Dépasser les attitudes politiciennes, engager le travail pour l’emploi

« Pour la énième fois, une affaire éclate qui jette l’opprobre sur la classe politique. A force d’outrance, c’est la démocratie elle même qui est outragée. La refonte de nos institutions est une urgence et une obligation. Cette refonte ne pourra advenir qu’avec un dépassement des petites attitudes politiciennes habituelles. Cette refonte est un impératif pour mener sereinement à l’échelle des territoires des politiques efficaces de création d’emplois. Elle est essentielle pour faire des Régions un outil fort en faveur d’un développement durable des territoires. »

Retrouver, ci-dessous, l’intégralité de l’intervention de Guy Hascoët,président du groupe EELV, en ouverture de la session du Conseil régional de Bretagne du 18 avril 2013.

Pour la énième fois, une affaire éclate qui jette l’opprobre sur  la classe politique.

En même temps que l’on découvre, estomaqués, l’aplomb avec lequel Jérôme Cahuzac a pu mentir, un ancien président de la République est mis en examen. Au moment où l’opinion désespère et en appelle à la moralisation de la vie politique, l’UMP dépose à l’Assemblée Nationale  une loi d’amnistie pour les exilés fiscaux.

A force d’outrance, c’est la démocratie elle même qui est outragée et est potentiellement menacée dans ses fondements.

Tout ceci est désastreux et au delà de l’affaire Cahuzac, c’est bien la question de nos institutions qui est posée.

La cinquième République est finissante, elle enferme notre jeu politique dans une valse à deux temps : d’une alternance à l’autre. La logique de l’hégémonie d’un parti sur un des deux camps, elle même réduite à l’hégémonie d’un clan sur ce parti, nous cloisonne dans un espace politique qui devient stérile.

Notre République favorise ainsi la course aux connivences, car pour conquérir la marge qui permet d’obtenir une majorité absolue, cela passe par des rapprochements, dans chaque domaine, avec des intérêts dominants. Au fil du temps, ce n’est plus le politique qui est moteur, mais la somme des conservatismes et des volontés des corporations et lobbys.

C’est de cette manière que l’on voit des parlementaires bretons se féliciter d’avoir négocié une ristourne sur l’écotaxe pour les grands patrons bretons de l’agro-alimentaire. Plutôt que de revendiquer une exonération, il est de la responsabilité des élus bretons de pousser l’État à engager une véritable politique de développement du fret ferroviaire et maritime pour notre région. Depuis le livre blanc de la commission Delors en 1992 où tout était décrit, rien n’a été entrepris en Europe et en France. On continue d’arroser copieusement un modèle agro-alimentaire à bout de souffle, même quand on observe que l’argent public prélevé sert des investissements au Brésil, jusqu’à aboutir à déstabiliser la filière ici, et accélérer les pertes d’emploi et les fermetures de sites.

C’est de cette façon que l’on se retrouve avec un projet de centrale gaz jugé essentiel en Finistère quand ailleurs en France, on envisage la fermeture de celles qui viennent tout juste d’être inaugurées. Au passage, on trouve normal que les actionnaires, dont certains chantres nationaux du libéralisme le plus pur, soient assurés d’une rentabilité artificielle du projet, par l’obligation faite au distributeur, de prélever pendant vingt ans, 40 millions d’euros chaque année sur le dos des usagers bretons.

C’est comme cela que l’on promeut un énième aéroport sur un territoire qui en compte déjà près de quinze, que l’on engage nos collectivités sur d’hypothétiques prévisions économiques du projet, dont la fragilité préparerait, sans nul doute, des déficits qui pèseraient demain sur les budgets de nos collectivités. Au final, les conclusions de la commission du dialogue laissent la porte grande ouverte à un abandon du projet de Notre Dame des Landes… ce qui est sans conteste désormais la voie de la raison.

J’avais, il y a quinze ans, à l’assemblée nationale avec une collègue d’alors, ouvert la discussion au sein d’un club que nous avions baptisé «  vers la sixième République ». Le diagnostic posé aujourd’hui était déjà là, mais les institutions de notre pays sont décidément douées d’inertie. En 2012, on nous annonçait enfin une grande réforme : le projet de loi sur la décentralisation, que nous discutions ici il y a quelques semaines. Celui-ci avait déjà vu ses ambitions taillées aux ciseaux et quelques jours plus tard nous apprenons qu’il sera finalement découpé en tranches, pas moins de trois, noyant ainsi les espoirs de la grande réforme décentralisatrice dans les contradictions des baronnies territoriales.

Le statu quo met le pays en danger. Il explique grandement notre décrochage en matière d’économie et d’emplois.

Et quand les uns ne semblent pas prendre la mesure de l’ampleur de la crise institutionnelle, d’autres se lancent dans un concours des populismes et des procès en illégitimités démocratiques. Si les amis de Jean Luc Mélenchon étaient ici, je leur dirai : attention aux rhétoriques sur l’épuration éthique et autres saillies sur les ministres plus soucieux de finances internationales que des intérêts du pays. Elles nous en rappellent hélas d’autres, qui n’ont jamais débouchées sur un mieux démocratique et un mieux républicain.
Quand à ceux des dirigeants de l’UMP qui reprennent de manière dangereuse, à leur compte, la sempiternelle rhétorique de l’illégitimité de la gauche quand elle a le pouvoir, attention. Ainsi, les victoires de la droite seraient naturelles, et celles de la gauche, des effractions. C’est l’aile dure de la droite qui mène désormais le jeu. Les évolutions actuelles, comme les ambiguïtés politiques délibérément entretenues par certains de vos dirigeants, ont permis que se constitue une intersection réelle entre les extrêmes droites et une frange significative de la droite républicaine. Il est temps de revenir à la raison et d’en mesurer les risques, au lieu d’en appeler à des coups de force devant les assemblées, et « au sang », s’agissant de la manifestation du 26 mai.

Aussi, une Présidente de formation responsable ne peut pas prétendre s’être laissée embarquer sur les « Champs « Elysées » par, je cite : « des jeunes gens inconnus », quand on sait que l’objectif de la première grande manifestation contre le mariage pour les couples de même sexe, à laquelle participaient les franges les plus radicales de l’extrême droite, était de déboucher du côté du palais de l’Elysée. Quand les gaz sont aspergés sur des ouvriers, des jeunes ou des écologistes, c’est une situation normale. Quand cela concerne les électeurs de droite, c’est la preuve d’un totalitarisme en marche. Nous savions, pour notre part, les gaz lacrymogènes très piquants et désagréables, nous découvrons avec Madame Boutin, leurs vertus euphorisantes. Il faut désormais que tombent les masques sur tous les bancs, que les mois qui viennent soient l’occasion de changements en profondeur de notre pays.

La refonte de notre jeu institutionnel est une urgence et une obligation. Cette refonte ne pourra advenir qu’avec un dépassement des petites attitudes politiciennes habituelles, et aussi, sans doute, par un dépassement de l’échiquier politique habituel. Cette refonte est un impératif pour mener sereinement à l’échelle des territoires des politiques efficaces de création d’emplois. Elle est essentielle pour faire des Régions un outil fort en faveur d’un développement durable des territoires.

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