La méthanisation ne fait pas tout…

Votée il y a quelques semaines, la loi d’avenir agricole porte la volonté de développer l’agroécologie. Beaucoup reste encore à faire, tant dans le champ législatif que sur le terrain. Pour René Louail, les politiques en faveur de l’agriculture doivent s’articuler de façon plus cohérente, en mettant l’accent sur les « mesures systèmes ». En effet, la richesse et la complexité du vivant, en agriculture comme ailleurs, font que des politiques sectorielles, conduites séparément, peuvent être très contre-productives. Elles peuvent accentuer la pression foncière et provoquer des effets induits au niveau social et environnemental. Exemple : la méthanisation…

 

René Louail

 

 

 

 

Mission 2.

Progr. 231: soutenir la performance environnementale des exploitations agricoles et l’aménagement rural.

Progr. 232: Améliorer la performance des filières de production agricoles et agroalimentaires

 

M. le Président,
M. le Vice-président à l’agriculture et à l’agroalimentaire,

J’interviendrai sur les programmes 231 et 232.

Les deux années qui viennent de s’écouler ont été marquées par un véritable séisme, prévisible, au niveau agricole et alimentaire. Outre la situation internationale, l’absence de filières régionales (toutes productions confondues) et l’externalisation de plus en plus importante des centres de décisions, accentuent le considérablement phénomène de fragilité.
Votée il y a quelques semaines, la loi d’avenir agricole porte la volonté de développer l’agroécologie. Beaucoup reste encore à faire, tant dans le champ législatif que sur le terrain, mais c’est un premier pas. Nous espérons que ces nouvelles orientations trouveront leur traduction de façon audacieuse au sein des politiques régionales, pour répondre à la crise que je viens d’évoquer. Nous souhaitons notamment que les politiques en faveur de l’agriculture s’articulent de façon plus cohérente, en mettant l’accent sur les « mesures systèmes ». En effet, la richesse et la complexité du vivant, en agriculture comme ailleurs, font que des politiques sectorielles, conduites séparément, peuvent être très contre-productives. Elles peuvent accentuer la pression foncière et provoquer des effets induits au niveau social et environnemental.

En disant cela, je pense notamment à la méthanisation, que nous soutenons dans le cadre du programme 231, dont le titre est, rappelons-le : « Soutenir la performance environnementale des exploitations agricoles et l’aménagement rural ». Or pour l’instant, la méthanisation est plutôt le contre-exemple d’un développement vertueux. Ce dossier a été construit à la va-vite, avec des conséquences négatives qui sont déjà visibles.
Elle ne permet pas d’offrir un meilleur revenu aux agriculteurs. Pour preuve, le récent bilan publié par l’association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF), qui tire la sonnette d’alarme sur le manque de rentabilité réelle de la méthanisation.
Sur le plan climatique, la méthanisation n’est pas la panacée que l’on veut nous présenter. La méthanisation présente en effet l’inconvénient de transformer pratiquement la totalité de l’azote entrant dans le digesteur en ammoniac. A la sortie du digesteur, presque tout l’azote entrant se retrouve donc en solution dans la phase liquide du digestat, avec une forte tendance à se volatiliser dans l’atmosphère dès lors que cette phase liquide est exposée à l’air libre… Nombre d’experts nous alertent aujourd’hui : au lieu de les réduire, la méthanisation aggrave les émissions de gaz à effet de serre.
Pourtant, ce système engloutit d’énorme moyens financiers. Non seulement il sera éligible sur les programmes FEADER et FEDER, mais il consomme aussi une part importante du budget agricole propre de la Région. Tout ceci au profit d’une petite minorité d’agriculteurs.
Enfin, même si elle est limitée, l’extension des cultures énergétiques compromet le plan protéines végétales interrégional, et l’utilisation massive de CIPAN (cultures intermédiaires) participera à la dégradation des sols.
M. le Vice-président, le déploiement de la méthanisation agricole s’est fait de façon précipitée et à très courte-vue. Si ce système n’est pas rapidement réorienté, il risque de nous plonger dans la spirale qu’ont connu les usines de biocarburants, qui après avoir englouti des milliards, sont pour la plus part en arrêt de fonctionnement. La méthanisation, telle qu’on la développe, tourne le dos à l’agroécologie. Avez vous l’intention de réaliser, dès l’année 2015 un bilan financier, économique et écologique des usines subventionnées par la région, pour que nous puissions y voir plus clair dans les conséquences de nos choix politiques ?

