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L’écologie pour sortir de la crise

Au lendemain de l’élection régionale de 2010, le ton de la majorité était martial et résolu : alors que l’Alsace venait de subir fortement les chocs économiques de 2008-2009, on allait « remettre l’Alsace sur le chemin de la croissance ». C’est la compétitivité régionale que l’UMP voulait relancer par un « travail de fond résolument transversal » se traduisant par des contrats d’objectifs déployés dans les  grands secteurs d’activités. 5 ans plus tard, quels résultats ? Ces fameux contrats ont bien moins de vigueur et d’efficience qu’annoncé, le PIB régional est loin d’avoir retrouvé sa santé d’avant la crise (même s’il est à la 4ème place des régions françaises) et le chômage continue sa progression, chez les jeunes mais surtout chez les seniors.

Les écologistes n’ont pas la prétention de penser que les moyens d’action de la Région puissent à eux seuls inverser ces tendances lourdes. Mais comme dans la lutte pour le climat, l’action régionale est capitale. Elle peut actionner des leviers d’émergence d’une économie solidaire, de partage de l’emploi, fondée sur la qualification, les circuits courts, l’économie de foncier, l’intégration dynamique dans l’espace du Rhin Supérieur, la sobriété dans l'usage de l’énergie et des ressources. Les bases de cette nouvelle économie sont parfois évoquées dans le SRDEII, le schéma régional de développement éco-nomique d’innovation et d’inter-nationalisation, mais de façon diluée, peu aboutie. Comme l’affirme Jacques Fernique, « il y a assurément encore bien à faire pour sortir de l’inertie et s’engager clairement dans la transformation écologique de l’économie régionale ».

Dès 2010, le groupe écologiste a mis l’accent sur la transition vers l’économie circulaire. Pour Jean-Marc Riebel, il s’agit de « prendre le pas de la 3ème révolution industrielle, celle de l’énergie et des matières premières chères et rares, concilier à la fois la préservation des ressources naturelles et le développement économique ». Nous aurions voulu que cette mutation soit au cœur du travail de la commission Innovation et Recherche et génère des politiques transversales nouvelles. Au total, la sensibilisation a certes progressé, mais guère les politiques. Pour faire émerger cette nouvelle économie, pour explorer des voies nouvelles, nous avons prôné la démarche de l’appel à projets. En effet, comme l’explique Andrée Buchmann, avec les dispositifs classiques « on soutient beaucoup ce qui existe déjà, on conforte ce qui est en place : il faudrait plutôt valoriser les projets des acteurs pionniers ». L’inverse dit-elle de ce qui a été fait à l’exposition universelle de Shanghai, où le pavillon alsacien reprenait les poncifs folklorisants et vantait la centrale de Fessenheim : « quelle innovation, quelle belle ambassadrice de l’Alsace ! ».

 

Attractivité et internationalisation

La majorité UMP-UDI avait beaucoup avancé pour ce mandat les bénéfices escomptés d’une fusion des différentes agences chargées du développement économique et de l’attractivité de l’Alsace. Il était question d’en finir avec cette dispersion qui résulte de l’enchevêtrement des agences des départements (le CAHR et l’ADIRA) et des différentes structures régionales (Alsace International, le Comité Régional du Tourisme et les services chargés de la nouvelle « marque Alsace »). Cet engagement n’a pas été mené au bout. Alors que cette grande fusion devait préfigurer le nouvel élan du Conseil Unique, avant même l’échec du référendum, ce projet avait déjà capoté et la Région a dû se cantonner à la coordination des organes de son ressort dans une Agence régionale d’attractivité. Une avancée bien limitée révélatrice d’un éclatement de l’action publique telle que la mènent les ténors dissonants de la « majorité alsacienne ».

