Intervention de Pierre Mériaux sur les relations entre la Région Rhône-Alpes et la SNCF
Pourquoi donc délibérer en septembre 2011, à mi parcours de la convention entre la SNCF et la région sur l’exploitation des TER ?
Certains d’entre nous se posent visiblement la question. Sans doute est ce parce qu’ils ne prennent pas les TER… car le constat fait comme utilisateur est assez navrant. Et nous ne parlons pas que de l’hiver 2010 prétendument rigoureux ou 11% des trains ont été supprimés avec un taux de ponctualité en nette baisse pour ceux qui circulaient. Mais il s’agit plutôt de constater la crise d’un système d’exploitation du service public ferroviaire auquel nous tenons beaucoup car c’est le meilleur moyen d’assurer les besoins de mobilité des Rhônalpins en intégrant les impératifs du développement soutenable.
Le bilan 2010 du SRST, très bien réalisé par les services de la région, donne une bonne photographie de la situation de notre réseau régional soumis à de fortes tensions dans le cadre d’une politique nationale qui désosse, démembre systématiquement les services publics, soumis à des injonctions paradoxales intenables.
Même Guillaume PEPY a expliqué publiquement que la séparation RFF/SNCF n’était pas viable, que ce système n’a pas d’avenir, surtout quand l’Etat laisse à RFF 30 milliards de dettes et continue à imposer à la SNCF une gestion de type RGPP tout en privant les Régions de leur autonomie fiscale. En Rhône-Alpes plus qu’ailleurs, cette politique de gribouille a des effets dévastateurs sur l’efficacité du système de transports ferroviaires.
En tant qu’élus et représentants de l’autorité organisatrice du réseau TER, nous ne pouvons pas accepter plus longtemps de payer chaque année toujours plus cher (335 M€ en 2006, 406 M€ en 2011) pour un service dont la qualité se dégrade ou varie trop.
Pour nous la baisse de la qualité du service TER résulte d’abord d’une logique d’économie sur les personnels SNCF, appliquée de façon mécanique comme la RGPP pour l’Etat.
En effet, selon les propres données de la SNCF que nous avons compilé dans le tableau projeté, 14,86 % des emplois de cheminots de RA ont été supprimés depuis 2007, en 4 ans, supprimant 2246 emplois sur 15 119, et 28,56 % des emplois de conducteurs (soit 502 en moins sur 1758 !).
è Lire le tableau ligne à ligne
Il est plus que perturbant pour nous, élus de gauche et écologistes, de constater que la politique d’amélioration massive des TER pour lancer un report modal efficace se traduit par un plan social massif, silencieux car réalisé en mode RGPP par le non remplacement des partants, avec une nette dégradation des performances du système de transports de voyageurs.
Et nous ne pouvons que faire le lien entre les mauvais résultats des lignes des Alpes et les suppressions d’emplois encore plus massives sur l’établissement de Chambéry qui les sert : -19,04% d’emplois (-1050/5514 !) et – 36% (-267/ 741 conducteurs !).
Alors oui nous sommes obligés de constater que les engagements pris ensemble ne peuvent être tenus avec ce type de choix. Sauf à supposer que tous les cheminots non remplacés étaient « improductifs », ce que nous ne pensons pas.
Mais nous ne sommes pas au café du commerce pour bavarder en mettant en cause le professionnalisme des cheminots. Nous sommes des élus en situation de responsabilité. Alors faut il, au motif du respect de l’autonomie de gestion de la SNCF, que nous soyons des élus taisants, inertes ?
Plus encore peut-être que tout autre service public, le service des transports ferroviaires exige une totale continuité. C’est continuité exige elle-même une organisation adaptée, donc un déploiement des agents qui permet de surmonter les aléas. Les aléas ne sont pas de vilains grains de sable qui viennent perturber le ronron des trains, ils sont l’ordinaire du système ferroviaire. Le mérite et la fierté des cheminots réside justement dans leur aptitude collective à surmonter la pluie qui tombe, le verglas qui gèle, les feuilles qui se détachent des arbres, la voiture qui tombe en panne sur un passage à niveau, le jeune qui tire le signal d’alarme pour s’amuser, le désespéré qui se jette sous le train, et même le collègue qui n’a pas entendu son réveil.
