BP 2014- Propos liminaire
Séance plénière du 19 décembre 2013, budget primitif 2014
Intervention de Jacques Fernique, propos liminaire
Monsieur le Président, chers collègues,
On démarre fort ce matin. On ne doit pas brûler toutes les cartouches lors de la première rafale. Votre majorité va entamer, vous l’avez dit, ce qui sera peut-être, sauf surprise du calendrier électoral, la dernière année pleine de son mandat. On pourrait être tenté de considérer cette année là comme l’année de la simple poursuite de ce qui a été mis en place, comme l’année de la routine en quelque sorte. Et ces deux journées de débat budgétaire les aborder comme un morne exercice obligé avant de passer aux fêtes de fin d’année.
Et bien non, il ne peut pas être question de considérer de cette façon la conduite des politiques régionales. Les attentes, les exaspérations, les désespérances populaires sont nos impératifs. Les mutations à engager sont nos obligations. Je crois pouvoir dire d’ailleurs que pour l’essentiel dans cet hémicycle nous avons en commun, au-delà de nos clivages, le souci des résultats. Nous ne sommes pas de ces spécimens d’irresponsables politiques qui se nourrissent et se réjouissent des difficultés et des souffrances et espèrent en tirer bénéfice électoral.
Alors, vous comprendrez que c’est avec exigence, avec fortes critiques et propositions, sans indulgence, mais sans facilité simpliste non plus, que nous passerons au crible pendant ces deux jours vos propositions budgétaires. Certes, je sais bien combien votre majorité est systématiquement convaincue d’être admirable, galvanisée si c’était encore nécessaire par les amusants dessins que nous prodigue en octobre Justin VOGEL. Face à tout cela, la force et la qualité des arguments et des votes des écologistes ne pèsera pas ce qu’il faudrait : votre budget va passer tel quel. Ce document n’est quand même pas une tromperie sur la marchandise, c’est ce budget-là que nous aurons, nous le savons.
Mais ce qui doit vraiment peser, ce qui pèse et ce qui pèsera, c’est le jugement, l’appréciation des Alsaciennes et des Alsaciens au regard de votre capacité avérée ou non à gagner du terrain sur les fronts de l’emploi, de la formation, de la revitalisation de notre tissu économique, de la solidarité et du vivre ensemble. En 2010, rappelez-vous, de quoi avez-vous été chargés pour ces 5 ans ? Que vouliez-vous obtenir comme résultats ?
Certes, vous n’êtes pas inertes : il y a eu la tentative de fusion régionale, le recentrage limité des dispositifs pour l’attractivité, il y a l’injection de quelques millions pour soutenir l’activité - mais avec quel effet ?-, la progression de l’investissement, la reprise en main de l’apprentissage transfrontalier qui ne décollait toujours pas, la mise en valeur de l’axe jeunesse… et j’en passe.
Vous n’êtes pas inertes, mais ce qui reste désespérément inerte, ce sont les indicateurs lourds sur lesquels nous attendent avec exigence nos concitoyens, ceux de l’emploi, ceux de la santé économique, ceux de l’industrie : les chiffres alsaciens, et leurs différentiels avec le reste du pays, et avec le Rhin Supérieur, n’évoluent pas positivement. Je ne vais pas faire de démagogie ce matin, nous savons tous que la tâche est rude pour faire bouger ces lignes.
L’OREF nous montre bien combien notre Alsace cumule les handicaps au regard de beaucoup d’autres régions : nous sommes toujours en bas sur le côté du graphique avec à la fois une structure des emplois défavorables et à la fois ce que le jargon des statisticiens appelle un dynamisme régional négatif.
Certes, nous actons des améliorations, nous sentons année après année que nos propositions ne résonnent pas toujours dans le vide. Nous ne constatons pas pour autant de vraies ruptures avec les politiques passées, nous ne sentons pas de refonte d’envergure. Votre « fer de lance », dites-vous, c’est le récent plan de soutien à l’activité et à l’emploi : le langage guerrier impressionne mais, admettons-le, l’effet levier des quelques millions du dispositif n’est pas complètement significatif. Notre politique d’intervention économique en est encore à se chercher : le SRDEII se met en chantier, la Stratégie de Spécialisation Intelligente n’a pas encore assis sa lisibilité, une énième refonte des aides est programmée, le futur label d’excellence Alsace est encore assez flou…
Tout cela ne constitue pas la politique cohérente et ambitieuse de mutation de l’économie alsacienne.
