Séminaire Elevage et Changement Climatique : nous y étions et ça valait le coup!
Par nicole rouaire le jeudi 16 février 2012, 19:19 - Actu - Lien permanent
« Quel avenir pour l’élevage entre changement climatique et
nouveau contexte ? » Voici la question à laquelle se proposaient de
répondre les experts de l’INRA, jeudi 9 février 2012, au cours d’un séminaire
organisé par l’INRA toute la journée sur le site de Marmihat, en partenariat
avec les services de l’Etat, la Région Auvergne, et la Chambre Régionale
d’Agriculture d’Auvergne.
Une journée riche en enseignements, avec beaucoup de chiffres, de courbes et de power point– c’est aussi ça les ingénieurs ! – et quelques petites perles qu’il convient bien entendu de partager avec vous.
Commençons par la première perle, qui nous a simultanément mis dans le bain
et dans le doute quant à l’utilité de notre présence ! Comme dans tous les
grands rassemblements officiels, c’est d’abord l’heure des allocutions et des
remerciements, trop ou pas assez protocolaires. Un sans-faute pour R.Souchon,
mais deux pépites pour le préfet qui remercie la FNSEA et le groupe
Limagrain de leurs présences, au même titre que les partenaires de
l’évènement ! Y-a t-il des faucheurs dans la salle (y’en avait !) ou des
représentants de la Conf’ (y’en avait aussi !) à remercier ? Il ne l’a pas
demandé bizarrement….
2-0 pour le préfet, mais R.Souchon vient tout de même réduire le score à
2-1, en ayant une pensée pour « Limagrain, une entreprise formidable
».
Sur cette compétition, c’est malgré tout le préfet qui l’emporte haut à la
main. 3-1, puis 4-1, puis 5-1, la machine s’emballe avec des interventions
toujours bien senties de la part du préfet : celle-ci d’abord, où l’on
sent la passion et la conception de ce monsieur pour la recherche en France
« les résultats de l’INRA et du CEMAGREF se mesurent à travers leurs
publications et les retombées économiques ». Puis, cette vérité
insoupçonnable que l’on aurait pu entendre aux Guignols de l’Info :
« Le Grenelle a donné tellement d’avance à la France ! L’Etat
est là pour les agriculteurs, sur le volet de l’adaptation aux changements
climatiques notamment ». Eeeehh oui ! Pas fou ce
gouvernement, pas outrecuidant pour un sou lorsqu’il prévoit 40 millions de
mètres cubes de retenues d’eau supplémentaires pour les 5 ans à venir. C’est ça
l’adaptation aux pénuries d’eau, c’est ça prévoir l’avenir… des céréaliers
!
Piqué publiquement par R.Souchon - en mode écolo ce jour-là - sur la mauvaise
gestion étatique du développement des énergies renouvelables, le préfet
conclut sa prestation drolatique par un constat frôlant
« l’ignardise » : « l’industrie des panneaux
solaires est insuffisamment développée en France ». A qui la faute ?
Rassurons-nous toutefois, après avoir tout fait pour couler la recherche et
l’industrie des panneaux solaires en France, notre président et futur
présidentiable a fait de l’entreprise Photowatt à Bourgoin-Jallieu son nouveau
cheval de bataille. Après le dépôt de bilan en novembre 2011 de l’unique
fabricant français de cellules photovoltaïques à base de silicium, le président
s’est arrangé pour qu’EDF rachète l’entreprise. Un vieux proverbe recommande
pourtant de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ! L’histoire
de l’énergie en France l’a bien vérifié…
Mais revenons à notre séminaire : dans un match, il y a deux équipes qui
s’affrontent, en l’occurrence R.Souchon pour le Conseil Régional, et F.Lamy
pour l’Etat. Et puis, c’est aujourd'hui François Constantin l’arbitre,
l’animateur de la journée, impartial sur le papier, homme intègre et de bonne
foi qui recherche toujours le consensus. Mais parfois il dérape, c’est humain,
en témoigne cette magnifique synthèse des propos introductifs de R.Souchon et
F.Lamy: « L’enjeu pour l’agriculture face au réchauffement
climatique, c’est de produire, et de produire plus en réalité… tout en
respectant l’environnement bien sûr ». Ouf, on a bien cru qu’il
n’allait pas le dire ! Il manque un peu de social pour nous faire un cours
de développement durable, mais bon, les apparences sont presque sauvées pour
tout le monde.
Après les joutes verbales, place aux exposés des ingénieurs de l’INRA,
qui viennent corroborer les conclusions des écologistes : l’agriculture
autonome, c’est l’agriculture qui saura s’adapter demain aux enjeux
climatiques, énergétiques et environnementaux. C’est l’agriculture qui présente
déjà une meilleure viabilité économique, qui dégage des salaires plus sûrs aux
producteurs, et qui délivre des qualités nutritionnelles et une flaveur
supérieure aux consommateurs. Comme quoi, les écolos ne sont pas des
réac’, mais plutôt des prospectivistes !
Message bien enregistré, enfin peut-être pas pour tout le monde ? Le
président de la Chambre Régionale d’Agriculture, J.Chazalet, est lui
aussi à la recherche de changement, et ses interventions ont fait mouche
! « On propose des contraintes mais pas d’innovation aux
agriculteurs ! Pourquoi on ne ferait pas l’inverse ? ». Il
posera alors la question des OGM, avant de titiller les chercheurs de
l’INRA : « Les prairies du Massif Central ne doivent pas être
sanctuarisées, car c’est bien le maïs qui a sauvé l’élevage pendant la
sécheresse, pas les prairies asséchées ». Eh ben !
Il ne nous restait plus qu’à attendre l’intervenant qui devait conclure
cette journée. A la lecture du programme, nous avions sombré dans un abime de
perplexité, car après toute une journée d’interventions des scientifiques de
l’INRA ce fut J.Y Foucault, président du groupe Limagrain, qui donna le mot de
la fin ! Ce fut presque une déception… On retiendra uniquement ces
deux pistes de réflexion douteuses : la première « Si on s’en
tient à la nature, les besoins ne seront pas satisfaits toute l’année »,
et puis la seconde « L’Europe a fait un choix politique en démantelant
la PAC. Maintenant les agriculteurs sont exposés aux marchés mondiaux.
L’augmentation des importations et des exportations va vite devenir le cadet de
nos soucis ». Chacun comprendra ce qu’il veut…
Moralité, nous n’avons pas appris grand-chose en matière d’enjeux climatiques,
tout écologiste éclairé les connaît depuis 30 ans, et a affiné sa culture
climatique chaque jour. Mais entendre toute une journée les chercheurs de
l'INRA nous vanter les mérites de l'extensif, de l'alimentation fourragère,
etc., dire que les agriculteurs doivent se préparer à évoluer pour affronter la
sécheresse, remplacer le maïs par du sorgho par exemple, et voir que c’est
Limagrain qui conclut, ah, ça valait le coup d’être présent !
Annexe : retrouver l’ensemble des présentations de la
journée en cliquant
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Commentaires
Un très bel article.
5-1 au final si j'ai bien compté. "Qui c'est les plus forts évidemment c'est les verts" ! ^^