la rive gauche, permettez-nous de réaffirmer nos interrogations sur l’aménagement proposé en rive droite.

La transformation d’une partie de la voie express en boulevard urbain est certes une avancée, mais pour nous bien trop timide.

Nous nous interrogeons notamment sur la façon dont pourrons cohabiter une circulation automobile qui restera extrêmement intense, et une circulation piétonne, que l’on fera descendre sur la berge, là où elle est aujourd’hui interdite. Nous nous posons des questions sur les conditions de sécurité pour les piétons, qui seront invités à se déambuler dans cet environnement de circulation intense.

D’ailleurs, nous notons que le résultat du sondage réalisé auprès de 1400 habitants de Paris et de quatre communes riveraines de la capitale montre une moindre adhésion à l’aménagement rive droite, 63% d’avis favorables, que pour celui de la rive gauche, plébiscité à hauteur de 71%.

Il serait intéressant de connaître votre analyse de ce moins fort enthousiasme.

Pour une reconquête globale des berges de Seine

Nous pensons qu’un scénario de reconquête plus large des berges aurait pu être soumis au débat et à la concertation, avec un renforcement concomitant et conséquent de l’offre de transports en commun sur les quais hauts. Le dossier de présentation remis en mai dernier précisait bien que, je cite « en 2001, les berges du 7^e comme du 4^e sont restées fermées plus de deux mous, en période de plein trafic. Si les temps de parcours ont été globalement augmentés, le fonctionnement métropolitain n’a cependant pas été affecté, dans un contexte où le niveau de circulation était globalement supérieur » fin de citation.

Cet hiver, les berges ont été fermées plusieurs jours en raison de la crue de la Seine, et là encore nous n’avons pas eu à notre connaissance une thrombose généralisée de la circulation.

D’autant que la réduction de capacité de circulation liée à la fermeture des berges est de loin inférieure à l’augmentation de l’offre en transports collectifs que nous avons réalisée ou qui est programmée pour les années à venir, avec l’amélioration de la ligne 1 du métro et des RER A et C.

Renforcer l'offre de transports en commun : bus sur les quais hauts, navette fluviale sur la Seine

Nous proposons également que la Ville étudie dans les plus brefs la mise en site propre systématique des bus sur les quais hauts, en particulier dans les 5^e et 15^e arrondissements, et qu’elle mette à l’étude la réalisation d’un transport en commun en site propre à haute qualité de service sur les quais hauts en rive droite.

Nous réaffirmons aussi notre volonté forte que le service public fluvial Voguéo soit pérennisé, étendu à l’ensemble du bief de Paris, soit de Maisons-Alfort à Suresnes, et qu’il soit amélioré dans sa fréquence et sa connexion aux autres modes de transport en commun. La Ville de Paris s’est beaucoup battue pour que Voguéo existe, et notre collègue Denis Baupin a beaucoup œuvré en faveur de ce mode de transport qui peut apporter un plus indéniable à l’offre de transport public métropolitaine.

Au moment où l’expérimentation de Voguéo risque de tourner court, il est plus que jamais indispensable que notre collectivité réaffirme son attachement à ce mode de transport.

Il est primordial en effet de ne pas réduire le débat concernant l’aménagement des berges à la seule circulation automobile, mais de raisonner en terme de mobilité globale et soutenable.

Intégrer la dimension économique du fleuve

De même, la vocation économique de la Seine doit être affirmée, car le développement du fret fluvial en remplacement du fret routier constitue un élément de la conversion écologique de l’économie que les écologistes promeuvent.

A l’issue de la première phase de la concertation, nous sommes satisfaits de noter que certains des amendements et vœux que nous avions porté aient été repris : c’est le cas notamment des vœux relatifs à l’élargissement de la réflexion sur les berges des 12^e, 13^e et 15^e arrondissements.

Nous voyons avec satisfaction que plusieurs de nos propositions ont été reprises et intégrées au projet, comme la liaison piétonne entre le port Henri IV et le bassin de l’Arsenal, l’étude d’un élargissement du port de la Rapée au niveau de la voie Mazas, pour assurer une continuité piétonne de qualité sur la berge, l’étude de la liaison sous le pont Royal entre le port de Solférino et le port des Saint-Pères, ou bien encore le réaménagement du port de Bercy, sur lequel pourraient être développées des animations culturelles et citoyennes avec des péniches associatives, comme tente de le faire non sans mal la péniche associative Alternat.

D’un point de vue urbain, relier le parc de Bercy au parc André Citroën par les berges de Seine sans discontinuité doit pouvoir devenir une réalité.

