You are browsing the archive for prospective.

Fukushima ou la fin de l’anthropocène

21 mars 2011 in prospective

« Le Monde », 19 Mars 2011

Le tsunami qui a frappé le nord-est du Japon et les explosions consécutives dans la centrale nucléaire de Fukushima forment un emboîtement implacable de catastrophes humaines, géologiques et psychiques.

L’imbrication des éléments naturels avec les objets industriels fait de notre planète un laboratoire à ciel ouvert : aucun lieu de la Terre n’échappe plus à l’expérimentation. S’il y a bien un épicentre géologique naturel du tremblement de terre qui a dévasté le nord-est de l’île d’Honshu, la centrale de Fukushima, elle, représente l’épicentre symbolique de l’ère de l’anthropocène.

Depuis les débuts de l’époque industrielle, Homo faber s’est érigé en force géologique centrale et toute-puissante. Cette époque a commencé, il y a deux cents ans, avec les débuts de la révolution industrielle. Aujourd’hui, tous les cycles de la biosphère sont modifiés par les activités humaines – cycle du carbone, de l’eau, du phosphore…

Les glaciologues mesurent au fond des glaces polaires un surdosage de gaz à effet de serre apparu depuis les débuts de l’industrialisation, d’une ampleur inédite par rapport aux 800 000 années précédentes. Les conditions climatiques actuelles, bouleversées, ne sont plus seulement naturelles. Jamais les éléments n’ont connu de transformation si rapide. L’énergie tirée du charbon, du pétrole et de l’uranium a conféré à Homo faber une capacité accélérée d’exploitation et de destruction de la nature.

Le largage de deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki a marqué le paroxysme de cette ère de l’anthropocène. L’énergie électronucléaire trouve son péché originel dans l’explosion de la bombe atomique.

Uranium et plutonium sont aujourd’hui associés dans le combustible Mox, qui fait la fierté de l’industrie nucléaire française. « Ecologiques », car issues du recyclage d’une partie des déchets hautement radioactifs, « confinées » dans des fûts et des piscines aujourd’hui éventrées à Fukushima, ces matières – les plus dangereuses de la planète – alimentent des interrupteurs, des radiateurs, des réfrigérateurs, des trains à grande vitesse et des usines.

La consommation et l’étourdissement de masse étant devenus un état de nature au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, les fournisseurs d’électricité nucléaire ont revêtu les paillettes d’une « movida » mondiale présentée comme force d’émancipation. La récente publicité -d’Areva ne montre-t-elle pas une centrale nucléaire à proximité d’une plage imaginaire, semblable à Copacabana ou à Sendai avant le tsunami, où bat son plein une fête au son d’une techno lobotomique ?

L’anthropocène, c’est aussi cela : une ère d’exubérance qui abolit l’angoisse, où l’automobile et l’écran plat sont devenus des droits humains fondamentaux. Une ère d’addiction, où la production de moyens est devenue la fin de l’existence. Une ère d’accélération, où la croissance, qui repose sur le cycle sans fin de la production et de la consommation, doit produire toujours plus d’objets inutiles pour ceux qui en ont déjà trop. C’est la logique même du productivisme.

Le volume des objets électro-industriels excède la capacité de compréhension de notre imagination et de nos sentiments, écrit le philosophe Günther Anders. Que le Japon, archipel vulnérable, déjà frappé par deux bombes atomiques, ait pu consentir à ériger cinquante-quatre réacteurs nucléaires sur une faille sismique illustre sans doute le désarmement de l’entendement humain face à ses créations sidérantes.

Jusqu’au jour où… le sommeil de la conscience engendre des monstres. Les bombes à retardement – nucléaires, climatiques, chimiques – commencent à exploser. Nous y sommes.

Face aux vestiges des villes détruites, face à la texture du futur, qui n’est plus la même, l’effroi n’en finit pas. La réparation des dégâts immenses s’annonce lourde et longue, si tant est qu’elle soit possible. Mais la panne et l’explosion de l’enceinte de confinement des réacteurs atomiques relèvent de l’irréparable et de l’irréversible. Des zones entières vont être interdites à jamais, comme dans le Stalker, de Tarkovski.

