Economie : Changer d’échelle, mobiliser et innover en Bretagne

Yannik Bigouin revient sur l’urgence d’aider les entreprises artisanales et les toutes petites entreprises, développer l’innovation, soutenir les nouvelles filières (énergies marines…). Il est temps d’accélérer la transition écologique et d’écouter les opportunités issues des nouvelles attentes de la société. Exemple: l’économie sociale et solidaire qui ouvre des champs d’action et d’espoir chez de nombreux habitants, qui s’en emparent mais ne perçoivent pour l’instant que peu de soutien. Il est donc temps de réconcilier performance économique, recherche de progrès social et impératif énergétique et écologique…

Yannik Bigouin

Mission 2 « pour une économie dynamique au service des filières fortes et créatrices d’emplois de qualité ».

Il y a un an, ici,  nous adoptions la stratégie régionale de développement économique d’innovation et d’internationalisation (SRDE2I). Nous avions salué la méthode de travail « participative » qui avait conduit à son élaboration. Nous nous engagions dans la glaz économie. Vous y affirmiez votre volonté d’ancrer cette dernière dans la transition énergétique et écologique, d’être à l’écoute des opportunités issues des nouvelles attentes sociétales.
Comme vous, nous pensions, qu’il était impératif de relever le défi de la raréfaction des ressources fossiles, de l’impact du changement climatique . Nous vous avons suivi quand vous parliez d’économie circulaire, d’innovation sociale des opportunités et de nos atouts à développer une économie verte. Nous y avons entendu votre volonté de repenser, de réinventer le modèle breton pour construire  un développement à visage humain associant rentabilité économique et création de richesses, préservation de l’environnement, égalité des chances et des droits, bien-être social.
Cette voie désirée par vous, Monsieur le président, par les acteurs économiques et sociaux bretons, celle sur laquelle vous nous engagiez, n’était-elle pas celle que nous défendions ici depuis bien longtemps déjà ? Oui, il y avait urgence. Il fallait faire face aux crises sociales visibles des entreprises des secteurs agricole, agro-alimentaire et automobile par trop rivées à d’anciens modèles. Il y avait aussi urgence à répondre aux difficultés, moins visibles, mais non moins réelles, de petites entreprises artisanales.
Au cours de l’année écoulée, ces difficultés se sont hélas amplifiées laissant sur le carreau salarié(e)s et artisans sans réelles perspectives d’avenir. Les soutiens apportés ont été trop souvent des «emplâtres sur une jambe de bois». Des interventions coûteuses, des remèdes fugaces, ne traitant en rien les causes. Ces actions de compassion nous pouvons en comprendre le sens, voir les soutenir mais nous ne pouvons en rester là. Elles ne sont acceptables qu’avec un engagement dans une transition durable dans tous les sens du terme. Tel n’est pas le cas de la majorité des industriels de l’agro-alimentaire que nous avons soutenus.
Il est temps qu’enfin la SRDE2I entre en phase pleinement opérationnelle. Ce budget en est l’un des principaux leviers. Il s’agit non seulement respecter un engagement collectif mais c’est aussi un impératif social. Le défi est de taille : la transition écologique et énergétique ne se décrète pas. Elle se construit pas à pas à tous les échelons territoriaux. C’est la raison pour laquelle nous soutenons la proposition évoquée de travailler en lien avec les EPCI, en particulier, pour la mise en place du plan bâtiment durable.

C’est donc à l’aune des engagements du SRDE2I que nous avons analysé vos propositions.
Il n’y a pas, cette année, pas plus que l’an passé d’ailleurs, de modifications dans la structuration des missions stratégiques, des programmes. Les objectifs affichés sont aussi les mêmes qu’en 2013. Si quelques indicateurs ont évolué aucun ne permet d’évaluer les avancées dans la mise en place du nouveau schéma !
Au niveau des entreprises, il n’y a aucune impulsion particulière annoncée en direction de celles s’engageant dans une des voies privilégiées par le schéma, en particulier l’économie verte ou la transition énergétique.
Inquiétant pour nous également, le choix d’arrêter Performance Bretagne environnement  plus . Ce programme initié en 1994 avait, en particulier, comme objectifs, de sensibiliser les PME-PMI bretonnes aux enjeux environnementaux et de renforcer la compétence en environnement au sein de l’entreprise.
Nous ne doutons pas qu’après 20 ans, une évaluation et un recadrage pouvait s’avérer nécessaire mais la suppression de ce programme est un mauvais signal.

