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Le Monde : La loi d’avenir agricole laisse ouverts nombre de sujets

La loi d’avenir agricole laisse ouverts nombre de sujets

LE MONDE | | Par Laurence Girard

Le projet de loi défendu par Stéphane Le Foll a bénéficié d'une large majorité  à l'Assemblée jeudi 11 septembre. Ici, le 3 septembre 2014, à Paris.

L'embargo russe sur les produits agroalimentaires occidentaux lui a volé la vedette. De même que la vive tension sur les prix entre éleveurs bovins en crise et grande distribution. Ou les soucis de qualité du blé récolté cette année en France.

Lors des conférences de rentrée des grandes filières agricoles, même si elle était parfois au menu, la loi d'avenir agricole a quasiment été occultée. Pourtant, le texte a été définitivement adopté par l'Assemblée nationale jeudi 11 septembre.

Même si l'UMP s'est abstenue, le projet de loi défendu par Stéphane Le Foll a bénéficié d'une large majorité. Le ministre de l'agriculture souhaitait en faire, initialement, un outil de « refondation » de la politique agricole suivie par la France depuis les années 1960. Il devait traduire son projet agroécologique et concilier performance écologique et performance économique. Mais au fil des amendements, des pressions et des débats, le texte a été sensiblement remanié.

CONTRE L'ÉROSION DES SURFACES AGRICOLES

En novembre 2013, avant même la première lecture au Palais-Bourbon, les vétérinaires étaient descendus dans la rue. En cause : un alinéa de la loi, qui dissociait prescription et délivrance des antibiotiques vétérinaires jugés critiques pour la santé humaine. Face à la pression, le gouvernement a reculé et supprimé l'alinéa controversé. Tant pis si la limitation de l'usage des antibiotiques vétérinaires, dans un souci de lutte contre l'antibiorésistance, était l'un des objectifs fixés par la loi.

Autre mobilisation, celle de la FNSEA, fin juin, juste avant le passage en deuxième lecture devant les députés. Fidèle à sa logique de dénonciation des « contraintes environnementales », le premier syndicat agricole a agité le chiffon rouge évoquant une potentielle interdiction d'épandage des pesticides deux cents mètres autour des habitations. Finalement, si le texte évoque des restrictions d'usage près des bâtiments sensibles comme les écoles ou les hôpitaux, il laisse aux préfets la décision d'éventuelles interdictions.

Autre thème majeur de ce texte très technique : la lutte contre l'érosion continue des surfaces agricoles et la limitation de l'agrandissement excessif des exploitations. Les capacités d'action foncière des Safer ont été renforcées. Mais le syndicat des Jeunes Agriculteurs (JA) dit regretter que le volet de cette loi « n'apporte que des ajustements à ce qui existe déjà ».

LE STATUT D'« AGRICULTEUR ACTIF »

Il regrette, en particulier, le manque de poids décisionnel donné aux Commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). Les Jeunes Agriculteurs évoquent même la « duplicité du texte ».

La loi se penche également sur l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs. Un sujet crucial alors que la profession ne cesse de se dépeupler. Il étend en particulier le contrat de générations à ce secteur d'activité.

Autre sujet présenté comme majeur par M. Le Foll, la création des Groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE), censés être l'illustration de l'ambition agroécologique de la France. Ce vocable désigne des collectifs d'agriculteurs ancrés dans un territoire qui bénéficieraient d'une majoration des soutiens publics pour développer une dynamique de changement des pratiques agricoles.

Enfin, un sujet sensible, qui n'était pas initialement dans le menu du projet de loi, s'est invité dans les débats. Celui du statut d'« agriculteur actif ». L'enjeu est d'importance. Il s'agit en filigrane de définir les ayants droit aux aides européennes dont l'enveloppe se réduit.

« UN ABÎME »

Le texte instaure le principe d'un registre aux mains des chambres d'agriculture, comme le souhaitait la FNSEA. Mais les règles pour entrer dans le répertoire seront définies par décret.

En effet, beaucoup de points sensibles, comme le statut de l'agriculteur, la définition exacte des GIEE ou le soutien à l'installation, ne seront tranchés que par décret. Ce qui a contribué à rendre le texte consensuel et laisse aujourd'hui de nombreuses interrogations.

« Les décrets seront déterminants car, entre l'ambition agroécologique initiale et la réalité du texte, il peut y avoir un abîme », réagit la Confédération paysanne. « C'est une loi d'orientation. Le travail n'est pas fini », affirme Brigitte Allain, députée écologiste de Dordogne qui s'inquiète du « double langage du gouvernement », qui s'est dit prêt, par la voix de Manuel Valls, à renégocier la directive « nitrates » à Bruxelles.