Langues régionales : « Bécassine c’est fini »

Pour Yannik Bigouin : « Les bretons n’ont plus peur de parler leurs langues, ils sont enfin décomplexés. Bécassine est morte et enterrée. Mais il nous reste encore beaucoup à faire pour faire comprendre à certains que, dans ce pays, on peut être bretonnant tout en étant en même temps de gauche, progressiste, Français et Européens, passant d’une langue à l’autre sans ne voir aucune hiérarchie entre les cultures. »

Ecoutez Yannik Bigouin


 

Retrouvez ci-après l’intégralité de son intervention sur les langues de Bretagne

Yannik BigouinVous avez peut être suivi le débat passionnant à l’Assemblée Nationale sur la Charte régionale des langues régionales et minoritaires. Nous n’allons pas le refaire ici, d’autant qu’un vÅ“u a été déposé à ce ce sujet. Nous pouvons quand même faire le constat que les mentalités avancent. L’influence des jacobins, défenseurs d’un nationalisme culturel et linguistique français qui aurait toujours pour vocation de coloniser le monde au de l’universalisme, se réduit. Même si, certains d’entre eux tiennent encore le micro sur les ondes d’une grande radio du service public. Mais comme l’écrit (une fois n’est pas coutume!) Jean-Michel Le Boulanger dans son dernier livre : » Les ploucs, ce sont eux ! « .

Les bretons n’ont plus peur de parler leurs langues, ils sont enfin décomplexés. Bécassine est morte et enterrée. Mais il nous reste encore beaucoup à faire pour faire comprendre à certains que, dans ce pays, on peut être bretonnant tout en étant en même temps de gauche, progressiste, Français et Européens, passant d’une langue à l’autre sans ne voir aucune hiérarchie entre les cultures.

Je voudrais dans mon intervention faire une proposition et une critique constructive, mais vous commencez, Monsieur le Président, à être habitué à notre posture constructive.

Il manque en Bretagne des cours généralisés d’initiation au breton et au gallo. Il me semble que c’est un point fondamental. Certes, ce type de dispositif n’a pas vocation à former des enfants bilingues, pas plus d’ailleurs que les cours de langue vivante dispensés à l’école élémentaire, n’ont vocation à former des anglophones… Cependant, il permet à des enfants de prendre conscience de leur appartenance à un territoire où l’on parle une langue qui s’appelle le breton, et faire prendre conscience à des enfants que toute langue parlée, autre que le français, n’est pas que de l’anglais…. En outre, il permet indirectement de sensibiliser les familles à la langue et à de fait instituer indirectement une forme d’approche régionale dans l’enseignement de l’Éducation Nationale. Cela est possible en Corse, avec trois heures hebdomadaire, pourquoi ne le serait-ce pas ici ? L’adapter en Bretagne sur un mode « non obligatoire » en partenariat avec l’inspection académique est important. Cela permettrait aussi d’éviter également la stigmatisation que l’on rencontre dans les écoles (privées ou publiques) à l’encontre des enfants des classes bilingues, souvent désignés comme je cite …. « les bretons » (sic).

Nous avions d’ailleurs proposé que soit étudié un tel dispositif par un amendement au pacte d’avenir, vous l’avez rejeté. Gageons désormais que nous puissions convaincre le gouvernement d’avancer pour une expérimentation dans ce domaine en Bretagne.

Sur la formation des enseignants, il est urgent de faire pression pour obtenir plus de postes au CAPES et au CAFEP de breton. L’année 2013 s’est révélée catastrophique avec un seul poste ouvert au CAPES !… et après on nous rétorque que l’on ne peut pas ouvrir de classes parce qu’il n’y a pas assez d’enseignants !

Enfin, nous reconnaissons tous je pense l’effort qui a été fait en matière de bilinguisme au sein du Conseil régional. Je relisais mes interventions d’il y a trois ans à ce sujet. Je ne pourrais plus les lire, en l’état, aujourd’hui, et c’est tant mieux ! Avec la prise en compte du bilinguisme dans les courriels, les couvertures des bordereaux de session, la signalétique… ça a bien avancé ! Je tenais à le souligner Monsieur Le Président. Pourtant je reprendrais la question que je posais à la même époque : où en est la transversalité de la langue que nous pourrions appeler à l’instar du 1% culturel, le 1% brezhoneg dans toutes les politiques ? Où sont les langues de Bretagne dans nos politiques liées :

  • à l’enseignement supérieur ;

  • à l’égalité homme/femme ;

  • à l’économie via la Marque Bretagne portée par BDI (pas un seul mot en breton lors de la présentation du 28 novembre dernier à Saint-Brieuc ce que JM Le Boulanger a justement souligné lors de son intervention) ;

  • à la formation professionnelle ;

  • au transport M.Lahélec. Nous attendons toujours les annonces bilingues dans les TER comme promis.

  • à notre politique territoriale. C’est un peu court d’entendre des maires dire qu’ils respectent le critère des langues de Bretagne car je cite : « des associations de culture bretonne fréquenteront leurs salles culturelles financées par la Région ».

Enfin, où en est le projet d’un second lycée Diwan ? Celui de Carhaix est leunchouk (plein à craquer).

Les choses avancent, il nous faut encore amplifier les efforts. Mais en l’état nous ne pourrons tout faire, il est urgent, essentiel, indispensable que les lois de décentralisation nous donne enfin une compétence linguistique avec des moyens dédiés pour que le multilinguisme, source d’ouverture au monde, ne cesse de grandir en Bretagne.

Labour zo atao ! Trugarez.

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