« Nous ne sommes pas EuroBéats! »

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Logo JIRInterview de la candidate tête de liste Europe Ecologie Outre-Mer, diffusée mardi 13 mai dans le Journal de l’Île de La Réunion.

Le 25 mai, La Réunion et Mayotte éliront leur député européen pour les cinq années à venir. Dix-neuf listes se présentent dans la circonscription Outre-mer, dont huit ayant à leur tête un Réunionnais. Yvette Duchemann assure le leadership de la liste Europe Ecologie-Les Verts (EELV). Entretien.

Si vous êtes élue quels sont les sujets majeurs à défendre au Parlement européen ?

Europe Ecologie-Les Verts défend avant tout la transition écologique. Dans nos territoires ultramarins, nous avons toutes les possibilités pour nous affranchir de notre dépendance aux hydrocarbures que ce soit la houle, la géothermie, le soleil ou l’hydrogène. Nous entendons privilégier la transition énergétique. Il en va de même pour l’autosuffisance alimentaire. Nous avons les capacités pour produire les aliments, et de façon raisonnée, à La Réunion. Cela est gage d’une meilleure traçabilité et d’un circuit court qui serait créateur d’emplois. Nous devons, dans cette optique, devenir de véritables laboratoires vivants où la recherche et l’innovation sont des aiguillons d’une croissance respectueuse de l’environnement. Ce sont des axes forts de l’Europe. En ce sens, le choix de l’incinération pour traiter nos déchets constitue une véritable aberration. Outre les possibles retombées sur la santé des populations, cela va coûter très cher, ne créera pas d’emplois locaux et risque de mettre à mal une économie circulaire émergente.

Faut-il s’affranchir des règlements européens qui ne tiennent bien souvent pas compte des spécificités locales ?

Bien entendu. Cela ne doit plus arriver. Avant l’adoption d’un règlement, il y a maints échelons à franchir. Les députés, qui doivent rester proches de la population afin de s’imprégner de leurs préoccupations, ont leur mot à dire. Pour la nouvelle mandature, le Parlement va d’ailleurs prendre plus de poids dans les décisions. Profitons-en pour mieux défendre nos spécificités. Il faut travailler pour changer cela. EELV prône justement une Europe régionaliste. On ne peut plus admettre qu’un règlement nous interdise d’abattre nos cabris nous-mêmes. L’Europe ne doit pas aller à l’encontre de notre niche écologique qui comprend nos traditions sans nous écouter. Elle ne doit pas non plus imposer sans plus mais accompagner le territoire dans les mutations d’ordre réglementaire qui doivent, d’ailleurs, bénéficier d’une simplification.

Doit-on continuer à attendre des milliards d’une Europe en crise ou se tourner vers d’autres sources de financement comme Maurice pour assurer notre développement ?

Il faut s’affranchir de la dépendance. Pourquoi se couper d’autres financements possibles s’ils respectent l’écologie? Pourquoi pas créer un espace Schengen (ndlr: 26 pays de l’Union font partie de cet espace de libre circulation des personnes) à l’échelle de l’océan Indien permettant de développer les échanges humains, le tourisme et les échanges économiques ? Pour autant, j’ai bon espoir que la situation européenne se rétablisse mais nous devons nous préparer à toute éventualité. Nous devons profiter de cette mandature pour renforcer nos territoires. Les projets structurants doivent en ce sens être bien faits. Il ne faut pas tout miser sur une route…

Certains partis prônent la sortie de l’Euro. Ce n’est pas le credo d’EELV. Pourquoi faut-il y rester ?

Il faut rester dans l’Europe, car l’union fait la force. Or, dans cette Europe, il y a l’Euro. Je ne fais pas de distinguo entre les deux. Sortir de l’Euro, cela revient à se replier sur soi alors que la monnaie unique est une garantie de stabilité. Si l’Europe réussit sa transition écologique avec de nombreux emplois à la clé, ce débat sera relégué au second plan. Je ne dis pas pour autant qu’il ne faille mener une réflexion sur la question monétaire, sur les taux de change par exemple. Nous ne sommes pas des Eurosbéats.

Faut-il avoir peur du nouveau traité de libre-échange en cours de négociation entre les USA et l’Europe ?

À EELV, nous sommes farouchement opposés à ce nouveau traité discuté en catimini. Il va à l’encontre du modèle européen. Il est dangereux. Nous allons nous faire dévorer par les États-Unis qui produisent plus que nous. Cela va à l’encontre du développement de nos territoires. Nos productions risquent d’être noyées par des produits américains moins chers.

Propos recueillis par B.G.

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Bio express Yvette Duchemann: Directrice d’école à Saint-Denis, est une militante associative depuis plus de trente ans. Elle est également active en politique depuis de nombreuses années. Elle était par exemple sur la liste de Michel Tamaya aux municipales de 2001. En 2009, elle fait le choix de s’engager aux côtés d’Europe Ecologie-Les Verts, dont elle devient la conseillère fédérale deux ans plus tard. Cette même année, en 2011 donc, elle a brigué le poste de conseillère générale du 2e canton de Saint-Denis ainsi que celui de sénatrice sous la bannière d’EELV. Elle est fort connue pour son engagement en faveur du créole et de la culture réunionnaise. Un combat qu’elle a mené à la présidence de l’association Galizé ou au sein de l’Office de la langue réunionnaise. Elle a également écrit plusieurs ouvrages sur le thème du bilinguisme. Yvette Duchemann raconte avoir découvert l’Europe justement par ce biais en planchant sur les langues régionales : « L’Europe estime qu’il n’y a pas de langue plus prestigieuse qu’une autre. Et qu’il faut intéresser l’enfant dans la langue qu’il domine le mieux pour l’amener à apprendre les autres ».

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