Nous insistons sur l’importance des aménagements et des animations proposées sur les berges reconquises.

Pour les élus du groupe Europe-Ecologie Les Verts et Apparentés, il est primordial d’ouvrir des lieux de détente et de promenade sur les berges de Seine.

La reconquête du lien vers le fleuve est d’ailleurs réalité dans des villes comme Bordeaux ou Lyon, où les nouveaux espaces ouverts à la population sont plébiscités.

Préserver les berges de la marchandisation

Nous insistons à nouveau pour que les espaces nouveaux qui seront ouverts restent des espaces préservés de la marchandisation, où l’on pourra avant tout se promener et bénéficier d’un paysage exceptionnel au cœur de la ville. C’est d’ailleurs le souhait d’une majorité des personnes interrogées lors du sondage réalisé par la Ville.

C’est bien à une renaturation à laquelle nous aspirons, à la préservation de la biodiversité de ce corridor écologique que constitue la Seine, à la découverte de lieux où nous pourrons tous, enfants, adolescents, adultes, personnes âgées, personnes en situation de handicap, jouir (sans entraves !) de ce site exceptionnel.

A cet égard, la situation de l’Ile aux Cygnes dans le 15^e arrondissement mérite qu’on s’y attarde. Par sa morphologie et ses dimensions, elle constitue un espace propice au maintien de la biodiversité de la faune et de la flore aquatique à Paris. Nous proposons un réaménagement de l’île et de l’allée des Cygnes, en concertation avec les habitants. La mise en valeur de la statue de la Liberté pourrait aussi faire partie du programme d’aménagement de l’île.

Nous sommes aussi bien entendus favorables aux animations, mais nous souhaitons qu’elles restent essentiellement gratuites, et qu’elles offrent à tous la possibilité d’y accéder : jeux pour enfants, rampes de skate et terrains de sport pour ados, espaces pour les piétons distincts de ceux pour les cyclistes ou rollers, bancs pour que les personnes puissent s’asseoir, pelouses accessibles, espaces libres où chacun pourra à son gré se déplacer ou faire une pause, etc.

L’augmentation substantielle du coût de fonctionnement entre le projet initial et le projet présenté aujourd’hui nous interpelle : il y a un risque à vouloir privilégier des activités « rentables », au détriment des activités non lucratives, pour financer le coût de fonctionnement des aménagements réalisés.

Nous souhaitons pour notre part que la Ville de Paris privilégie la simplicité, sur une plus grande surface en étendant le projet à des parties des berges non traitées, et pour un coût de fonctionnement restant dans l’ordre de grandeur de l’enveloppe initiale.

L’agrément qu’offrent les berges contribue également au rayonnement international de la capitale.

Il suffit de voir les succès de Paris Respire et de Paris Plage, cette dernière manifestation étant populaire autant auprès des touristes que des parisiens et franciliens qui ne partent pas ou ne peuvent partir en vacances, faute de moyens.

L’accès aux berges de la Seine, c’est non seulement l’accès à des espaces en plein air, mais c’est aussi faire jouer à l’espace public un rôle social fédérateur.

Paris Respire sur les berges

Nous vous proposons dans un vœu que nous étendions l’opération Paris Respire au samedi, afin que les berges de la rive droite soient accessibles pendant tout le week-end.

Comme le disait ma collègue Danielle Fournier lors de notre débat de juillet dernier, cette liberté laissée à chacun, c’est ce qui fait une ville vivante et agréable, une ville où on prend le temps de s’arrêter aussi et de ne rien faire, une ville qui vit le jour et la nuit. Nous sommes satisfaits que des lieux soient prévus pour les noctambules.

Nous insistons également sur l’indispensable continuité des aménagements qui seront réalisés, tant pour les piétons que pour les cyclistes, car ce qui caractérise aujourd’hui les berges, c’est leur morcellement, leur illisibilité, et leur manque de continuité.

Monsieur le Maire, nous considérons que le projet que vous proposez constitue une première étape de la reconquête des berges de Seine. Conscients de notre responsabilité, du caractère historique de cet aménagement qui fait entrer Paris de plain pied dans le 21^e siècle et lui fait définitivement tourner le dos aux chimères du tout automobile, nous estimons que nous devons résolument avancer et offrir aux parisiens, aux franciliens, aux gens du monde entier qui aiment Paris, un nouvel espace de liberté et de beauté, au cœur de Paris. C’est la raison pour laquelle nous approuverons ce projet, avec raison, mais aussi avec fierté.