Energie et climat, un nouveau souffle pour la Bretagne
A l’heure du pétrole cher, du changement climatique, de la raréfaction des énergies fossiles, construire la transition énergétique se fait chaque jour plus urgente. C’est tout l’enjeux de l’adoption du Schéma régional Climat Air Energie, élaboré conjointement par l’Etat et la Région, et qui doit être adopté en ce mois d’octobre 2013.
Si certaines orientations, en matière d’énergies renouvelables, par exemple, sont cohérentes, le document proposé ne parvient pas à engager une véritable transition. Pire, il abandonne l’objectif de division par quatre des émissions de gaz à effet de serre en 2050, engagement pourtant pris par le gouvernement français et réaffirmé par le président Hollande. Pour palier à ces manques, les écologistes ont donc décidé de proposer leurs solutions pour relever le défi climatique et énergétique.
Retrouvez ci-dessous l’intégralité de l’intervention d’Anne-Marie Boudou pour EELV à propos du Schéma Régional Climat Air Energie.
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Vous nous présentez pour approbation la version définitive du Schéma Régional Climat Air Energie (SRCAE). Nous voulons en premier lieu féliciter les différents services pour ce travail conséquent. Nous remercions aussi tous les acteurs bretons, qui ont participé à la consultation publique et apporté leurs contributions.
Ce scénario volontariste comporte certaines orientations intéressantes. Mais toutes ne sont pas satisfaisantes, car l’Etat et la Région n’ont pas choisi de rompre avec des modèles économiques et des systèmes de production incompatibles avec la transition énergétique Vous écrivez l’avoir élaboré, je cite : « selon des hypothèses réalistes et n’impliquant pas de ruptures propres à déstabiliser notre structure sociale et économique régionale ». Mais la Bretagne est déjà déstabilisée.
Nous ne pouvons pas éviter ces ruptures. Il nous faut donc les envisager dès maintenant.
La France se situe au tournant historique de la transition énergétique et la Bretagne doit y prendre toute sa part.
Sur ce deuxième volet, le schéma breton que vous nous proposez vise une réduction de 60% de notre consommation d’énergie finale en 2050.
Cette première urgence vient d’être confirmée dans le 5ème rapport du GIEC : le changement climatique est réel, il se produit à un rythme alarmant et le lien entre activités humaines est établi. Ainsi, si rien n’est fait, la température moyenne de la Terre pourrait augmenter de 4,8°C en 2100, quand le niveau des océans montera de 82 cm dans le même temps.
En Bretagne, avec nos 2 700 kilomètres de littoral, nous sommes directement concernés par l’exposition accrue des personnes et des biens économiques aux risques des catastrophes.
La deuxième urgence est de sortir du nucléaire d’ici 20 ans et non de construire un EPR qui engloutit des milliards. Le nucléaire nous montre régulièrement l’ampleur des dangers qu’il fait courir à la population à long terme et l’incapacité des entreprises à assumer leurs conséquences.. L’accident de Fukushima en est la preuve quotidienne pour de nombreuses années.
La troisième urgence est d’anticiper la réduction progressive de notre dépendance aux ressources énergétiques non renouvelables. En effet, après plus d’un siècle d’augmentation progressive de la production et de la consommation de pétrole, la plupart des experts, admettent que le pic de production mondiale a été atteint. La croissance de la consommation, accentuée par celle des pays émergents et par l’augmentation de la population, fait que le monde continue de consommer plus de pétrole qu’il n’en découvre.
Même si le schéma contient de bonnes orientations, il ne prend pas toute la mesure de ces trois urgences. Plusieurs de vos décisions politiques manquent de cohérence avec vos propositions :
1- le projet de construction de la centrale à cycle combiné gaz à Landivisiau de 420 MW est inadapté et surdimensionné. Ceci d’autant plus que Direct Energie-Siemens touchera 40 millions d’euros pendant 20 ans somme qui serait beaucoup plus utile pour soutenir la rénovation des logements.
2- votre persistance à soutenir le projet d’aéroport à Notre Dame des Landes, alors que celui de Nantes atlantique pourrait suffire. Car même si le projet se situe en dehors de la Bretagne administrative, il l’impactera de toute manière.
3- les moyens et la volonté politique manquent pour continuer l’essor des infrastructures pour les déplacements du quotidien. En 2012 a été actée la fermeture des lignes ferroviaires Vitré/Fougères et Concarneau/Rosporden. L’axe Saint Brieuc/Auray n’est toujours pas relié. La section Brest/Quimper est encore à une seule voie et se sont donc principalement des bus qui assurent la liaison, allongeant le temps de trajet de façon dissuasive. Quant à l’axe Rennes/Nantes, il est peu efficace.
4- le potentiel de cabotage maritime n’est pas non plus sérieusement étudié.
5- le modèle agricole breton n’est pas remis en cause. Sur les cultures énergétiques, l’objectif affiché de mobilisation de 80 000 hectares, soit 5% de la SAU, alors que la terre doit prioritairement servir à l’alimentation. C’est donc le secteur auquel il est demandé le moins d’effort, alors qu’il est le premier émetteur.
