Accueil Thématiques Avenir de la Région « Les régionalistes que nous sommes ne peuvent rester spectateurs dans ces moments déterminants »

« Les régionalistes que nous sommes ne peuvent rester spectateurs dans ces moments déterminants »

Séance plénière du Conseil Régional d’Alsace  27 juin 2014

Intervention de Jacques FERNIQUE, réforme territoriale

 

Monsieur le Président, chers collègues,

Les semaines qui sont devant nous seront décisives pour celles et ceux qui attendent du renforcement des régions et des territoires de vie les vraies capacités d’action publique, de transformation déterminante que nécessitent les enjeux et les blocages d’aujourd’hui. Soit une fois de plus, la confusion, l’immobilisme, les replis de clocher, le conservatisme sénatorial et les petits calculs imposeront leur force d’inertie, soit ce sera la volonté de réformer vraiment, d’affranchir les régions, de donner toute leurs chances aux dynamiques de la décentralisation qui saura tenir son chemin.

Les régionalistes que nous sommes ici, la grande majorité d’entre nous, ne peuvent rester spectateurs dans ces moments déterminants. Nous ne pouvons laisser entendre que l’avenir de l’Alsace s’incarne dans quelques pancartes, affiches et slogans au goût un peu rance, dans des motions d’élus cantonaux, ou dans des appels un peu creux de parlementaires qui regardent surtout dans le rétroviseur.

Nous avons su ces trois dernières années ici faire preuve d’imagination, d’audace. Nous avons tenté d’être ici pionniers, volontaires, force de proposition et d’expérimentation. Nous n’avons pas réussi, même si nous avons eu le soutien de 58% des votants : notre Conseil Unique a échoué mais nous avons acquis les leçons de cet échec. Ces leçons sont plus que jamais importantes aujourd’hui que la réforme territoriale se remet en mouvement.

Nous avons compris que ce n’est pas sur les fonctionnements des rouages de nos machineries publiques que nous sommes attendus mais sur les résultats des politiques. Non, nos concitoyens n’aspirent pas spontanément à un meilleur mécano institutionnel, c’est vraiment le cadet de leurs soucis. Ils ne sont susceptibles de se mobiliser positivement que pour des transformations perçues nettement comme utiles au regard de leurs difficultés. La décentralisation intéresse si elle se montre capable d’actionner des leviers performants pour l’emploi et la conversion de l’économie, si elle indique par exemple comment le pilotage régional de la chaîne orientation-formation-emploi permettrait de réels progrès, si elle sait donner envie d’un aménagement durable de l’espace régional qui soit coproduit en cohérence avec les territoires. Il s’agit donc toujours de dire et de viser les résultats possibles, d’autant plus, on l’a vu encore récemment, qu’ils sont nombreux ceux qui n’attendent plus rien et alimentent l’abstention et les suffrages du pire.

Nous avons également mesuré combien l’envie d’égalité et de solidarité des territoires est impérieuse. Nous avons pris en pleine figure le 7 avril 2013 l’opposition entre une Alsace qui souffre plus fortement de la crise et une autre Alsace relativement mieux lotie ; entre une Alsace des territoires qui se sentent relégués, déclassés, abandonnés et une autre Alsace qui se sent plus attractive et mieux reconnue. La décentralisation fait peur quand elle est perçue comme un éloignement, comme un renforcement d’un pouvoir régional et de sa capitale. Avec la mise en concurrence généralisée des territoires, beaucoup de gens appréhendent tout changement comme une nouvelle perte, un déclassement de plus. Donc, il s’agit de réguler la force brute de la métropolisation, la réguler par l’exigence régionale de solidarité, de coopération nécessaire, il s’agit de montrer combien le renforcement de la capacité régionale est indissociable des dynamiques et des spécificités locales reconnues.

Notre projet décentralisateur mobilisera s’il tend vers une démocratie rénovée pour les citoyens et équilibrée pour les territoires structurants des bassins de vie. Le renouveau démocratique, c’est notre feuille de route.

Nous avons retenu enfin de l’échec du referendum la nécessité du compromis comme gage d’avancées futures. Il est vain de vouloir trop charger la barque, de faire illisible en voulant faire mieux ou de dédaigner tout projet pas trop bien ficelé. Nos voisins rhénans savent bien mieux que nous les modalités d’une vie publique fluide, de transformations majeures et durables par le mouvement progressif. En matière d’organisation des pouvoirs et d’exercice de la démocratie décentralisée, le plus important c’est d’avancer en ne perdant pas de vue les objectifs : l’efficacité et la clarté de l’action publique, l’égalité et la solidarité des territoires, la réaffirmation et le renouvellement de la démocratie.

Avancer, rester en avance, pousser au mouvement, voilà notre tâche aujourd’hui. Et je réitère exactement dans les mêmes termes ce que je disais à Philippe Richert juste après son élection, voilà ce que le groupe Europe Écologie disait ici le 26 mars 2010 : « Maintenant que le scrutin est passé, nous pouvons, au-delà des clivages, être actifs ensemble pour une Région forte, forte de son pluralisme, forte de clairvoyance collective, forte de sa capacité à débattre et à anticiper, forte d’un projet régional assumé. Nous serons à vos côtés, Monsieur le Président, chaque fois que vous vous engagerez contre l’effacement régional, contre le risque d’une décentralisation à rebours : dans cette région, comme dans toutes les autres régions de France, il est plus que jamais nécessaire que convergent les énergies de tous ceux qui souhaitent une réforme territoriale qui n’affaiblisse pas les Régions mais qui au contraire les renforce. » Cette ligne de conduite nous n’en avons pas dévié depuis.

Monsieur le Président, chers collègues, l’Alsace est suffisamment solide de son identité, pour ne pas se réduire dans des postures frileuses et dans le repli, pour ne pas craindre l’élargissement du périmètre démocratique régional : oui, l’Alsace Lorraine peut devenir l’espace d’un avenir commun. Nous sommes suffisamment ouverts aux changements nécessaires pour ne pas nous braquer dans les critiques vaines d’une méthode gouvernementale caporaliste, caricature de tous les défauts de la Vème République. Alors oui, donnons sa chance à la réforme, pesons pour que la souplesse ajuste les redécoupages aux désirs du vivre ensemble, pour que le calendrier électoral permette la concertation et la compréhension démocratique. Et surtout intervenons fortement pour que le que le projet ne se délite pas, ne soit pas déconstruit : aménagement du territoire et schéma de développement économique prescriptifs, transfert de compétences départementales et étatiques aux Régions, capacité règlementaire… Voilà l’essentiel, voilà ce que nous voulions d’abord du Conseil Unique, voilà pourquoi aujourd’hui encore nous voulons aller de l’avant.