Pour revenir sur le plan développement des protéines végétales, que j’ai évoqué à l’instant : ce dossier a bien évidemment tout notre soutien. Je rappelle que nous importons chaque année 2,5 millions de tonnes de soja, principalement d’Amérique du sud, pour partie contaminée aux OGM. Ce plan ne pourra réellement se mettre en place sans une réflexion sur l’avenir du développement de certaines productions animales. La multiplication des gros ateliers laitiers va plutôt favoriser l’augmentation des consommations intermédiaires. Il serai incohérent, là aussi, de ne pas mettre en adéquation la manière dont est géré le PMBE et la volonté de conduire une agriculture plus en lien avec l’optimisation des sols et des emplois.
Enfin, je terminerai sur le programme 231 en évoquant les mesures agro-environnementales et climatiques, au lendemain du sommet de Lima et à moins d’un an de celui de Paris. Page 52 du bordereau, vous nous donnez des indicateurs, sur les niveaux d’énergie économisés.  Il nous semblerai très intéressant d’étendre cette analyse en y ajoutant un autre indicateur, celui concernant l’évolution des intrants consommés en amont de l’exploitation.

Concernant le programme 232, je vais balayer rapidement ses cinq volets.
Tout d’abord, nous soutenons bien sûr le dispositif des contrat d’autonomie et de progrès dans les exploitations agricoles des lycées.
Nous saluons ensuite la volonté de conseil régional de mettre un accent particulier sur le renouvellement des générations dans l’agriculture. La situation actuelle est très préoccupante : nous installons deux fois moins d’agriculteurs qu’il y a dix ans. Pour la première fois, en 2014, nous avons atteint le triste record, celui de passer en dessous du seuil de 500 installations annuelles au niveau régional.
Plusieurs raisons à ce phénomène. La première est la difficulté à reprendre, pour des jeunes, des outils de plus en plus coûteux,. Le second étant la préférence de la profession pour l’agrandissement des exploitations existantes, plutôt que l’installation. D’où notre interrogation sur le peu de sollicitation au dispositif de portage foncier, que nous soutenons, puisque seulement 790 ha pour 58 projets ont été aidés depuis 2009.
Concernant le développement de l’agriculture biologique et herbagère, avec le doublement des crédits FEADER, nous soulignons positivement le soutien de la région. Cependant nous avons quelques interrogations sur le soutien à l’agriculture biologique dans la maquette qui est encours de finalisation. Pouvez M. le Vice Président à l’agriculture, nous donner plus de précisions sur les conséquences de la ventilations des crédits sur plusieurs dispositifs. Quelle part des investissements sont prévus sur la partie FEADER, comment seront gérés l’accompagnement des projets de transfo-vente directe et à quelle hauteur ? Avez vous l’intention de faire évoluer les planchers, très excluant à ce stade, de façon à les rendre plus attractifs ?
Nous avons même lu dans la presse ces jours derniers, des affirmations erronées et mensongères au regard du bordereau que nous avons sous les yeux « qu’il n’y en avait que pour l’agriculture biologique et les circuits courts ». La réalité est bien différentes qu’en on voit le gouffre financier que représente notre soutien à des secteurs à l’agonie dans certaines secteurs bas de gammes. La région à encore un retard dans ce domaine par rapport à certaines de ses voisines. Par ailleurs, vous évoquez la question d’un éventuel cahier des charges sur l’exclusion des OGM, alors qu’il n’y a pas d’avancées depuis 2010. S’agit il une nouvelle fois d’un effet d’annonce ?
Autre point très important, celui de l’accompagnement à la reconquête de la valeur ajoutée pour les entreprises. Dispositif ambitieux, avec une enveloppe financière non négligeable. La Région, avec son nouveau statut « d’autorité de gestion » des fonds européens aura la responsabilité de leur fléchage. Comment se fait il que ce dispositif n’ait pas été mis en débat au niveau des commissions du Conseil régional avant que nous ayons à nous prononcer sur la pertinence du dispositif ?
Enfin je terminerai sur un volet sensible, celui du PAAAB (projet agricole et agro alimentaire breton). Nous partageons votre analyse sur la difficile structuration qui nous renvoie sur l’absence de filières régionale évoquée en amont dans mes propos. La course à la production qui va commencer avec la fin des quotas laitiers ne va pas arranger la situation et risque de mettre en grande difficulté la filière bovine. Avez vous pris en compte ces éléments lorsque vous participez à financer le PMBE (plan de modernisation des bâtiments d’élevage), dont l’armature a été décidée nationalement. Quelle part d’autonomie pour la Bretagne dans ce processus qui confond modernisation nécessaire et accompagnement d’une restructuration sans précédent de l’agriculture, avec les conséquences sociales et environnementales que nous connaissons ?

Je vous remercie de votre attention.

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