Manger péi grâce à l’Europe ( Article du JIR 12/05/14)

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Yvette duchemann et Danon Odayen

La liste Europe Ecologie les Verts milite pour que les aides de l’Europe profitent davantage à l’agriculture paysanne et la consommation de produits péi. Ses militants étaient en campagne hier dans un verger bio du Guillaume Saint-Paul.
EUROPE ECOLOGIE LES VERTS

Parler des élections européennes, un dimanche, ça passe mieux au détour d’un pique-nique. La liste Europe Ecologie les Verts a choisi le cadre rural d’un verger d’agrumes, au Guillaume Saint-Paul, pour promouvoir l’une de ses propositions principales : l’autosuffisance alimentaire. Faites le choix de consommer péi, privilégiez les produits frais, de saison, en achetant directement auprès des producteurs. C’est le message véhiculé par Yvette Duchemann et Danon Lutchmee Odayen à leurs militants.

« Notre dépendance aux importations explose. Ce modèle coûteux pour les ménages, nocif pour l’environnement et la santé, doit être repensé », avance la candidate EELV pour l’outre-mer. Yvette Ducheman estime que l’Europe doit être un levier pour encourager « le manzé péi et la diversification agricole ».

« Notre mouvement défend l’orientation d’une politique agricole commune plus verte. Nous souhaitons que 50% des fonds de la Pac soient affectés à l’agriculture paysanne et aux circuits courts de distribution, que les mesures agro-environnementales soient plus adaptées à nos spécificités locales ».

L’autre leitmotiv des Verts concerne le développement de l’agriculture bio. « L’offre ne couvre toujours pas la demande. Ça reste compliqué de s’installer quand on fait du bio », observe Jean Erpeldinger, qui attend de Bruxelles une législation plus incitative dans ce domaine.

Et les Verts de citer en exemple leur hôte du jour, Yohan Gruchet, 27 ans, qui s’est lancé dans la production d’agrumes bio sur son exploitation du Guillaume. « J’ai obtenu 70% de subventions européennes pour m’installer. Sans ce coup de pouce, je n’y serai pas arrivé ». Le jeune homme produit entre cinq et six tonnes de fruits par an. Il en écoule une grande partie dans les cantines scolaires de Saint-Paul.

Stop à l’expansion de la canne

Prime aux produits du terroir, soutien au bio, promotion des semences paysannes, diversification des cultures. Mais sur quelles terres ? Au détriment de la canne à sucre ? Yvette Duchemann prend le temps d’argumenter, consciente du terrain glissant : « On ne prône pas l’arrêt de la canne. On dit juste que la Réunion ne doit pas être dépendante de cette seule ressource. Les surfaces actuelles dédiées à la canne sont suffisantes. La diversification agricole doit désormais profiter au maraîchage ».

Plus qu’un enjeu économique, Danon Lutchmee Odayen y voit « un impératif » pour lutter à terme contre la sécheresse et autres conséquences du réchauffement climatique. « La température va progresser de deux degrés d’ici 2030 selon le rapport du Giec (*). 2030, ce n’est pas loin, il faut anticiper cette échéance en adaptant nos modes de consommation ».

Le discours n’est pas nouveau. EELV en revendique la paternité et jure que le défendre n’a rien d’une utopie dans un département à 30% de chômage. Louable. Mais avant d’espérer imposer un lobbying Locavore (*) au Parlement européen, les écologistes devront commencer par convaincre les électeurs d’aller voter, le 24 mai, avant le pique-nique du dimanche.

(1) Groupe d’experts internationaux sur l’évolution du climat.

(2) Locavore : le nom d’un mouvement né au Canada qui prône la consommation de nourriture dans un rayon de 100 à 250 kilomètres autour de son domicile.

« C’est une hérésie de faire un incinérateur à la Réunion »

Jean-Pierre Marchau, élu EELV a lu avec attention les déclarations de Gaston Bigey, le directeur général de NEXA, l’Agence du conseil régional dédiée à l’innovation et à la compétitivité de l’économie réunionnaise. « En effet, précisant que l’Union européenne exige désormais une spécialisation intelligente qui conditionne ses financements, M. Bigey déclare à l’Eco Austral : L’économie circulaire – pour la question des déchets – est une piste importante et je pense que c’est une hérésie de vouloir faire un incinérateur à La Réunion ». Jean-Pierre Marchau rappelle que « c’est la position des écologistes depuis des années ». Pour lui, « dans une île qui est un terminal à marchandises et donc à déchets, il faut mettre en place un modèle économique pour lequel le déchet devient une véritable ressource, une matière première secondaire, génératrice d’emplois. L’économie circulaire repose sur le principe du recyclage des flux de matières. C’est un mode de production inspiré du fonctionnement cyclique des écosystèmes : les entreprises mutualisent l’utilisation de certains matériaux, les déchets des uns devenant les ressources des autres. Il s’agit d’une approche novatrice qui cherche à minimiser les pertes de matières dans les processus de consommation et de production. Son objectif consiste à faire du recyclage et de la valorisation des déchets, des leviers d’un développement associant la préservation de l’environnement et de la santé publique à la création d’entreprises et donc d’emplois ». A contrario, un incinérateur, au-delà des problèmes de santé publique posés par les émanations de dioxines, ne crée pas d’emplois, « c’est une machine à détruire la valeur ajoutée puisqu’elle doit brûler un maximum de déchets pour être rentable. Le tri sélectif et le recyclage ne cohabitent pas avec l’incinération », dit-il avant de conclure : « L’économie circulaire, c’est la voie de l’avenir. Le conseil général, lui, en relançant ses projets d’incinérateurs, choisit la voie des solutions obsolètes. Les élus écologistes porteront ce débat au sein des collectivités concernées ».

V.B.

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