Vous affichez la volonté d’un aménagement durable du territoire : certes, nos trains régionaux jouent un rôle essentiel et sont budgétairement dominants, mais nous ne jugeons pas de la même façon vos interventions pour l’aérien, vos actions routières, vos intentions pour le GCO.
Sur le GCO, ça il faut vous le reconnaître, vous êtes, pour votre part, constant dans l’erreur, dans le mauvais choix, une mauvaise réponse à un réel problème. Vous signez au nom de notre Région, -sans vrai débat mais nous en avons l’habitude-, une lettre au ministre nous engageant pour un tiers dans la part dévolue au financement public (j’entends encore quelques uns qui disaient dans la presse il y a quelques jours que les financements publics on arriverait à s’en passer), vous vous engagez pour un tiers dans la part dévolue au financement public (il faudrait d’ailleurs prévoir une petite suspension de séance pour que vous puissiez rédiger vite un amendement à votre budget pour intégrer cet engagement à hauteur de …. Je regarde… Ah, non, ce n’est pas marqué… On a un ordre de répartition, on ne sait pas combien, on n’a pas de plafonnement dans le courrier et les documents que vous nous avez transmis. Vous êtes constant, ce n’est pas le cas d’autres co-signataires de ce courrier : il faut bien se rendre à l’évidence, à la Mairie de Strasbourg, à la Présidence de la CUS, il y a ce que l’on doit bien appeler un revirement, un retournement, une contradiction totale avec la politique des transports et des déplacements que l’on portait il y a quelques mois encore.
Quelques mois oui, mais dans trois mois, ce sera aux électeurs de décider quelle vraie politique sera conduite : et croyez bien que nous ferons tout notre possible pour qu’ils ne valident pas cette mauvaise solution.
Plus globalement, sur le volet mobilité du contrat de plan qui sort tout droit de l‘imprimerie sur papier glacé. Merci pour votre document. Nous le découvrons ce matin. Il n’a fait l’objet d’aucune réunion de travail associant les élus, d’aucun débat sur pièces, ni en commission transports, ni en commissions réunies.
Cette façon de traiter les élus - et les élus notamment qui ont déjà fait d’autres mandats savent que cela n’a pas toujours fonctionné comme cela – cette manière de traiter les élus n’est pas acceptable. Cette distribution vaut-elle vote de notre assemblée ? La messe est-elle dite ? J’espère que cela ne sera pas le cas. En tous cas, je ne voudrais pas que le travail de notre Assemblée se réduise à une conférence de presse ou à ce qui lui ressemble.
Je reviens à votre budget : vous affichez donc cette volonté d’un aménagement durable du territoire, mais nous ne croyons pas que vous vous en donniez les moyens politiques, les moyens fonctionnels et de la construction et de la conduite partagée de cet aménagement et de ce développement durable de l’Alsace : il ne faut pas que la phase difficile que nous traversons se solde par un abaissement du fait régional. Reconnaissons-le, nous n’avançons pas là-dessus. Alors oui, si la démarche Alsace 2030 permet de reprendre la main pour aller vers un aménagement et un développement durable, nous n’aurons pas perdu notre temps !
On parle beaucoup aujourd’hui d’une « année blanche » pour 2014 : les fonds européens (FEDER, FEADER) seront reprogrammés ; la nouvelle PAC se mettra en place ; les Contrats de Plan État Région se négocieront ; après le raté de l’écotaxe la refonte fiscale annoncée ne se fera pas rapidement ; ce qui reste de l’Acte III de la décentralisation se positionnera…
Toutes ces transitions complexes qui nous impactent à la Région, ne vont assurément pas faciliter l’action immédiate. Donc, une « année blanche » nous annonce-t-on.
Alors l’exigence des écologistes face à vos intentions budgétaires, c’est que 2014 ne soit ni une année blanche, ni une année grise. Cette année doit être utile, fructueuse, car il y a urgence à basculer vers un nouveau modèle.
La transition énergétique, la mutation par l’économie circulaire, la reconquête de la biodiversité et de l’excellence écologique, les transports durables et le ménagement du territoire : autant de transformations qui nécessitent d’y mettre détermination, mise en synergie des politiques, résolution et concentration de moyens efficaces.
Donc, ce dont notre Alsace aurait bien besoin, c’est d’une année verte !