Algues vertes, accompagner les agriculteurs qui s’engagent

« Les marées vertes disparaitront grâce à une mutation du modèle agricole vers des productions de qualité, respectueuses de l’environnement et permettant de garantir un revenu aux paysans. Cette mutation sera, de plus, porteuse de développement local. A l’heure où les filières porcs et volailles connaissent de grandes difficultés, cet accompagnement est d’autant plus nécessaire. Nombre d’agriculteurs s’engagent en ce sens aujourd’hui. Ceux-là doivent être soutenus et attendent une ambition politique forte. Malheureusement, l’argent continue à aller vers l’agriculture du passé. »

Retrouvez l’intégralité de l’intervention d ‘Anne-Marie Boudou, au nom d’EELV, sur le contrat de baie algues vertes de la Fresnaye

L’avis du Comité scientifique rendu début 2012 concernant la plan algues vertes de la baie de la Fresnaye dans les Côtes d’Armor est édifiant. Dès les premières lignes ont peut y lire que : « le dossier est émaillé d’erreurs qui compromettent le diagnostic. ». En effet, l’évaluation du flux d’azote des rivières de la baie, qui a servi à appuyer les actions à mettre en œuvre, était quatre fois inférieur à la réalité. Le flux sortant du territoire est de 221 tonnes d’azote quand le diagnostic en indiquait 50. Pour le Conseil scientifique « cette erreur démontre un manque grave de maîtrise […] Le volet action du plan est d’emblée marqué par un sous-dimensionnement du bilan d’azote, des fuites potentielles et donc des objectifs à atteindre. ».

Le diagnostic économique est lui aussi erroné. Il considère en effet que la filière bio est « saturée » et qu’une baisse des quantités produites entraîne nécessairement une baisse des recettes. On croit rêver. C’est un déni de l’expansion actuelle de la filière bio qui est obligée d’importer des produits pour satisfaire la demande. C’est aussi un rejet d’emblée des actions qu’il faudrait justement mener pour obtenir des résultats. En effet et nous le réaffirmons encore une fois : le phénomène des marées vertes disparaitra grâce à une mutation du modèle agricole vers des productions à forte valeur ajoutée, respectueuses de l’environnement et permettant de garantir un revenu aux paysans, et qui sera de plus porteuse de développement local.

La baie de la Fresnaye est caractérisée par une forte dominance des systèmes hors-sol « porcs / volailles » et sans aucun doute la transformation du modèle agricole est-elle dans ce cadre plus longue et complexe à mettre à en œuvre. Elle demande un accompagnement d’autant plus important que les agriculteurs sont contraints à plus d’efforts. A l’heure où les filières porcs et volailles connaissent de grandes difficultés, cet accompagnement est rendu d’autant plus nécessaire. Nombre d’agriculteurs sont aujourd’hui prêts à s’engager, car ils savent que leur avenir est dans les productions à forte valeur ajoutée. Ils attendent une ambition politique forte en ce sens. Ce constat aurait donc dû vous amener à une ambition plus forte sur cette baie. Au lieu de cela, c’est un renoncement à lutter rapidement et efficacement contre les marées vertes qui est acté ici.

Depuis l’avis du Comité scientifique la charte a, il est vrai, été quelque peu revue, mais le résultat n’est malheureusement toujours pas à la hauteur. Les objectifs d’installation et de conversion en agriculture biologique permettront à peine de répondre à la loi Grenelle qui prévoit 20% de bio en 2020. Pire, les objectifs du plan ne répondent pas à la réglementation européenne. L’échéance de bon état écologique des masses d’eau côtière est fixée à 2027 quand la directive européenne sur l’eau impose une échéance à 2015. Comment l’État et les collectivités locales qui accompagnent ce plan peuvent-elles se dédouaner des obligations européennes en matière de droit de l’environnement? Devons nous rappeler que la France est toujours en contentieux avec l’Union européenne à ce sujet et que de nouvelles amendes, pourraient tomber si rien n’est fait. C’est inacceptable et au final, le contribuable paie l’irresponsabilité des politiques publiques menées à grand renfort de subventions ; les agriculteurs quant à eux sont poussés dans un système de production qui les enfonce chaque jour un peu plus dans la crise. Nous pourrions leur rendre un service considérable en leur proposant un accompagnement efficace pour les aider à changer de système et non une charte au rabais pour faire plaisir à certains, car bientôt les programmes d’actions de lutte contre la pollution des eaux par les nitrates deviendront obligatoires.

En effet, il faut rappeler qu’actuellement la politique de la France pour la lutte contre la pollution de l’eau par les nitrates est en cours de révision : des zones vulnérables doivent être redessinées et de nouveaux programmes d’actions définis. Cette mise à jour intervient alors qu’en février 2012 la Commission européenne a traduit la France devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) « pour n’avoir pas pris les mesures efficaces contre la pollution des eaux par les nitrates » car « La France n’a toujours pas désigné un certain nombre de zones vulnérables à la pollution par les nitrates », déplorait la Commission qui demandait « instamment à la France de prendre des mesures en désignant davantage de zones et en élaborant des plans appropriés ».

Certes nous sommes dans un contexte politique délicat avec les élections des Chambres d’agriculture ce qui pousse certains syndicats à critiquer les propositions de l’administration française et à demander un moratoire sur l’extension des zones vulnérables et à revoir complètement la copie sur le cadrage des 5èmes programmes d’actions Directive nitrates.

Mais ces excès ne sont pas partagés par tous. Certains acteurs de terrain s’engagent déjà pour modifier leurs pratiques en ce sens, mais leurs efforts ne sont malheureusement pas retranscrits dans cette charte.

Alors, profitons de l’aspect positif de ces chartes qui a été de mettre l’ensemble des acteurs concernés autour d’une table pour imaginer conjointement les conditions techniques, financières et agronomiques d’un passage de l’agriculture bretonne à un autre modèle respectueux des paysans et de la terre. Avec 600€/ha et en plus les aides de la PAC, nous pouvons mettre en œuvre une autre projet de territoire, plus audacieux, plus volontariste.

Pour conclure, cette charte ne tient pas compte de l’urgence de la situation et la chambre d’agriculture est omniprésente pour l’accompagnement des agriculteurs. Malheureusement, ces constats ne s’appliquent pas à cette seule charte de territoire. De manière générale, soumises à la pression de plusieurs lobby, elles ne respectent pas la législation et ne permettront pas d’atteindre les objectifs attendus.

Pour ces raisons, et malgré le contexte local décrit plus haut qui pourrait laisser espérer des possibilités de progrès, nous voterons contre.

 

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