Algues vertes : un verre à moitié plein
Session du Conseil régional de Bretagne du 11 octobre 2012
Plan algues vertes – baie de Douarnenez et Locquirec
Anne-Marie Boudou pour EELV
Chaque année, le phénomène des marées vertes se fait plus ou moins visible. Les chartes de territoire algues vertes se succèdent tout autant et sont de la même manière très inégales. Le projet pour l’Anse du Locquirec est jugé plutôt positivement, ce qui est loin d’être le cas pour celui de la baie de Douarnenez. Il y a néanmoins une constance pour l’ensemble des chartes algues vertes engagées jusque là : leurs objectifs trop timides ne permettent pas une résorption des marées vertes dans les années à venir.
A chaque automne vient le bilan des marées vertes de l’été. Cette année, on respire un peu. Les marées vertes n’ont pas submergé les plages et la Bretagne a été épargnée par les feux médiatiques. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Les raisons : un été peu ensoleillé et des températures relativement basses par rapport aux moyennes saisonnières. Une pensée donc tout d’abord pour les professionnels du tourisme qui se retrouvent aujourd’hui ballotés entre un temps estival maussade mais sans algues vertes et un été radieux mais des plages impraticables. Dans les deux cas, la qualité de la saison touristique n’est pas garantie. Si nous ne pouvons agir sur la pluviométrie bretonne, la disparition des marées vertes, elle, est bien le fait d’une volonté politique.
Chaque année, le phénomène des marées vertes se fait plus ou moins visible. Les chartes de territoire algues vertes se succèdent tout autant et sont de la même manière très inégales. En février 2011, la charte de baie de Saint-Brieuc avait reçu un avis négatif du Comité scientifique quand celle de Plestin était jugé positive. Il en va de même pour les deux chartes qui nous sont présentées aujourd’hui. Le projet pour l’Anse du Locquirec est jugé plutôt positivement, ce qui est loin d’être le cas pour celui de la baie de Douarnenez. Il y a néanmoins une constance pour l’ensemble des chartes algues vertes engagées jusque là : leurs objectifs trop timides ne permettent pas une résorption des marées vertes dans les années à venir.
Seul un changement profond des pratiques agricoles peut permettre d’enrayer les pollutions liées au rejet d’azote. Les chartes algues vertes doivent donc avoir pour objectif essentiel d’accompagner, avec les agriculteurs, une transformation du modèle agricole breton. Le comité scientifique ne cesse à chacun de ces avis de réaffirmer cette nécessité et c’est au regard de cet objectif que nous jugeons de la pertinence de chacun des plans.
Nous notons ainsi avec satisfaction des avancées sur le projet de l’anse de Locquirec et nous saluons fortement le travail des acteurs qui ont participé à son élaboration. L’engagement des élus, des acteurs agricoles est significatif et les associations l’ont souligné en donnant un avis favorable. Un travail positif donc mais qui demeure néanmoins encore insuffisant. Nous faisons nôtre, l’avis du comité scientifique qui note que les actions du plan « visent à améliorer les pratiques dans les systèmes de production en place », mais « s’abstiennent de toute remise en cause drastique de ces systèmes ». Par conséquent « il n’est pas certain que les objectifs du plan puissent être atteints ».
De plus, une approche globale serait nécessaire sur ce bassin versant car les problèmes d’érosion, de part la nature des sols, entrainent une importante concentration bactérienne principalement animale et accentuent le transfert des nitrates.
Le projet de la baie de Douarnenez est d’une tout autre nature. En premier lieu, notons que sur ce territoire, où l’agriculture écologiquement intensive est mise en oeuvre, le diagnostic montre clairement que ce système de production n’est absolument pas écologique.
Quant à la charte, elle est certainement la plus mauvaise qui ait été présenté jusqu’à présent. Non seulement elle contient une prise en compte anecdotique de la conversion en agriculture biologique mais elle fait dans le même temps la part belle à la méthanisation au détriment de la transformation des pratiques agricoles. Nous allons malheureusement devoir nous répéter : la méthanisation ne permet pas de réduire les fuites d’azote. Comme l’a dit à plusieurs reprises le comité scientifique, « elle n’est pas une solution à envisager ». Tout financement de méthaniseur dans le cadre du plan algues vertes relève donc d’un détournement des fonds publics à d’autres fins que celles pour lesquelles ils ont été alloués.
Pire encore, la charte de la baie de Douarnenez prévoit purement et simplement d’exporter les déchets azotés en dehors du bassin versant. Cette mesure est inacceptable. Elle relève d’un autre temps.
