Il est temps de changer de braquet

Les annonces de ces derniers mois font froid dans le dos : 1 000 licenciements chez Doux, autant d’emplois menacés chez GAD, 450 emplois qui disparaissent chez Marine Harvest… Force est de constater que la modèle de développement breton est victime, lui aussi, des vagues de délocalisation. Il  faut engager un nouveau modèle, ancrée à son territoire, centrée sur les productions de qualité, plus respectueux de l’environnement et créateur d’emplois.

Il est un autre sujet d’importance pour notre Région pour lequel il est temps de changer de braquet. Le rapport de la Commission Mobilité 21 confirme ce que nous disons depuis longtemps : le modèle du tout TGV n’est pas viable. Les efforts financiers doivent se concentrent sur une réhabilitation ambitieuse des lignes ferroviaires existantes pour rapprocher l’Est et l’Ouest de la Bretagne et répondre aux besoins de déplacements quotidiens des bretons. Enfin, le projet de ligne ferroviaire nouvelle via Notre Dame des Landes n’est pas retenu par la Commission 21. Sans desserte ferroviaire, ce projet na décidément plus aucune justification. L’aéroport ne décollera pas.

Retrouvez, ci-dessous, l’intégralité de l’intervention de Guy Hascoët, pour EELV, en ouverture de la session des 27 et 28 juin 2013. 

Depuis le début du mandat vous avez affirmé, tout le moins votre prédécesseur, par trois fois à cette assemblée que la stratégie Bretagne Grande Vitesse et la perspective de Brest et Quimper à trois heures de Paris était certaine, ferme et définitive.

Depuis six mois environ, on assiste à un changement de ton et l’on nous explique que techniquement cela s’avère impossible sans engager des tronçons de voies nouvelles vers Saint-Brieuc et Lorient-Vannes quand il n’était à l’origine question que de réhabilitation des voies existantes. Quelle curieuse découverte 5 ans après le vote de BGV 1. Aujourd’hui, le rapport de la Commission Mobilité 21 confirme ce que nous craignions : le projet BGV 2 est irréalisable en l’état car trop onéreux pour un gain de temps minime. Comme nous n’avons cessé de le répéter : c’était des travaux ambitieux d’aménagement des voies existantes qu’il fallait défendre et non la création de tronçons de lignes nouvelles. Demain, Rennes sera donc à 1h26 de Paris mais restera à 2h de Brest.

Pour notre part, nous avons voté BGV 1 sur la base d’1h30 pour les temps de trajet de Rennes vers l’ouest breton, car, pour nous, ce projet n’a de sens que s’il permet l’équilibre de la Bretagne et le renforcement des dessertes de proximité. Il faut bien admettre aujourd’hui que nous votions sur un leurre.

La question désormais qui vient logiquement est qui ment ou qui a menti ? Soit cette Assemblée a délibéré sur la base d’informations erronées, soit la présentation de BGV ne correspondait à aucune hypothèse et alors cette assemblée a été délibérément trompée.

A-t-il été de même lorsque vous avez engagé notre Région dans le financement d’un hypothétique aéroport à Notre Dame des Landes ? Êtes vous certains des informations qui ont fait votre vote ? La Commission mobilité 21 ne semble en tout cas pas partager vos avis sur l’indispensable nécessité de ce projet. Elle va dans le sens de ceux qui, comme nous ou Guillaume Pépy, président de la SNCF, affirment depuis longtemps que le modèle du tout TGV n’est pas viable économiquement et que l’essentiel des investissements doit porter sur les trains utiles aux déplacements quotidiens. Alors que la Commission Mobilité 21 abandonne à juste titre un grand nombre de coûteux projets TGV à travers la France, va-t-on oser nous annoncer qu’il y aurait suffisamment d’argent pour une voie TGV nouvelle via Notre Dame des Landes ? Je ne peux l’imaginer. Sans desserte ferroviaire, ce projet n’a décidément plus aucune justification.

Pour BGV, comme pour NDDL, il semblerait donc que l’on se soit moqué des Bretons et de la Bretagne. Il semblerait aussi que nous soyons en droit de réclamer le retour de l’argent investi.

Il est un autre sujet sur lequel on entretient, là aussi à grands coups de subventions publiques, des chimères depuis trop longtemps : il s’agit du modèle agricole breton. L’évolution du tissu social économique et toutes les annonces de ces derniers mois font froid dans le dos : 1 000 licenciements chez Doux, autant d’emplois menacés chez GAD, 450 emplois qui disparaissent chez Marine Harvest… La Bretagne n’est pas une terre industrielle, mais force est de constater que son modèle de développement, largement tourné vers les marchés internationaux, est victime, comme l’industrie française, des vagues de délocalisation.