L’aide à des entreprises pour l’exportation constitue un axe important de la politique éco-nomique de la Région. L’inter-nationalisation de l’économie alsacienne est en effet importante. Alors qu’elle représente moins de 3% de la population, l’Alsace contribue à elle seule à plus de 6% aux exportations totales françaises et environ autant pour les importations (pour une très large part avec l’Allemagne). La Région, en partenariat avec la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) et Ubifrance (opérateur public national au service de l’internationalisation de l’économie française) ont mis en place un seul interlocuteur pour les entreprises : le service export de la CCI de Région Alsace qui accompagne celles-ci, notamment pour les salons et la prospection à l’étranger avec l’appui financier de la Région. Ces dispositifs ne sont pas convaincants. Les résultats attendus ne sont pas atteints : la balance commerciale de l’Alsace reste déficitaire depuis 2010. Antoine Waechter a proposé, sans suite, « un audit du choix des entreprises mobilisées au regard des marchés extérieurs visés et aussi de la structure de notre tissu économique ». Nous avons aussi régulièrement mis en cause le soutien à des salons dans des pays où les droits de l'Homme et particulièrement des femmes sont bafoués.

 

Les pôles de compétitivité : des résultats inégaux

La Région intervient financièrement dans les pôles de compétitivité. Ceux-ci résultent d’une politique industrielle d’État remontant à 2004 consistant, sur le modèle du cluster, à rassembler sur un territoire et une thématique, des entreprises, des laboratoires et des établissements de formation. Le but est de mener des projets de recherche et de développement afin de mettre sur le marché de nouveaux produits. L’Alsace est impliquée dans 4 pôles : Biovalley (biotechnologies-santé), avec la Lorraine, les pôles Fibres Énergivie (écotechnologies-énergie-bioressources-matériaux) et Hydréos (éco-technologie-environnement), et avec la Franche-Comté, le pôle Véhicule du Futur.

Dix ans de cette démarche ont produit des résultats assez inégaux, parfois peu concluants. Si Énergivie a une incontestable dynamique, d’autres pôles sont bien moins convaincants au regard des importants crédits publics qu’ils absorbent, de leurs coûts salariaux de gouvernance, voire de leurs frais de bouche…

Une formule analogue avait été engagée en 2003 à l’initiative de la Région par la création d’un pôle des nouvelles technologies de l’image et l’audiovisuel, Iconoval. Ce grand projet d’Adrien Zeller a tourné court, puisque le bilan assez mitigé a été le prétexte au désengagement brutal de l’État puis de la Région. Cela s’est fait, comme l’a critiqué Andrée Buchmann, dans « des conditions dures pour le personnel licencié et avec une perte globale d’expérience acquise tout à fait dommageable ». La Chambre Régionale des Comptes a publié un rapport particulièrement cinglant sur ce ratage et son épilogue.

fac de droit

 

Aides directes aux entreprises : à revoir

Le groupe écologiste a aussi été très critique sur les dispositifs d’aides directes aux entreprises. Le plus contestable est sans doute l’attribution d’importantes sommes pour des investissements en Alsace à des multinationales largement bénéficiaires. En effet, ces entreprises profitent de l’argent public pour des projets qui n’en ont pas besoin en mettant en compétition les différents territoires. « Ces gaspillages se poursuivront tant que les collectivités s’y prêteront et que la nécessaire régulation européenne restera si imparfaite » explique Sylvie Grucker.

Les autres aides sont aussi manifestement à revoir : para-doxalement la dégradation du tissu économique et le recul net de l’activité et des investissements industriels ont entraîné méca-niquement leur baisse. Pour que la contribution régionale soit plus efficace, le groupe écologiste a prôné la conditionnalité écologique et sociale (nous n'avons obtenu que la bonification des aides) et a appuyé une évolution limitant les subventions au profit d’avances remboursables, de prêts à taux zéro, de garanties d’emprunt, d’accompagnement de projets pilotes pour qu’ils accèdent aux dispositifs européens. Il faudra assurément accentuer ce changement de démarche.

« Sur les emplois aidés, la majorité de droite n’a pas fait de blocage », reconnait Sylvie Grucker : elle a joué le jeu de leur accompagnement, notamment sous l’angle de la formation pour que se construisent pour les bénéficiaires des projets professionnels durables.

Accompagner les TPE

Le groupe écologiste a également insisté sur l’accompagnement des TPE (les Très Petites Entreprises de moins de 20 salariés qui représentent dans notre région une part essentielle de l’emploi). Celles-ci ne sont pas dans la ligne de mire des politiques classiques. Il s’agit pourtant souvent d’acteurs potentiels de la transition et particulièrement de l’émergence des circuits courts qui ne se limitent pas à l’agricole. Pour Antoine Waechter, la région devrait davantage soutenir « les entreprises adaptées à un marché de proximité ».

