Accueil Actualités L'art de tirer sur les derniers producteurs de tabac : l'autre French paradox – Brigitte Allain réagit à l'article de Sud Ouest du 10 mai –

L'art de tirer sur les derniers producteurs de tabac : l'autre French paradox – Brigitte Allain réagit à l'article de Sud Ouest du 10 mai –

A sa une du Vendredi 10 mai, Sud Ouest titre « L'Etat prise sur la culture du tabac »

Sylvain Cottin dénonce le soit-disant paradoxe français : d'un coté lutter contre le tabagisme, de l'autre subventionner les 2000 derniers producteurs de tabac.

Il me paraît important de resituer ces faits dans l'histoire et le développement de la production de tabac en France et informer le lecteur sur les modalités d'aide à cette

production. Je regrette le ton sarcastique choisi par Sylvain Cottin qui n'est pas de nature à informer le lecteur objectivement.

« La France continue ainsi, discrètement, de faire pousser chaque année 18000 tonnes de tabac... A Bergerac , la poignée de chercheurs enrôlés par l'ANITTA planche d'ailleurs sur un tabac Bio »

Les chercheurs apprécieront l'adjectif !

Et en conclusion de l'article « Du tabac du Sud-Ouest dans nos tabatières », il ose même une dernière flèche : « La perspective d'un paquet neutre imposé à l'échelle européenne pourrait en revanche, doucher les rêves d'émancipation des petits producteurs français »

Ouf ! Le lecteur va être soulagé de savoir que, enfin, ces fameux paquets de cigarettes sans marque, et donc à bas prix, risquent de mettre à mal nos derniers producteurs !

Alors , des petits rappels s'imposent :

L'Europe importe aujourd'hui 75% de sa production de tabac.

En France :

La production de tabac a toujours été contrôlée par l' État via la SEITA qui maîtrisait non seulement la quantité mais aussi les variétés produites et leur qualité. L’État signait des contrats avec des producteurs garantissant un prix d'achat rémunérant le travail des familles de producteurs en contre-partie d'un cahier des charges sévère.

La réforme de la Politique Agricole Commune de 1990 substitua des prix garantis pour toutes les productions à des aides directes pour satisfaire aux règles du marché mondial aux effets dévastateurs. Les réformes qui ont suivi (2003 puis 2007) ont remplacé les aides à l'hectare liées à des productions (qui prenaient encore en compte partiellement des coûts de production) par des aides totalement découplées de l'acte de produire.

Résultat pour la filière tabacole : des milliers de producteurs, pour beaucoup avec de petites surfaces , ont arrêté la production.

Les fumeurs ont-ils pour autant disparu? Non ! Ils sont encore 16 millions en France. Mais notre bonne conscience sera bientôt satisfaite puisque le tabac viendra d'ailleurs sauf si les producteurs s'organisent pour justement sauver leur emploi et ceux des saisonniers dont ils ont encore besoin.

Ils misent sur des productions de qualité, avec l'aide des chercheurs basés à Bergerac dans un centre de recherche unique au monde reconnu par son travail et par son réservoir de variétés historiques, trop méconnu sans doute et aujourd'hui menacé de disparition par la cession annoncée par Imperial Tobacco.

Dénoncer la recherche concernant un tabac bio et la diminution de pesticides est totalement démagogique. En effet, l'utilisation des produits phytosanitaires est aujourd'hui reconnue dangereuse pour l'environnement, l'air, l'eau et les sols et pour la santé des personnes qui les utilisent et leur voisinage. Les producteurs de tabac s’engagent vers des pratiques agro écologiques et vers des systèmes moins dépendants des aides européennes. Nous devrions nous en féliciter !

Enfin l’État français soutient une production « Made in France » dans sa dynamique de restructuration vers une évolution qualitative de la consommation.

Pourquoi la production de tabac aujourd'hui marginale mais encore structurante pour notre territoire ne serait pas aidée au même titre que d'autres secteurs ?

J'aurais préféré que Sylvain COTTIN s'en tienne à l'actualité du jour tout simplement : « le gouvernement reporte la hausse prévue en Juillet en Octobre»

Brigitte Allain,

Députée de Dordogne

13 mai 2013