Non, nous pensons que notre devoir est d’assumer pleinement nos responsabilités d’AOT et d’élus – vers qui se retournent légitimement les usagers en colère – en exigeant de la SNCF qu’elle stoppe ce plan social rampant, qu’elle rétablisse un dialogue social digne de ce nom pour arriver à motiver ses personnels, qu’elle s’organise de façon à pouvoir réaliser nos plans de développement du trafic, pour qu’enfin elle exécute pleinement ses engagements contractuels avec la région.
Sinon les récents chiffres inquiétants de la région de Chambéry risquent de s’étendre ailleurs :
1- La baisse de la fréquentation en 2010, qui met un coup d’arrêt à plus d’une décennie de hausse continue (-1,7% de voyageurs/km sur les lignes TER de la région entre mars 2010 et mars 2011).
2. Une stagnation des clients réguliers malgré les efforts de la Région en offre multimodale combinée. Le nombre d’abonnés en Rhône Alpes n’est que de 35 000. Les problèmes de régularité, de ponctualités empêchent la fidélisation des Rhônalpins et donc le report modal des « pendulaires domicile-travail », notre « cœur de cible ».
3- Une ponctualité qui régresse, avec une mesure de la ponctualité qui n’est pas satisfaisante car les données agrégées masquent les écarts considérables entre lignes et l’écart important entre la ponctualité contractuelle et la ponctualité vue du coté des usagers. C’est pourquoi il est important de disposer de données plus fines, ce qui est prévu dans les annexes de notre délibération, la Convention d’Objectifs et de Performance et les indicateurs ARF-SNCF.
4- L’envolée du nombre de trains supprimés pour « absence de personnel » : sur la région de Chambéry, ce motif a représenté 23% des motifs de suppression sur 2010-2011, soit une hausse de 39% par rapport à 2009-2010 !! A ce niveau là peut on encore parler d’une organisation d’entreprise qui, par définition, est là pour gérer les aléas ? Sachant que les défaillances du matériel peuvent aussi en partie s’expliquer par l’absence croissante de maintenance préventive par manque de moyens humains ou organisation absurde : ainsi les personnels de maintenance censés intervenir à Valence en cas d’urgence sont ils basés à Chambéry actuellement, ce qui augmente fortement leur délai d’intervention !
Dans un système de transport à flux tendu il faut donc réintroduire des facteurs de souplesse et réactivité pour maintenir la qualité de service.
En clair il faut exiger de la SNCF qu’elle remette des équipes de réserve de conducteurs et de contrôleurs dans les gares d’interconnexion pour faire démarrer à l’heure prévue les trains en cas de retard sur une ligne,…plutôt que de mettre dans les gares une armada d’agents d’information chargés de faire patienter les usagers comme nous l’avons appris lors du Comité Régional des Partenaires du 15 septembre.
Comme le précise l’article 4 de la convention l’autorité organisatrice qu’est la Région Rhône Alpes doit définir la qualité du service qu’elle organise, et en la matière la présence humaine d’agents qualifiés est un des premiers critères de qualité.
La convention Région – SNCF prévoit déjà le déploiement des agents au contact des usagers, dans les trains et en gare. La clause de revoyure doit donc être l’occasion de calibrer ce déploiement de sorte que la SNCF, comme le spécifie clairement l’article 4 de la convention, exécute la convention, sans ambiguïté.
Et chacun est bien là dans son rôle.
Sur la maintenance préventive on pourrait imaginer des pénalités vraiment dissuasives pour les retards et annulations dus à des défaillances du matériel ou à un entretien insuffisant de l’infrastructure (exemple des feuilles d’arbre sur la voie).
Pour conclure, cette délibération est l’occasion pour nous, élus régionaux, de nous poser la question d’une autre politique, à construire ensemble dans le cadre de la clause de revoyure de la convention Région – SNCF, pour améliorer le service public ferroviaire.
Notre groupe s’impliquera fortement dans ce travail qui doit, pour réussir au mieux, faire l’objet d’un pilotage collectif large.