L’énergie nucléaire est d’un autre ordre temporel que la force tellurique des plaques tectoniques ou que le feu des volcans. Le déchaînement des éléments a révélé la démesure autant que la fragilité des machines thermo-industrielles.

L’humanité, actrice et victime de cette démesure, a créé les conditions de sa vulnérabilité en devenant un moteur de transformation géologique plus dangereux que les forces de la Terre. Aujourd’hui, l’explosion de la centrale de Fukushima nous dit que nous avons rendez-vous avec la sortie fracassante de l’anthropocène. Cette catastrophe nous intime de déployer une forme d’éveil non tributaire du rythme des machines de la thermo-industrie.

La fin des temps qui se déroule dans le nord-est du Japon sollicite un sursaut, une prise de conscience de l’inanité des formes de la croissance actuelle, fondées sur une soif terrifiante d’énergie, pour le plus grand profit momentané de quelques firmes planétaires. Les sociétés doivent se ressaisir afin d’inventer des systèmes à taille humaine, résilients et coopératifs.

Agnès Sinaï, journaliste environnementale, maître de conférences à Sciences Po Paris, cofondatrice de l’Institut Momentum

Ce que pourrait être notre avenir

1 juin 2010 in prospective

Le parti des Verts, comme presque tout les partis politiques est composé de militant principalement actif pour la chose élective et d’élus qui deviennent une fois en place des électrons libres qu’ils le désirent ou non. A cette frustration de l’élu réellement engagé et se retrouvant isolé s’ajoute le fait qu’un certain nombre de militants ayant la volonté de dépasser cet engagement principalement électif en voulant aussi devenir des militants participants à la vision et à l’action politique se retrouvent beaucoup moins engagé à l’intérieur de leur parti que dans leurs propres actions de vie. Cette structuration actuelle assèche les idées, rend caduque le travail au jour le jour des commissions et empêche l’arbitrage collaboratif en continue entre la vie militante de terrain et l’action des élus.
J’ai utilisé à dessein la notion de « au jour le jour » et en « continue » parce que les élus et les militants ne vivent pas dans les mêmes temporalités et c’est une des difficultés à lever.
Pour que les militants et les élus puissent coopérer dans un « temps commun » il est nécessaire que le mouvement politique qui les porte joue toujours avec un coup d’avance. Pour cela les élus doivent alimenter le mouvement d’informations et de données d’actualités, pendant que le mouvement lui même doit pouvoir constituer des positions de fonds dans tous les domaines qu’appellent la transversalité de l’écologie politique. Ce positionnement politique d’une très grande richesse ne peu exister qu’en s’appuyant sur une grande (bio)diversité de participation qui pour notre chance se trouve aujourd’hui dans le mouvement politique qu’est EE.
La volonté de coopération des élus doit donc être organisée pour leurs donner les moyens d’arbitrer leurs décisions en collaborant avec toutes les composantes du mouvement politique qu’est EE qui s’en trouvera en retour d’autant plus motivées. C’est le challenge que doit se donner le parti politique qu’est Les Verts ou la fédération de partis politiques que pourrait être des Verts EE, ou autres.
La rétention d’informations principalement d’actualités est la clé des petits pouvoirs d’entreprise et cette proposition de structuration ne doit pas être un marché de dupe.
Nous devons réellement créer ce réseau d’échange et de coopération, créer cette proximité de lien en réalisant cette articulation structurelle entre une nouvelle militance plus diverse et autonome incluse dans un »mouvement politique » qu’est EE,  pouvant être une association de fait, et un « parti politique » au service de ce mouvement, pouvant ou devant aller jusqu’à lui rendre des comptes et ayant trouvé son phasage temporel avec ses composantes par son ouverture, son interactivité et sa volonté de donner. Cela nous oblige à sortir de notre carcan politique et à revoir entre autre la mission que nous confions à l’élu qui se devrait principalement de vivre son mandat en coopérant avec le mouvement tout en l’enrichissant par sa personnalité.
Cette vision du mandat à aussi l’avantage d’induire toutes les conditions pour une plus grande facilité de mise en place de l’alternance élective et d’un accès à ces fonctions de personnalités beaucoup plus diverses dans leurs motivations.