6- en ce qui concerne l’hydrolien et l’hydroélectricité, le potentiel est sous évalué.
7- le stockage est peu abordé. Il est indispensable pour optimiser leur production et pour sécuriser l’approvisionnement électrique.
8- le Plan bâtiment durable breton est entré dans une phase de réflexion. Mais la démarche est lente, les grandes orientations de la région peu claires et la filière éco-matériaux trop négligées.
Etant donné le nombre de points de désaccord et la vision globale de nos propositions, il était très difficile de rédiger une série d’amendements à votre schéma.
Nous avons donc élaboré un schéma alternatif que nous osons présenter sous forme d’un amendement unique. Il expose nos prospectives et nos solutions aux horizons 2020 et 2050.
Ce document s’appuie sur 4 grandes orientations d’ici 2050 :
– respecter le facteur 4, grâce à un plan de réhabilitation massif des logements, une politique de transports qui crée des alternatives à la route, une métamorphose du modèle agricole breton..
– 0% d’énergies fossiles et nucléaire. La Bretagne doit prendre toute sa part pour sortir du nucléaire en s’engageant vers le 100% énergies renouvelables.
– moins 60% de consommation d’énergie. La Bretagne doit produire l’énergie qu’elle consomme.Nous proposons un plan ambitieux d’isolation et de rénovation du bâti, un aménagement équilibré du territoire, une économie plus locale et une politique de déplacements qui crée des alternatives à la route.
– multiplier par 8 la production d’énergie renouvelable : la Bretagne dispose d’importante ressources naturelles et renouvelables pour développer un bouquet énergétique à même de satisfaire les besoins régionaux.
J’aborderai rapidement trois de nos propositions concernant le logement, le transport et l’agriculture.
1- Nous proposons un plan de réhabilitation des bâtiments avec des actions ciblées et dans un premier temps, prioritairement sur le bâti le plus énergivore.
Pour les logements, nous visons 50 000 réhabilitations par an, qui est la déclinaison régionale de l’objectif national d’un million/an. Et Nous prévoyons une réduction des consommations de -25% en 2020 et de -80% en 2050.
2- Les transports représentent 25% des émissions bretonnes de GES avec un fret qui circule à 95% par la route, dont plus du tiers est lié à l’agroalimentaire. Il est donc urgent de développer les alternatives à la voiture et aux poids lourds et d’engager un nouveau schéma ferroviaire. La priorité doit désormais être donnée aux besoins quotidiens. Si BGV 1 fait la part belle à la liaison avec Paris, pour nous, BGV 2 doit allier rapidité, optimisation des lignes régionales et développement du fret ferroviaire.
3- Quant à l’agriculture bretonne, elle doit prendre toute sa part dans l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre puisqu’elle en produit 40%. Elle doit participer à la division par quatre des gaz à effet de serre d’ici 2050. Il nous faut accompagner la mutation de l’agriculture bretonne d’un modèle intensif, pauvre en emplois et destructeur de la vie rurale vers une agriculture paysanne dont les pratiques sont respectueuses de l’Homme et de son environnement. L’autonomie alimentaire des élevages, grâce à l’indépendance fourragère et des cultures de protéines qui viendront remplacer l’importation du soja souvent OGM, est indispensables à la transition énergétique.
Cependant, l’évolution de l’agriculture régionale sera le résultat, pour partie, des décisions qui se prennent en ce moment :
– Sur la déclinaison de la PAC, car au niveau national, les annonces faites par le Président de la République à Cournon ne sont pas acceptables en l’état.
– Les marges de manœuvre laissées aux régions dans la gestion du FEADER, même si rien n’est encore définitif, restent très préoccupantes pour le soutien à la diversification de l’agriculture.
– Le laxisme annoncé par Stéphane Le Foll concernant les élevages soumis aux installations classées, qui se situe à contre sens du développement durable et de l’agroécologie, annoncée par lui-même.
– Et la loi d’avenir agricole dont nous prenons connaissance des premiers textes.
En complément du déploiement des énergies renouvelables, trouver les formes de stockage adaptées à notre territoire est un maillon essentiel allié au développement des réseaux intelligents.
Les recherches techniques liées à l’utilisation de l’hydrogène ou méthanation constituent une solution prometteuse.
Le modèle énergétique de demain devra chercher la proximité entre le lieu de production et de consommation par la mise en œuvre de boucles énergétiques locales et l’implication citoyenne par la participation des habitants aux financements de projets d’installation d’énergie renouvelables.
Enfin, nous voulons rappeler que la transition énergétique n’est pas un luxe pour riches, mais qu’elle est inévitable pour ceux qui acceptent de prendre leurs responsabilités. De plus, elle est rentable car elle crée de nouveaux emplois et réduit le coût des importations d’énergies. Les nouvelles filières énergétiques sont une opportunité pour convertir les industries en crise en filières d’avenir et créer des milliers d’emplois. Pour y parvenir, nous voulons un plan de transition industrielle afin d’accompagner les salariés vers ces nouveaux métiers.