Défendre la qualité de l’eau, c’est défendre les agriculteurs et l’agriculture

En session du Conseil régional de Bretagne, le groupe Europe Ecologie Les Verts a demandé le report du vote sur la charte Algues vertes de l’Horn-Guillec.

René Louail a déclaré à cette occasion que « si en 2010, lorsque le plan algues vertes se mettait en place on entendait dire « la Bretagne est malade mais elle se soigne », aujourd’hui, nous pouvons dire que la Bretagne est toujours malade, mais elle semble vouloir abandonner son traitement, pourtant déjà  léger. Certainement celui-ci est il mal adapté à ses maux et est il temps d’en changer. »

Et d’ajouter que : « La charte de lutte contre les marées vertes de l’Horn-Guillec prévoit d’atteindre un niveau de nitrates de 64mg/l, très loin du seuil nécessaire de 10mg/l pour inverser la diminution notable des algues vertes. Loin aussi des 50 mg/l seuil maximum défini par l’Europe pour la bonne qualité de l’eau. De plus, le parlmeent local de l’eau, la CLE (Commission Locale de l’Eau) n’a pas encore donné son avis. Cette charte, la plus mauvaise des huit adoptées, tire l’ensemble des actions régionales sur l’eau vers le bas. Nous préconisons ainsi la prudence afin d’éviter d’ajouter un nouveau risque à la gestion du contentieux avec l’Europe dont le coût pour la France, en cas de condamnation serait exorbitant. »

Retrouvez, ci-dessous, l’intégralité de l’intervention de René Louail pour EELV.

Deux ans après l’adoption de la stratégie régionale de lutte contre les algues vertes en Bretagne, vous nous proposez lors de cette session de valider l’engagement du huitième et dernier contrat de baie, celui de l’Horn-Guillec.

Le respect du calendrier constitue l’un des éléments à prendre en compte ; le contenu du programme en est un autre ; je me limiterai donc, avec humilité au second.

Force est de constater que la réussite d’une telle opération, dotée d’une enveloppe financière conséquente, s’appuie sur deux approches distinctes et si possible concordantes : l’une d’ordre scientifique ; l’autre sociologique, n’est pas la moindre.

La richesse des territoire bretons est bien dans la reconnaissance de leurs diversités, de leurs cultures et histoires parfois très différentes.

Dans le domaine agricole, la culture de « l’intensification » s’explique par un passé qu’il nous faut comprendre et analyser pour pouvoir l’infléchir. (pourcentage important d’une population rurale sur un territoire, rôle de l’éducation populaire : la JAC, proximité des zones portuaires, etc.)

La Loi sur l’eau du 3 janvier 1992 tourne une page importante de l’histoire puisqu’elle déclare que « l’eau fait partie du patrimoine commun de la Nation », patrimoine pour lequel l’objectif est de garantir une gestion équilibrée de ses ressources.

Ce rappel me semble important à souligner pour le territoire de l’Horn où la culture du déni sur la responsabilité des pollutions d’origines agricoles dans la prolifération des algues vertes, l’a emporté sur celle du doute, auprès de certains responsables professionnels. Pourtant l’agriculture et l’agroalimentaire, secteurs primaires de l’économie, utilisent beaucoup d’eau et sa qualité constitue un gage de garantie pour l’économie régionale dans un marché ouvert. Défendre la qualité de l’eau, c’est défendre les agriculteurs et l’agriculture.

Cette attitude est dangereuse dans une démocratie, alors que parallèlement un travail important prend corps au sein du CRESEB (Centre de Ressources et d’Expertise Scientifique sur l’Eau de Bretagne) avec les différentes composantes de la recherche sur la question de l’eau en Bretagne et qu’aucun travail scientifique ne remet en cause le lien entre les pollutions d’origines agricoles et les algues vertes.

Au vu du niveau de résistance d’une partie de la profession agricole, et ses rebelles corporatistes, sur cette zone, le contrat de baie est taillé sur mesure pour brosser ces derniers dans le sens du poil. Quelques exemples pour illustrer mes propos :

  • Sur les quatre objectifs définis par le plan stratégique en février 2011, combien répondent au cahier des charges? Dans ses avis, le CESER, dont nous reconnaissons la capacité d’expertise, qualifie cette charte, pour la première fois « comme un accord a minima ».