Mais comment pourrait-il en être autrement ? Il suffit de regarder ce qu’il s’est passé ces dernières années pour comprendre  : on a engagé la course à la concentration, puis la mise sous tutelle des producteurs, puis de leurs groupements vis à vis des industries agroalimentaires, puis des industries agroalimentaires vis à vis de la grande distribution et maintenant des marchés internationaux… Lorsque l’on met sur pied un modèle agricole qui n’a plus de lien avec le territoire, par définition on permet l’implantation de ces productions n’importe où dans le monde. Nous avons donc nous-mêmes organisés les délocalisations et les avons accompagnées de milliards de subventions : 600 à 700 millions d’euros chaque année, rien que pour la PAC en Bretagne.

Certains groupes, aujourd’hui en grande difficulté, ont perçu sur 40 ans des milliards d’euros d’argent public. Fort de leurs succès, il ont eu l’audace d’utiliser ces aides pour organiser la dérégulation de leur propre marché en investissant en Amérique du Sud, installant les prémisses d’une concurrence à bas prix qui en retour, condamne désormais les sites de production bretons, les exploitants agricoles et les salariés de l’agro-alimentaire.

Le secteur va mal et qui appelle-t-on au chevet du malade ? Les médecins de Molière et côté saignée, ce sont des experts. Le gouvernement nous propose de continuer à accélérer la course vers l’abîme… Notre ministre de l’agriculture cherche à lever les obstacles à la concentration, osant même sur certains terrain en matière d’élevage porcin, aller là où, oh mon dieu, la droite avait retenu son pas… Ce qui est mauvais sous l’impulsion des droites ne peut pas, par magie être devenu acceptable parce qu’ordonné par un ministre de gauche !

Je n’aurai pas la cruauté de rappeler toutes les citations reprises par Marc Le Fur dans la presse ces jours-ci concernant vos déclarations d’il y a un peu plus d’un an car au fond la politique que vous menez dans ce secteur est la même que celle de l’UMP, en plus décomplexée semble-t-il. Lorsque l’on refuse de choisir entre sa droite et sa gauche, on courre tout droit à l’élongation !

Nous nous amuserions de cette réécriture de Tartuffe, si les conséquences sociales et humaines n’étaient pas si graves.

Jamais autant d’argent public n’aura été versé sur un seul secteur pour aboutir à un tel fiasco. Les 2,7 milliards d’euros supplémentaires annoncés pour le secteur agro-alimentaire ne résoudront rien s’ils n’impulsent pas une refonte en profondeur du secteur vers d’autres modes de production et un recentrage sur le marché intérieur.

Comment s’étonner de cette schizophrénie qui veuille que nous votions ici des plans algues vertes et en même temps que nous accompagnions cette politique de course à la concentration.

Comment s’étonner que si peu d’agriculteurs ne signent la charte algues vertes de la baie de Saint-Brieuc quand, à peine a-t-elle été votée, notre Vice-président à l’agriculture se permet lors de l’Assemblée Générale de la FDSEA des Côtes d’Armor de ridiculiser les enjeux environnementaux, en injuriant  les écologistes… il est vrai que l’époque est à la prolifération des populismes et à la recherche de boucs émissaires.

Nous savons, depuis plus de trente ans, que certaines filières de production en énergie sont bien plus productrice d’emplois que d’autres,  nous savons qu’un million investi dans la réhabilitation des bâtiments va générer deux à trois fois plus d’emplois que le même million investi dans les infrastructures routières… Des centaines de milliers d’emplois sont à créer, qu’attend-t-on pour y mettre les moyens !

Mais peut-être que l’on va nous expliquer d’ici peu qu’après avoir affecté les marges de manœuvre régionales massivement sur des projets hasardeux, il ne nous est plus possible de poursuivre de manière forte les engagements des véritables filières d’avenir !

Nous sommes à la fin d’un cycle de développement, il nous faut inventer le suivant. C’est en engageant la transition écologique, en concentrant rapidement les finances disponibles sur les filières d’avenir que nous lutterons contre la crise sociale, que nous ferons reculer les conservatismes, la peur de l’autre et la tentation du repli sur soi. A la tête de l’État, comme ici en Bretagne, il est maintenant temps de changer de braquet.

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