Au 1er janvier 2011 est créée à côté des TER et des TGV une nouvelle catégorie de trains, les TET - Trains d'Equilibre du Territoire comprenant les Corail inter-cités, les TEOZ et les trains de nuit LUNEA (1). L'Etat est l'autorité organisatrice de ces 38 liaisons inter-régionales, mal aimées de la SNCF car déficitaires. Ce statut devrait éclaircir un peu leur avenir. Les régions comme l'Auvergne sont directement concernées

L'analyse de Pierre Pommarel, président de la Commission "Environnement-Transports".
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(1) ces trains ont longtemps été appelés les trains d'aménagement du territoire

Rappelons tout d'abord quel était jusqu'ici le statut des différentes catégories de trains de voyageurs en France :

  • Les trains régionaux TER ont une autorité organisatrice (AOT) qui est le Conseil régional. Celle-ci définit les dessertes et les services à assurer (par trains ou par cars). L'exploitation des trains est confiée actuellement à la SNCF. Les relations entre l'AOT-région et l'exploitant-SNCF sont régies par une convention d'exploitation qui fixe les obligations de chacune des deux parties et prévoit la rémunération de l'exploitant. La Région perçoit une dotation de l'Etat pour assumer partiellement cette compétence. Celle-ci représente en Auvergne 67 M€ sur un coût total de 85 M€, le reste étant donc financé par le contribuable régional. La Région finance par ailleurs le matériel roulant qui est mis à disposition de la SNCF.
  • Les trains "grandes lignes" (aujourd'hui appelés "voyages SNCF") comprenaient jusqu'à maintenant les TGV, les TEOZ et les trains Corail inter-cités ainsi que les trains de nuit LUNEA. Ces trains sont actuellement exploités par la SNCF, établissement public à caractère industriel et commercial, à ses risques et périls, sans contribution publique et sous sa seule responsabilité. Il n'existait, jusqu'ici, pas d'autorité organisatrice pour l'ensemble de ces trains et la SNCF était donc libre de créer ou de supprimer les trains en fonction de son seul intérêt commercial. Jusqu'ici les TGV étaient les plus rentables mais cette rentabilité diminue désormais en raison de l'augmentation importante des péages versés à Réseau Ferré de France (RFF), le propriétaire des voies, et notamment pour les lignes à grande vitesse où les péages sont désormais très élevés.


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Au cours des deux dernières décennies, la SNCF a donc réduit drastiquement le nombre des trains Corail classiques de jour et de nuit dont les recettes ne couvraient pas les dépenses. En Auvergne, l'hécatombe a été sévère :
- tous les trains Corail de jour Lyon – Nantes, sauf un, et le train de nuit,
- les trains de nuit Lyon – Bordeaux, Paris – Béziers et Aurillac, Paris – Nîmes,
- le Corail Lyon – Bordeaux Ventadour par Tulle sauf un jour par semaine,
- un des deux Corail Lyon – Bordeaux par Montluçon.

Malgré ces élagages sévères, l'ensemble des Corail inter-cités et LUNEA représentent encore un déficit de 200 millions d'euros par an pour la SNCF, qu'elle compensait jusqu'ici par les bénéfices réalisés sur les TGV. Et donc des menaces récurrentes pesaient sur les survivants et notamment en Auvergne sur le Cévenol (Clermont – Marseille) et l'Aubrac (Clermont – Béziers).

> Les T.E.T. en Auvergne :

Clermont-Ferrand – Marseille, via Langeac (Le Cévenol)
Clermont-Ferrand – Béziers, via St-Flour (L'Aubrac)
Lyon – Nantes
Clermont-Ferrand – Bordeaux, via Tulle (Le Ventadour)
Montluçon – Paris
Lyon – Bordeaux, via Gannat – Montluçon - Limoges

Ce qui change au 1er janvier 2011 :

Il est créé une nouvelle catégorie de trains, les Trains d'Equilibre du Territoire (TET) comprenant les Corail inter-cités, les TEOZ et les trains de nuit LUNEA. L'Etat est désormais l'autorité organisatrice pour ces 38 liaisons et il est signé pour 3 ans une convention entre Etat et SNCF. Un financement de 210 M€ par an est prévu : il proviendra pour 35 M€ (17%) d'une taxe sur les autoroutes (taxe d'aménagement du territoire) et pour 175 M€ (83%) d'une taxe sur le chiffre d'affaire de la SNCF provenant des services non conventionnés (soit essentiellement les TGV). La SNCF en sera donc toujours le financeur essentiel mais cette fois obligé (via la taxe) et pas exclusif. (Dans le futur, les nouveaux entrants pour les liaisons internationales, désormais ouvertes à la concurrence, paieront aussi pour les TET). En contrepartie, la SNCF sera autorisée à relever ses tarifs en 1ère classe. Par ailleurs, 100 M€ par an pendant 3 ans seront investis pour rénover le matériel roulant (plus de 2000 voitures Corail et 340 locomotives).

Notre appréciation sur cette évolution est :

  • Très favorable sur le principe qui permet de clarifier enfin les responsabilités de chacun. C'est l'Etat qui décide de l'offre et c'est la SNCF qui exploite par convention pour les 3 années à venir avec un financement compensant le déficit. Celle-ci n'aura donc plus intérêt à laisser péricliter ces liaisons, voire à les euthanasier comme elle a trop eu tendance à le faire ces dernières années (cf. le Cévenol et l'Aubrac !). Au contraire, la SNCF aura intérêt à se montrer inventive et à montrer son savoir-faire afin de se positionner positivement en vue de l'ouverture future des délégations de service public pour les TET qui se profilent à l'horizon de 3 à 5 ans.
  • Réservée sur la répartition du financement qui fait insuffisamment contribuer les transports routiers et en particulier le système autoroutier dont le développement forcené au cours des trois dernières décennies a très largement contribué à déstabiliser les TET. C'est bien l'usager du TGV qui va payer l'essentiel de la note ; ce n'est pas logique. Pour nous, les proportions auraient dû être 2/3 autoroutes, 1/3 TGV.
  • Inquiète sur l'absence de financement du renouvellement du matériel qui deviendra inéluctable car la plupart des voitures Corail ont plus de 30 ans. Mais la rénovation permettra d'attendre que la situation se clarifie en matière de DSP (délégation de service public), les futurs candidats devront sans doute financer le matériel.
  • Déçue sur l'absence de perspectives de développement, les créations ou plutôt les rétablissements de liaisons d'équilibre du territoire qui ont été injustement sacrifiés ces dernières années, je pense en particulier aux trains de nuit et de jour Nantes – Lyon et Bordeaux.