  • Sur la question de la confidentialité des données, à propos de laquelle nous avons manifesté considérant que, puisqu’il y a des fonds publics conséquents en jeu, la transparence doit s’imposer. Cette fois, nous sommes confrontés sur ce territoire au dossier méthanisation, dont il est fait état d’un « plan B », sans plus de détails. Pourtant, cela concerne un potentiel non négligeable dans la part de réduction de l’azote présenté par le document.

  • Rien n’apparaît sur la mise en herbe des zones humides.

  • Rien sur l’encouragement, voire l’accompagnement à des surfaces dédiées à l’agriculture durable ou biologique.

Ce contrat de baie « a minima » tire l’ensemble des actions régionales sur l’eau vers le bas.

Pouvons-nous nous permettre de prendre un tel risque compte tenu du poids des contentieux que la France doit gérer et dont les vérités peuvent éclater au grand jour dès 2013?

Rappelons que le contentieux dit « Nitrates » fait référence à deux affaires actuellement pendantes devant la Cour de justice européenne, qui concernent deux infractions pour violation d’une même Directive, à savoir la Directive 91/676/CEE concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles.

La Commission européenne reproche à la France :

  1. l’insuffisance dans la désignation de zones vulnérables de certains bassins dont celui Loire Bretagne.

  1. Le fait que les programmes français d’action dont les objectifs, tels qui y sont inscrits « visent à réduire et à prévenir la pollution par les nitrates d’origine agricole des masses d’eau de surface et souterraines situées dans les zones vulnérables » ne remplissent pas les prescriptions de la Directive.

La France reconnaît les faits. En revanche, elle conteste ceux qui lui sont reprochés sur la mauvaise application du 4ème programme d’action, avec la mise en œuvre des sept prescriptions, dont l’obligation de réglementer et limiter la fertilisation organique et minérale.

Pour en revenir à la charte qui nous concerne aujourd’hui, nous savons combien il est difficile de réorienter un paquebot lancé sur sa trajectoire ; nous savons combien l’accompagnement, notamment auprès d’experts et en particulier de la recherche publique qui travaillent depuis des décennies sur la question de l’eau comme sur l’évolution des pratiques agricoles, est précieux pour réussir ces défis. Et nous partageons l’avis de plusieurs experts :

  • Ce dossier est loin d’être abouti, la charte présentée prévoit en 2015 un niveau de nitrates de l’ordre de 64mg/l, c’est le niveau le plus élevé de ce qui nous a été présenté jusqu’ici, donc très loin du seuil nécessaire de 10mg/l pour inverser la diminution notable des algues vertes, alors que le budget alloué est très conséquent. Loin aussi des 50 mg/l seuil maximum défini par l’Europe pour l’eau destiné à la consommation humaine. C’est comme si, sur une route dont la vitesse est limité à 110 pour réduire le nombre d’accidents, on apportait des subventions aux automobilistes pour qu’ils roulent à 120.

  • Ce dossier est en outre incomplet dans la mesure où il ne recueille pas à ce jour l’avis motivé du « parlement de l’eau » qu’est la Commission locale de l’eau. Il n’est pas concevable que la parole n’est pas été donné aux acteurs du territoire.

Si en 2010, lorsque le plan algues vertes se mettait en place on entendait dire « la Bretagne est malade mais elle se soigne », nous répondions alors à l’époque que la posologie et surtout le médicament n’étaient pas les bons. Aujourd’hui, nous pouvons dire que la Bretagne est toujours malade, mais elle semble vouloir abandonner son traitement, pourtant déjà léger. Certainement celui-ci est il mal adapté à ses maux et est il temps d’en changer.

Dans ce contexte, avec une enveloppe de quatre millions d’euros, ce plan que nous discutons aujourd’hui doit porter une ambition pour engager une évolution positive dans la reconquête de la qualité de l’eau sur le territoire concerné.

Nous vous demandons donc M. le Président de différer ce dossier, non abouti, à une prochaine session lorsqu’il aura obtenu une approbation plus large. Nous préconisons ainsi la prudence afin d’éviter d’ajouter un nouveau risque à la gestion du contentieux avec l’Europe dont le coût pour la France, en cas de condamnation serait exorbitant.

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