Ne pas saupoudrer le soutien à l'emploi

Suite à l’échec du référendum d’avril 2013 pour le Conseil Unique, la majorité UMP-UDI a lancé un « plan de soutien à l’emploi ». Cette initiative, qui entendait montrer que la Région reprenait la main, a été conçue de façon unilatérale sans vraiment de concertation élargie. Les élus écologistes ont pourtant bien essayé à cette occasion de réitérer leur proposition de réunir tous les acteurs pour coordonner une conférence économique et sociale régionale susceptible d’alimenter un élan durable et structurant. L’exécutif ne l’entendait manifestement pas ainsi, puisque même le CÉSER (Conseil Économique et Social Environnemental qui conseille la Région) n’a pas été sollicité.

Un des volets principaux de cette grande opération a concerné l’activation de travaux d’initiative communale. L’opposition aurait pu se borner à critiquer cette attention aux élus locaux juste avant l’échéance des élections sénatoriales. Les écologistes ont préféré peser pour qu’on actionne des leviers utiles et efficaces. Nous avons souhaité que les crédits soient essentiellement ciblés sur les priorités régionales déjà aidées à d’autres titres (rénovation thermique, énergies renouvelables, inter-modalité des déplacements, économie du foncier, biodiversité…). Nous avons ainsi fait voter pour cela un amendement permettant le cumul de cette nouvelle aide avec les aides structurantes ordinaires.

 

ESS : des progrès mais peut mieux faire

Dans nos territoires d’Alsace, l’emploi durable et non délocalisable, l’activité économiquement efficace qui respecte l’humain et l’environ-nement, est pour une large part le fait des multiples acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS). Le mandat 2004-2010 a été celui de la reconnaissance de l’ESS par la Région, avec une commission dédiée et avec son inscription dans le Schéma Régional de Développement Economique. Les élus écologistes ont poussé à cette avancée.

Le mandat 2010-2015 aurait dû être celui du renforcement de la CRESS, la Chambre Régionale de l’ESS : la Région y a peu contribué. Comme le critique Djamila Sonzogni, « nous sommes la région qui soutient le moins sa CRESS, son rôle animateur n’est pas assez conforté ». De même, il y a eu bien peu d’activation de la clause d’insertion dans nos marchés publics, c’est-à-dire la possibilité de les réserver à des acteurs favorisant l’insertion dans l’emploi de personnes en grande difficulté. Cette clause n’est, de fait, utilisée que lorsqu’elle est obligatoire, notamment dans le cadre des projets ANRU (démarche nationale de rénovation urbaine pour les quartiers) : c’est nettement insuffisant. Les structures d’insertion par l’activité économique jouent un rôle essentiel pour des personnes très éloignées de l'emploi. Elles emploient 11 300 salariés. Comme l’explique Sylvie Grucker, « sans leur offre de travail il y aurait 30% de demandeurs d’emploi de longue durée en plus en Alsace ». Sylvie Grucker est intervenue avec force auprès du Préfet pour que le soutien de l’État à leur action ne se relâche pas.

Lutter contre les paradis fiscaux

Suite à la crise financière de 2008, nous nous sommes engagés pour la transparence des partenariats bancaires et financiers de la Région. A l'initiative de Sylvie Grucker, une nouvelle obligation a été introduite dans le règlement financier : désormais, les banques avec lesquelles la Région travaille doivent fournir un état des lieux de leurs activités pays par pays. Nous pouvons ainsi connaître la réalité de leurs activités dans le monde et les paradis fiscaux. De plus, dans le choix de ses partenaires bancaires, la Région s’engage à prendre en compte les activités de ces établissements dans les paradis fiscaux ainsi que des procédures et outils mis en place afin de lutter contre le blanchiment, la corruption et la fraude fiscale.

Nous avons ainsi permis que la région Alsace, parmi les premières régions françaises, prenne un engagement contraignant. Ainsi, comme l’explique Sylvie Grucker, « nous évitons que notre argent alimente la croissance de ceux qui placent leur argent dans des sociétés basées dans des paradis fiscaux, et génèrent ainsi des crises graves ». Une façon selon elle de « rendre la mondialisation non seulement supportable mais désirable ».