Economie locale pour une cohérence globale

L’internationalisation des échanges peut être une richesse mais elle ne saurait être une fin en soi. La Région doit se poser la question de son contenu et de sa plus-value pour les bretons. Car, l’internationalisation telle qu’on la connaît, induite par une économie de marché mondialisée et dérégulée, charrie son lot de dangers. Nous devons nous assurer qu’elle soit respectueuse des hommes et de l’environnement, ici et ailleurs.

Retrouvez ci-dessous l’intégralité de l’intervention de Gaëlle Rougier pour EELV concernant le « plan régional d’internationalisation des entreprises » bretonnes. 

L’internationalisation économique, si elle peut être un outil de développement ne saurait être une fin  en soi. La Région, renforcée par la volonté gouvernementale dans son rôle de chef de file de la politique économique, se doit de se poser la question de son contenu et de sa plus-value pour les bretons.

Nous devons nous assurer qu’elle soit respectueuse des hommes et de l’environnement, ici et ailleurs. Car l’internationalisation telle qu’on la connaît, induite par une économie de marché mondialisée et dérégulée charrie son lot de dangers. Regardons du côté de Rennes, l’économie la plus internationalisée en Bretagne : SPBT, Canon, Cisco, Visteon, Sanden, etc., autant de sièges sociaux extérieurs à la Bretagne et à la France, autant de stratégies financières totalement étrangères aux besoins productifs locaux réels, autant d’emplois facilement délocalisables, autant de cause de désindustrialisation. Thomson en a fait les frais ces dernières années, tout comme Marine harvest à Cesson. Vous avez évoqué vous-même M. Le président dans votre intervention de politique générale, les difficultés que connait PSA et qui sont directement liées à l’effondrement du marché mondial de l’automobile.

Il faut être solide pour aller jouer sur le terrain de l’internationalisation et nous savons que seules les plus grosses entreprises y parviennent actuellement, et le font en substituant l’investissement capital à celui du travail et en comprimant fortement la masse salariale. Est-ce bien ce que nous voulons pour notre région ? Penser que toutes les Petites et Moyennes Entreprises bretonnes ont vocation à s’internationaliser ne repose sur aucune réalité économique.

Dans le secteur de l’agroalimentaire, l’actualité, dois-je le rappeler, a montré à quel point la conquête aveugle de marchés à l’export hors Europe et la mise en concurrence de l’économie agricole bretonne avec des économies extérieures avait fragilisé ce secteur et jeté dans le plus grand désespoir de plus en plus de paysans et salariés de l’agroalimentaire. Certains répètent à l’envie que pour relancer la filière porcine il faut à nouveau saturer les élevages bretons et aller gratter quelques parts de marchés ici dans la corne de l’Afrique ou là encore en Chine, faisant fi des réalités environnementales induites par la surproduction porcine dans notre région.Nous allons donc encore exporter du savoir faire, des technologies, des bâtiments en Chine. Et que ferons-nous quand, dans 5 ou 10 ans, la Chine aura atteint un niveau de productivité équivalent au nôtre et sera le premier exportateur de porc? Elle est déjà le premier producteur. Que ferons-nous quand elle aura en passant consommée l’ensemble du stock disponible de céréales sur le marché mondial ? Continuerons-nous à parler d’augmenter la production porcine et d’aller conquérir de nouveaux marchés à l’export ?

Ne serait-il pas temps d’arrêter la chasse au dahut et de développer une économie plus endogène, ancrée dans les territoires ? Ce qui n’empêche en rien d’être en réseau et en synergie avec d’autres territoires proches ou lointains, bien au contraire. La Bretagne ne manque ni des ressources ni des compétences pour développer ces filières vertes créatrices des emplois de demain. Plutôt que de favoriser les grands groupes, il est temps de recentrer des aides publiques sur les petites et moyennes entreprises, de  développer des filières fortes, d’arrêter la mise en concurrence de nos entreprises mais bien de jouer la complémentarité et le partenariat. Se tourner vers l’international, n’est-ce pas d’abord investir le champ européen pour nouer des partenariats autour de stratégies interrégionales communes comme celles initiées par des dispositifs tels « Europe 2020 » et « Europe de l’innovation » ? L’industrie navale et l’ingénierie maritime, les énergies marines renouvelables, le bien vieillir, l’enfance, et l’innovation sociale constituent autant de thèmes sur lesquels la Bretagne peut jouer un rôle leader ou moteur en Europe. Il nous faut nous tourner vers une internationalisation qui permette la transition économique de la Bretagne.

Aussi dans ce bordereau, il semblerait qu’en dehors de l’internationalisation, point d’innovation. Mais de quelle innovation parlons-nous ? Dans votre intervention de politique générale, M. le Président, vous donniez l’exemple des innovations dans la robotique pour les élevages porcins et avicoles.  Mais l’innovation, c’est aussi l’innovation sociale. La Région doit aider ses entreprises à développer la responsabilité sociale et environnementale dans leur management, y compris dans leur politique import-export. L’innovation sociale et la responsabilité sociale et environnementale ne doivent pas se cantonner à l’Économie Sociale et Solidaire mais doivent au contraire essaimer dans tout le tissu économique, dont les filières les plus traditionnelles. L’innovation c’est aussi de nouvelles formes de gouvernance des entreprises, de nouvelles formes d’organisation du travail, de lien entre les entreprises et la société civile et les universités, de participation citoyenne à la politique économique. C’est pourquoi, nous vous le rappelons, nous regrettons l’absence de représentation des syndicats de salariés ou de personnalités qualifiées sur la question du développement durable dans les organes pilotes la politique économique régionale, qui pourrait pourtant favoriser cette évolution vers une internationalisation socialement et écologiquement responsables.

Une économie innovante et internationalisée intelligemment, c’est aussi une économie ou l’on fédère les forces de l’enseignement supérieur et de la recherche avec d’autres régions, notamment avec notre partenaire privilégiée que sont les pays de la Loire. Une région où l’on renforce les liens entre les PME et l’université pourtant parfois très éloignées. Pour les plus familières avec la recherche, le recours à des doctorants ou des contrat de recherche de type CIFRE. Il s’agit aussi d’encourager l’innovation qui ne soit pas que technologique. La stratégie Bretagne numérique peut être un levier majeur de la diffusion de bonnes pratiques, de partage d’expériences, de partenariats entre entreprises.

M. le président, pour nous écologistes, citoyens du monde, l’internationalisation des échanges est une richesse. Mais vous l’aurez compris, à la conquête de nouveaux marchés dans le cadre d’une compétition des entreprises et des territoires, nous préférons une internationalisation qui permette la transition écologique de la Bretagne, dans le cadre d’une économie régulée, tournée vers des emplois et des activités d’avenir et non vers la défense d’un modèle économique délétère pour les hommes et pour l’environnement. Les orientations de ce bordereau ne garantissant aucunement un changement de stratégie, nous nous abstiendrons.

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