Il faut que la Politique Agricole Commune permette de réguler les marchés

« Alimentation, territoires, emplois, climat, autant de défis multiples qui appellent des réponses collectives. L’avis des régions de l’Ouest sur la Politique Agricole Commune pose la question de la régulation des marchés et la réorientation de notre modèle agricole. La place des régions de l’Ouest dans l’espace de propositions sur la PAC, présente une offre crédible et audible au niveau national et européen, et nous apparaît être un espace géographique approprié pour mener des politiques agricoles cohérentes. »

Retrouvez l’intégralité de l’intervention de René Louail, au nom d’EELV, concernant l’avis des régios de l’Ouest sur la Politique Agricole Commune

La Politique Agricole Commune (PAC) a cinquante ans. Les premiers règlements communautaires pour les céréales, porcs et volailles datent en effet de juillet 1962, suivis de ceux pour la viande bovine et les produits laitiers en 1964. Je vous épargnerai de refaire ici l’histoire de la PAC mais il est nécessaire de souligner que ces vingts dernières années ont été ponctuées de réformes successives, en perpétuelles recherches d’adaptations, tant au regard des exigences de l’Organisation Mondiale du Commerce et de l’ouverture des marchés, qu’aux nécessités posées par l’élargissement de l’Union Européenne. Rappelons aussi que dès les années 80, l’Union européenne est devenue auto-suffisante en céréales. Elle dispose pourtant de trois fois moins de terres arables que les Etas-Unis et elle avait, à l’époque, 100 millions d’habitants de plus. Ce modèle de production a été générateur d’excédents mais aussi de nombreux dégâts collatéraux tant au niveau social qu’environnemental.

Ainsi, aujourd’hui, le pari qui est devant nous est celui d’une indispensable réadaptation de la politique agricole face à de nouveaux défis : préservation de la ressource en eau, de la biodiversité et du climat, sur le plan environnemental, répartition spatiale des populations et revenus des agriculteurs, sur le plan social. Le contexte politique a lui aussi changé et il ouvre de nouvelles perspectives. Le Parlement européen, instance démocratique, est en position de co-décision. Le poids des déficits publics des États membres pèse plus que celui de l’agenda international de l’OMC des années 90. Considérons cet élément comme une opportunité puisque l’agriculture – qui alimente l’ensemble du peuple européen tout en générant 13,5 millions d’emplois – ne représente, en dépense publique, même pas 1% du P.I.B. des États européens. Comme quoi avec peu, il est parfois possible de faire beaucoup. investir dans l’agriculture est bien l’un des antidotes à la crise. Néanmoins, si la prochaine réforme de la PAC ne s’inscrivait pas dans une reconstruction en profondeur, si elle ne répondait pas aux besoins des citoyens de l’Union comme aux agriculteurs, si elle n’était pas d’intérêt général alors elle sera délégitimée et c’est l’avenir même de cette politique qui sera posé au delà de 2020.

L’agriculture française vient encore de perdre 300 000 actifs permanents durant les 10 dernières années. au même moment le chômage ne cesse de progresser dans tous les pays européen, sans aucun doute il nous faut remettre les personnes, et en premier ceux qui travaillent la terre, au centre du dispositif de cette réforme.

Le document qui nous est proposé va en partie dans cette direction et nous en approuvons l’essentiel :

  • Il pose la question de la régulation des marchés avec les conséquences pour nos régions de la flambée des matières premières. Il met en exergue la situation particulière de la production laitière de l’après-quotas. Il interpelle plus généralement sur la nécessité de remettre le dossier des quotas en débat et de penser le recouplage des aides comme alternative à leur disparition.

  • Il pose la nécessaire et incontournable question de la régulation des marchés en agriculture et les conséquences de la destruction des mécanismes de régulations.

  • Il prend en compte la question de la légitimité des aides à l’agriculture en y intégrant la question de l’emploi.

  • Nous soulignons positivement le fait que le dispositif de gestion de crise proposé dans ce bordereau soit inscrit sur le premier pilier de la PAC, c’est à dire en amont, sur la gestion des marchés. Nous entrons ici dans une logique de prévention et c’est une avancée considérable, surtout si on la compare aux décevantes propositions du Ministre de l’agriculture sur un dispositif de type assurantiel raccroché au second pilier.

  • Concernant ce second pilier, nous partageons l’intérêt d’évoluer vers un cadre commun à tous les fonds structurels, traduisant la stratégie en objectifs communs, ce qui devrait permettre plus de facilité et de lisibilité à l’échelon de nos territoires.

Ce bordereau comprend aussi certaines faiblesses qui méritent d’être débattues :

    • La question de l’autonomie alimentaire et principalement en protéines : si nous en approuvons l’orientation, ile document ne stipule à aucun moment que la Bretagne doit consacrer ses surfaces agricoles à des productions fourragères et alimentaires, pas plus qu’il ne précise le type d’élevages nécessaires pour maintenir emplois et valeur ajoutée. Nous le disons plus fortement parce que, dans le même temps, le Schéma Régional Climat Air Energie, comporte lui un objectif de 5% de terres agricoles consacrées à l’énergie. Quelle place dès lors pour les cultures de protéines ? Le manque de cohérence entre ces documents est étonnant.

    • Dans le volet « convergence des aides », le document est très discret sur la nécessaire convergence entre les pays européens, tout comme il l’est sur la place de l’agriculture régionale dans les échanges mondiaux.

Alimentation, territoires, emplois, climat, autant de défis multiples qui appellent des réponses collectives et collaboratives face à des paiements uniques européens qui individualisent l’intervention publique. La place des régions de l’Ouest dans l’espace de propositions sur la PAC, présente une offre crédible et audible au niveau national et européen, et nous apparaît être un espace géographique approprié pour mener des politiques agricoles cohérentes. Il nous faut alors nous poser la question de leurs adéquations avec notre demande d’un droit à l’expérimentation pour la gestion de l’eau à l’échelle de la Bretagne, car politiques de l’eau et agricoles ne sauraient en aucun cas être dissociées.

Nous votons ce document.

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