Commençons par la première perle, qui nous a simultanément mis dans le bain et dans le doute quant à l’utilité de notre présence ! Comme dans tous les grands rassemblements officiels, c’est d’abord l’heure des allocutions et des remerciements, trop ou pas assez protocolaires. Un sans-faute pour R.Souchon, mais deux pépites pour le préfet qui remercie la FNSEA et le groupe Limagrain de leurs présences, au même titre que les partenaires de l’évènement ! Y-a t-il des faucheurs dans la salle (y’en avait !) ou des représentants de la Conf’ (y’en avait aussi !) à remercier ? Il ne l’a pas demandé bizarrement….

2-0 pour le préfet, mais R.Souchon vient tout de même réduire le score à 2-1, en ayant une pensée pour « Limagrain, une entreprise formidable ».

Sur cette compétition, c’est malgré tout le préfet qui l’emporte haut à la main. 3-1, puis 4-1, puis 5-1, la machine s’emballe avec des interventions toujours bien senties de la part du préfet : celle-ci d’abord, où l’on sent la passion et la conception de ce monsieur pour la recherche en France « les résultats de l’INRA et du CEMAGREF se mesurent à travers leurs publications et les retombées économiques ». Puis, cette vérité insoupçonnable que l’on aurait pu entendre aux Guignols de l’Info : « Le Grenelle a donné tellement d’avance à la France ! L’Etat est là pour les agriculteurs, sur le volet de l’adaptation aux changements climatiques notamment ». Eeeehh oui ! Pas fou ce gouvernement, pas outrecuidant pour un sou lorsqu’il prévoit 40 millions de mètres cubes de retenues d’eau supplémentaires pour les 5 ans à venir. C’est ça l’adaptation aux pénuries d’eau, c’est ça prévoir l’avenir… des céréaliers !

Piqué publiquement par R.Souchon - en mode écolo ce jour-là - sur la mauvaise gestion étatique du développement des énergies renouvelables, le préfet conclut sa prestation drolatique par un constat frôlant « l’ignardise » : « l’industrie des panneaux solaires est insuffisamment développée en France ». A qui la faute ? Rassurons-nous toutefois, après avoir tout fait pour couler la recherche et l’industrie des panneaux solaires en France, notre président et futur présidentiable a fait de l’entreprise Photowatt à Bourgoin-Jallieu son nouveau cheval de bataille. Après le dépôt de bilan en novembre 2011 de l’unique fabricant français de cellules photovoltaïques à base de silicium, le président s’est arrangé pour qu’EDF rachète l’entreprise. Un vieux proverbe recommande pourtant de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ! L’histoire de l’énergie en France l’a bien vérifié…

Mais revenons à notre séminaire : dans un match, il y a deux équipes qui s’affrontent, en l’occurrence R.Souchon pour le Conseil Régional, et F.Lamy pour l’Etat. Et puis, c’est aujourd'hui François Constantin l’arbitre, l’animateur de la journée, impartial sur le papier, homme intègre et de bonne foi qui recherche toujours le consensus. Mais parfois il dérape, c’est humain, en témoigne cette magnifique synthèse des propos introductifs de R.Souchon et F.Lamy: « L’enjeu pour l’agriculture face au réchauffement climatique, c’est de produire, et de produire plus en réalité… tout en respectant l’environnement bien sûr ». Ouf, on a bien cru qu’il n’allait pas le dire ! Il manque un peu de social pour nous faire un cours de développement durable, mais bon, les apparences sont presque sauvées pour tout le monde.

Après les joutes verbales, place aux exposés des ingénieurs de l’INRA, qui viennent corroborer les conclusions des écologistes : l’agriculture autonome, c’est l’agriculture qui saura s’adapter demain aux enjeux climatiques, énergétiques et environnementaux. C’est l’agriculture qui présente déjà une meilleure viabilité économique, qui dégage des salaires plus sûrs aux producteurs, et qui délivre des qualités nutritionnelles et une flaveur supérieure aux consommateurs. Comme quoi, les écolos ne sont pas des réac’, mais plutôt des prospectivistes !

Message bien enregistré, enfin peut-être pas pour tout le monde ? Le président de la Chambre Régionale d’Agriculture, J.Chazalet, est lui aussi à la recherche de changement, et ses interventions ont fait mouche ! « On propose des contraintes mais pas d’innovation aux agriculteurs ! Pourquoi on ne ferait pas l’inverse ? ». Il posera alors la question des OGM, avant de titiller les chercheurs de l’INRA : « Les prairies du Massif Central ne doivent pas être sanctuarisées, car c’est bien le maïs qui a sauvé l’élevage pendant la sécheresse, pas les prairies asséchées ». Eh ben !

Il ne nous restait plus qu’à attendre l’intervenant qui devait conclure cette journée. A la lecture du programme, nous avions sombré dans un abime de perplexité, car après toute une journée d’interventions des scientifiques de l’INRA ce fut J.Y Foucault, président du groupe Limagrain, qui donna le mot de la fin ! Ce fut presque une déception… On retiendra uniquement ces deux pistes de réflexion douteuses : la première « Si on s’en tient à la nature, les besoins ne seront pas satisfaits toute l’année », et puis la seconde « L’Europe a fait un choix politique en démantelant la PAC. Maintenant les agriculteurs sont exposés aux marchés mondiaux. L’augmentation des importations et des exportations va vite devenir le cadet de nos soucis ». Chacun comprendra ce qu’il veut…

Moralité, nous n’avons pas appris grand-chose en matière d’enjeux climatiques, tout écologiste éclairé les connaît depuis 30 ans, et a affiné sa culture climatique chaque jour. Mais entendre toute une journée les chercheurs de l'INRA nous vanter les mérites de l'extensif, de l'alimentation fourragère, etc., dire que les agriculteurs doivent se préparer à évoluer pour affronter la sécheresse, remplacer le maïs par du sorgho par exemple, et voir que c’est Limagrain qui conclut, ah, ça valait le coup d’être présent !

Annexe : retrouver l’ensemble des présentations de la journée en cliquant ici