Je terminerai que cette partie pour vous faire part de nos inquiétudes concernant un secteur qui nous tient particulièrement à cœur et qui, pour tous ici, constitue un espoir en terme de développement économique et d’emploi : les énergies marines renouvelables. Nous nous apprêtons à engager 220 millions d’€ à Brest pour créer une plate forme logistique mais nous n’avons aucune maîtrise sur les projets de développement qui voient ou pourraient voir le jour en Bretagne. Au cours de ces dernières années, nous avons fait preuve d’un grand volontarisme, des annonces politiques au plus haut niveau ont été nombreuses. Au bilan, aujourd’hui, nos efforts sont bien peu récompensés .
La dernière annonce est sans doute la plus violente.
Nous avons financé et accompagné l’installation du premier site d’essai hydrolien français  à Bréhat et en parallèle, la première hydrolienne conçue en Bretagne portée par Sabella. Deux fermes pilotes devaient voir le jour suite à l’appel à manifestation d’intérêt conduit par l’Etat : l’une dans le Fromveur et l’autre dans le raz Blanchard. Il y a quelques jours, Manuel Valls annonce que finalement seul le site pilote Raz Blanchard est retenu et que Cherbourg sera la base du développement de l’hydrolien en France.
Autre situation : 2012, après plusieurs années d’effort et des trésors de diplomatie, France Energies Marines voit le jour avec un siège social à Brest. Des missions majeures de coordination de programmes de Recherche et Développement lui sont dévolues mais également la mise en place de sites d’essai dont celui, particulièrement important pour nous, Groix. Nous nous en réjouissions.
Mais depuis sa création, France Energies Marines, court après les financements, non pas ceux du Conseil régional de Bretagne, car nous payons rubis sur l’ongle, mais ceux fléchés dans les investissements d’avenir. Situation qui réduit considérablement son efficacité.
Autre point : 6 parcs éoliens marins sont programmés en France dont un en Bretagne dévolue à Ailes marines au large de Saint-Brieuc. On fonde beaucoup d’espoir sur ce dernier pour une logistique brestoise. Un accord aujourd’hui arrivé à échéance a même été signé.
Nous savons maintenant que les choses s’avèrent beaucoup plus difficiles que prévues. Une méconnaissance des caractéristiques géologiques du site modifie de manière importante le modèle économique et amène à une révision du matériel qui y serait implanté.
Une telle situation, après des années de concertation, d’études montre combien la gouvernance nationale mise en place pour les EMR est inadaptée et manque d’efficience.
En juin 2015 un nouvel appel à manifestation d’intérêt va voir le jour concernant l’hydrolien flottant sur Groix.  Quel en sera le contenu, quelles en seront les contraintes, quels seront les critères d’évaluation des projets ? Nous ne le savons pas et une chose est certaine en l’état de la gouvernance … l’Etat décidera.
Globalement notre région, malgré son volontarisme et les fonds investis, reste totalement dépendante de décisions nationales et n’a aucune prise sur un pan majeur de son avenir économique.

Pouvons-nous accepter cet état de fait ? Pouvons nous accepter l’extrême lenteur avec laquelle nous avançons ?
Nous ne le pensons pas et plaidons pour un partage des responsabilités avec l’ Etat en organisant une subsidiarité intelligente et ce sera l’objet du vœu que nous vous présenterons. Nous doutons hélas que jeudi, à Brest, les annonces du premier ministre concernant les EMR, aillent dans ce sens.

Pour terminer, je voudrais également revenir sur le programme 225 sur l’ESS.
Le gouvernement Ayrault avait vu la création d’un ministère délégué à l’ESS, ainsi que le vote d’une loi dédiée à ce secteur. Belle avancée ! 2015 sera une année charnière. Alors que la loi sur l’ESS se mettra en place, alors que les cadres du développement économique de la Bretagne se construisent, la région Bretagne n’a, hélas, pas l’audace d’investir dans des programme ambitieux indispensables pour faire émerger l’économie de demain dans laquelle l’ESS doit occuper une place importante. Le chemin à parcourir a été tracé dans ses grandes lignes par la Stratégie Régionale de Développement de l’ESS en 2012. Le travail effectué depuis a permis de préciser ce qu’il faut mettre en place : rattraper le déficit de structuration des réseaux d’accompagnement du développement des entreprises de l’ESS et mettre en place une démarche pro-active d’ouverture des dispositifs de financements à celle de de l’ESS.  Même si nous nous félicitions des nouveaux outils qui permettent d’améliorer le financement de l’émergence de projets, nous nous interrogeons sur les outils classiques dont ne bénéficient pas les entrepreneurs de l’ESS mais également tout simplement sur des réunions qui ne produisent pas, qui n’ont pas d’effets ou pourtant nombre d’acteurs de l’ESS s’investissent à la demande de la région. Je pense aux groupes du SRDE2I dans la définition des domaines d’innovation stratégiques. Cette énergie des acteurs de notre région au sein de ces groupes ne peut  être effectué en pure perte. Imaginons que leur investissent ne produise aucun résultat concret. Cela aurait un effet délétère et rendrait très difficile une prochaine mobilisation. Oui, il est temps de changer d’échelle, de mobiliser et d’innover pour, comme le dit le SRDE2I, agir sur « l’émergence de nouveaux modèles économiques afin de viser un modèle de développement durable, capable de (ré)-concilier performance économique, recherche du progrès social et impératif énergétique et écologique », Il reste, et ça sera mon mot de conclusion, que notre région a porté depuis 2004 une vraie politique pour l’ESS mais qu’il lui reste encore beaucoup à faire. Nous l’encouragerons en votant ce bordereau 225 comme le 212, le 220, le 241 et le 242 mais nous nous abstiendrons sur  le reste.

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