De la nécessité de l’altérité au coeur des Assemblées

Session du Conseil régional de Bretagne des 27, 28 et 29 juin 2012
Intervention de politique générale

Guy Hascoët, président du groupe, a déclaré lors de son discours de politique générale souhaiter ouvrir de nouvelles perspectives : moderniser la vie politique par un subtil dosage entre scrutins majoritaires et reconnaissance de la nécessité de l’altérité, en introduisant à tous les niveaux, une dose de proportionnelle.

Mes chers collègues,

Nous le pressentions, nous l’espérions depuis des mois. C’est fait.

Pendant des mois de campagne,  les expressions,  « c’est une folie », « c’est irresponsable » ont semblé tenir lieu de réflexion dans la bouche de quelques leaders de la toute nouvelle opposition sur à peu près tous les sujets : de l’énergie à la santé public, du recadrage de la finance internationale, à l’évolution de nos institutions.

Certains responsables de l’UMP annoncent – enfin ! – un aggiornamento sur leurs valeurs. Il était temps. On avait fini par se demander si certains avait mesuré à quel point il avait été effectivement irresponsable de labourer les thèmes de l’extrême droite,  d’utiliser les peurs en donnant à tout fait divers une importance disproportionnée, de constamment dresser les uns contre les autres, des pans entiers de la société française pendant ces cinq longues années.

L’exemple vient toujours du haut. Quand on fait appel à ce qu’il y a de plus veule dans chaque citoyen, la réponse ne tarde pas à venir.

Nous ne boudons pas notre plaisir. La victoire est là, joyeuse et en même temps sérieuse, compte tenu de la gravité de la situation.

Et  dans l’enthousiasme légitime des vainqueurs et des victoires d’un moment, nous n’oublions pas lucidement les ombres de l’abstention, du désintérêt croissant d’une grande part de notre jeunesse pour la vie citoyenne, de la banalisation de votes dont le fondement est le rejet de l’autre,  qui planent comme autant de menaces d’orages à venir pour la République.

Et voilà que ressurgissent très légitimement, pour la énième fois les débats  sur l’iniquité d’un mécanisme électoral qui écarte 30 % du droit à la représentation un ensemble de sensibilités qui s’est exprimé, au moment même où, hypocritement ou non, nous nous étonnons de la baisse de la participation.

Ainsi se trouve posée dans l’opinion, ce qui, heureux hasard, convenons-en, figure justement dans le programme de la nouvelle majorité, notre programme commun, la perspective tout à la fois de moderniser cette approche,  par un subtil dosage entre scrutins majoritaires et reconnaissance de la nécessité de l’altérité, en introduisant à tous les niveaux, une dose de proportionnelle.

Mais plus qu’un problème de comptage et de représentation, la question de la prise en compte de l’altérité en  soulève une autre. Celle des mécanismes de représentation partout, y compris dans nos territoires, qui permettraient, grâce à l’altérité,  de mieux capter les pulsations de la société, de mieux épouser et rapidement si possible,  les changements nécessaires. Comment accoucher d’une France moderne, forte parce que capable d’être changeante ?

Cette France moderne, plurielle dans ses sensibilités mais aussi dans ces compétences et légitimités  territoriales,  nous l’espérons, nous la considérons comme vitale pour le redressement et l’avenir de ce pays.

Quand les hégémonies, pas seulement politiques, mais aussi économiques, corporatistes, sont consacrées, elles constituent un facteur puissant d’empêchement, de conservation des intérêts déjà en place.

Nous devons créer les conditions du mouvement et de la fluidité.

Ce dossier vous est confié madame la Ministre,  et sachez que nous y sommes très attentifs. Nous vous souhaitons plein succès dans une entreprise qui ne trouvera sons sens,  que par le degré d’audace et de rupture qu’on aura su y introduire, quitte à devoir recourir au peuple pour contourner les conservatismes d’une classe politique installée.

Il faut tout simplement faire de la France des empêchements, une France des possibles.

ET ce débat nous oblige à tourner le dos à de mauvaises habitudes ou de mauvaises postures,  pour les uns comme  pour les autres, chacun pouvant être  parfois tour à tour, les deux :

D’abord au réflexe d’hégémonie. Je suis le plus fort, donc je prends tout.

Or, Il n’y a pas de différence entre la société politique et la société réelle. Soit on laboure la concorde, soit on cultive de différentes manières, le rejet de l’autre !

Il est à l’évidence une contradiction des termes qu’il va bien falloir résoudre. La consécration de l’altérité, invite à tourner le dos de manière définitive à l’esprit d’hégémonie.

Il n’y aurait demain, pour le bien de la République, de notre démocratie, de la vitalité du pays et de ses territoires, que des assemblées, vouées par la reconnaissance des qualités de l’autre, à fonder des majorités d’idées et de projets.

Ceci s’impose aux composantes couvrant l’arc de l’altérité, qui doivent en déduire  la nouvelle responsabilité qui leur incombe.

ET nous appartenons, Monsieur le Président, à cette altérité.

Si l’hégémonie cède la place à des majorités composites, dans lequel personne ne peut seul décider de tout, chacun doit envisager de hisser son niveau de jeu,  pour entrer dans les nouveaux habits de composante de majorité démocratique, capable d’en assumer les contraintes.

Mes chers collègues, malgré des péripéties anciennes et même hélas plus récentes, vous le voyez, nous tentons de tirer les enseignements de l’avènement de cette ère nouvelle que nous voulons transcrire dans la loi comme dans nos vies politiques et citoyennes.

Nous considérons que cette ère nouvelle doit appeler des comportements nouveaux, pour consolider en soit le droit à l’altérité, pour nous prémunir, tous ici, sur tous les bancs de cette assemblée, des orages démocratiques à venir.

Nous avons ouvert ensemble au plan national la perspective de grands chantiers de réformes. Nous devons et nous pouvons travailler à leur déclinaison en Région Bretagne. Ceci concerne de nombreux sujets, mais d’ores et déjà, nous pourrions transcrire dans une grande ambition bretonne :

  • Une politique agricole synonyme de défense de l’emploi agricole, de qualité productive et alimentaire, de prise en charge des grandes questions environnementales qui y sont liées.

  • un pacte breton énergétique conforme aux engagements du Président de la République.

  • La mise en place des programmes ouvrant sur une construction de qualité et la réhabilitation massive de notre parc d’habitations.

J’ai eu l’occasion de dire lors de l’émission de France Culture diffusée récemment depuis Rennes, me projetant au-delà de ce qui n’était alors qu’une alternance probable, que les amis que l’on n’a pas dans les temps faciles, on les a encore moins dans les temps difficiles.

Les temps sont aujourd’hui faciles, mais pour combien de temps ?

Il vous appartient, collectivement, de vous saisir de cette question. Pour notre part, nous entamerons cette réflexion dès demain.

Mes chers collègues, Monsieur le Président, je vous remercie de votre écoute attentive.

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