Créer les condition d’un avenir désirable pour la jeunesse en Bretagne

« Les jeunes crèvent la gueule ouverte, vous croyez qu’ils vont rester là et construire une vie ? » disait dépité un salarié de Marine Harvest à Poullaouen au journal Libération cette semaine. Où travailleront-ils ? C’est à nous de créer pour eux les conditions d’un avenir désirable pour la jeunesse en Bretagne.

Retrouvez l’intégralité de l’intervention de Yannik Bigouin pour EELV, sur la charte d’engagement pour la jeunesse en Bretagne.

Vous nous proposez d’adopter le bilan et l’actualisation de la Charte d’engagement pour les jeunes en Bretagne. Ce Conseil régional a souhaité faire de la jeunesse une priorité avec une première vice-présidente dédiée à ce titre.

Ce document est une vraie liste à la Prévert touchant l’accès au logement, aux savoirs, aux déplacements, aux sports… Si il y a des éléments vraiment intéressants, d’autres, plus surprenants seraient à revoir, sur la forme et le fond.

Quelques remarques, d’abord, sur la forme. Nous percevons un déséquilibre dans sa présentation. Des parties relèvent de l’ordre du vœu plus que de l’action publique comme, je cite : « la région, au sein du comité de coordination régionale, souhaite aboutir à une feuille de route prenant en compte l’ensemble des problématiques relatives aux décrochages scolaires et en formation, aux ruptures en apprentissage, à l’horizon 2015 ». Très bien, mais comment cela va se passer de manière opérationnelle ?

A contrario, d’autres actions sont réellement concrètes et très détaillés,  comme l’expérimentation qui a eu lieu à la rentrée 2013, au Lycée professionnel Marie Le Franc d’un parcours sur la connaissance de l’ESS, le financement de 30 places en école de Masso Kiné ou celui des points accueil jeunes pour un suivi de la santé des jeunes Bretons.

Sur le fond, selon nous, il manque trois éléments fondamentaux dans ce dossier :

– Premièrement la compréhension des coûts de cette politique jeunesse. Même si elle est transversale et traverse lesschémas régionaux de l’enseignement, de la formation, de la santé, du logement, une estimation budgétaire de chacune des actions nous semble importante. Il manque d’ailleurs un élément important : un plan d’urgence immobilier pour les universités face au délabrement des locaux, ce ne serait pas un luxe !

– Deuxièmement, le calendrier de mise en place de ces engagements, ainsi que les critères d’évaluation quantitatifs et qualitatifs manquent étonnamment alors qu’ils sont présents dans la majorité des bordereaux présentés ici par vos collègues. Elles nous sont proposées comme ça, un peu en vrac, sans le souci de savoir comment cela va être évalué.

– Dernièrement, et c’est sous forme de questions que je souhaiterai vous interpeller, cher-e-s collègues, c’est la question que nous pourrions creuser ensemble, celle du fondement de cette politique. Que voulons nous, tous ici présents ? Que les jeunes Bretons soient bien dans leurs baskets en Bretagne et qu’ils puissent y rester pour y travailler et s’y impliquer. Tout simplement ! Alors que nous réfléchissons à la Bretagne de 2030 et que les enfants qui naissent en Bretagne aujourd’hui auront 17 ans en 2030, que sera la Bretagne pour eux ? Un grand Ouest, territoire-musée folklorisé ? Une zone en perdition avec des friches industrielles ? « Les jeunes crèvent la gueule ouverte, vous croyez qu’ils vont rester là et construire une vie ? » disait dépité un salarié de Marine Harvest à Poullaouen au journal Libération cette semaine. Où travailleront-ils ? C’est à nous de créer pour eux les conditions d’un avenir désirable en Bretagne.

Souvenez-vous le « A chacun, l’âge venu, la découverte ou l’ignorance  ? » de Morvan Lebesque en 1968 dans son célèbre « Comment peut-on être Breton ? ». Et bien elles manquent terriblement dans ce document les réponses à cette question essentielle. Le conseil culturel l’a d’ailleurs bien relevé dans son appréciation votée à l’unanimité : le deuxième volet de l’engagement « associer des jeunes aux projets de connaissance de la Bretagne » n’est pas vraiment évoqué alors qu’il est riche de potentialités nous disent-ils.

Je suis, en effet, toujours stupéfait de l’ignorance des jeunes, de la méconnaissance de ses institutions, de son identité, de son économie, de ses langues,… Il manque, cher-e-s collègues, une politique publique pour transmettre les richesses de la Bretagne. Nous soutenons bien des animateurs qui sillonnent les lycées pour expliquer l’union européenne et un concours « l’Europe et vous » vient d’être lancé pour la seconde fois par nos services dans les lycées. Pourquoi ne pas le faire pour la Bretagne ?

Enfin, et nous l’avions souligné dans sa première version, ce document manque sensiblement de souffle. Manque de souffle de l’éducation populaire qui donne du sens aux engagements à travers les réseaux du MRJC (ou de la JAC et de la JOC pour les plus anciens d’entre nous), du scoutisme, des Cemea ou des foyers ruraux. Beaucoup d’entre nous, dans cette assemblée, sont passés par ces mouvements qui ont formés des hommes et des femmes engagés. Pourtan, il manque une vraie politique publique régionale pour donner aux jeunes les moyens de prendre en main leur vie,de s’engager pour leurs territoire. Je ne prendrais qu’un exemple, celui des Coopératives Jeunesse de Services inventés au Québec, qui ont été expérimentées avant l’été à Rennes et à Quimper. Cet outil innovant permet à des mineurs et des jeunes majeurs de travailler en proposant des services à la population du territoire, de prendre des décisions collectivement, de définir une stratégie de commercialisation, de décider de l’affectation des résultats … C’est un événement important. Je ne l’ai pas retrouvé dans les actions contenues dans ce bordereau. Il mérite pourtant d’essaimer plus d’éléments sur l’implication de la jeunesse dans l’entrepreneuriat, l’engagement associatif, coopératif ou mutualiste aurait été pertinent alors que dans quelques jours, le 27 Octobre à Rennes, nombre d’entre eux viendront témoigner lors de la grande journée régionale Innov’deiz sur l’innovation sociale. Quoi de plus important que de forger l’espoir en donnant le goût d’innover et d’entreprendre aux jeunes Bretons afin qu’ils construisent leurs vies et restent dans une Bretagne solidaire, créative et responsable si cela vous rappelle quelque chose. Celle qu’ils légueront à leurs propre enfants.

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