Il est un autre élément, commun aux deux chartes, que nous ne pouvons approuver : un seul et même acteur de territoire, la Chambre d’agriculture, assure à la fois le diagnostic, la mise en œuvre et l’évaluation des plans d’action, même si pour l’Anse de Locquirec cette omniprésence est exprimé de façon plus édulcorée… Elle est donc juge et parti. Là aussi pourtant le Comité scientifique a rappelé que pour obtenir des résultats, l’indépendance des structures d’accompagnement est primordial. Cette toute puissance de la chambre d’agriculture et de la FNSEA est contradictoire avec les orientations de la Nouvelle Alliance votée au sein de cet hémicycle et qui reconnaît la pluralité des acteurs de l’agriculture en Bretagne.
Aussi, l’attitude et les propos des représentants de la chambre d’agriculture du Finistère ne peuvent que nous inquiéter. Rappelons que le modèle breton est largement à l’origine de la pollution des eaux ; qu’il représente 40% des rejets de gaz à effet de serre en Bretagne, loin devant les transports ou le logement ; que sur ces 40%, 90% sont d’origines non énergétiques et donc issus de la concentration des élevages et des intrants agricoles ; que la concentration des exploitations est à l’origine de pertes d’emplois massives équivalentes en sept ans au plan social de PSA au niveau national ; c’est à ceux qui défendent le maintien du modèle actuel qu’est confié le soin de le modifier.
C’est à ceux qui n’ont de cesse de diviser, d’opposer défenseurs de l’environnement et agriculteurs en dénonçant systématiquement la « surenchère environnementale » que feraient subir les premiers au seconds, qu’est confiée la mission d’agir pour une agriculture plus respectueuse de l’environnement.
C’est en faisant de l’agriculture un pilier de la protection de l’environnement que nous donnerons un nouveau souffle au modèle breton. Nous ne sommes pas sûrs que la chambre d’agriculture soit l’acteur le mieux à même de conduire les transformations qui s’imposent.
La question de la gouvernance des plans algues vertes est donc fondamentale pour parvenir à des résultats rapides. Nous souhaitons rappeler ici notre volonté, que nous savons partagée, que la Région Bretagne dispose de la compétence « eau » pour lui permettre d’assurer pleinement les actions de lutte contre les pollutions. L’inertie et les contradictions de l’État dans ce domaine légitime pleinement la Région Bretagne comme acteur de la reconquête de la qualité de l’eau.
En décidant de maintenir le décret « nitrate » du 10 octobre 2011 relatif aux programmes d’action à mettre en œuvre dans les zones vulnérables à la pollution par les nitrates d’origine agricole, le ministre de l’Agriculture provoque à juste titre l’incompréhension, tant des acteurs associatifs de l’environnement, des organisations paysannes que des collectivités bretonnes qui s’accordent à dénoncer un recul « sans précédent » de l’action publique dans la lutte contre les marées vertes. La Conférence environnementale organisée par la ministre de l’Ecologie semblait tracer une autre voie. Pour La Bretagne, il faut abroger ce décret. Il ne saurait y avoir contradiction entre les paroles d’hier et les actes d’aujourd’hui.
Deux industriels, dont Olmix, semblent quant à eux s’accommoder totalement des marées vertes et espèrent profiter de ce filon pour développer des filières de production d’emballages et de nourriture pour les poissons d’Asie. Il faudrait donc accepter la prolifération des algues pour nourrir l’Asie, c’est un non-sens écologique total ! Ces industriels vantent la création de 250 emplois, mais au détriment de combien d’autres perdus dans les activités touristiques, maritimes ou agricoles ?
Il ne faudrait pas non plus oublier la dangerosité des émanations toxiques des algues quand elle s’accumule, d’autant qu’il n’y a toujours pas de réglementation sur le transport, le stockage et la manipulation de ces dernières et que la responsabilité des maires peut être engagée en cas de problème.
C’est l’équilibre biologique du milieu qu’il faut viser, non la prolifération des algues vertes.
Pour conclure :
Nous soulignons très positivement l’implication des acteurs de la charte de Locquirec et en particulier des porteurs du projet : le syndicat mixte du Trégor et la CLE du SAGE du Léon-Trégor. Malgré des avancées notables, l’omni-présence de la chambre d’agriculture nous inquiète et nous amène à douter de la concrétisation des bonnes intentions affichées. Pour cette raison, nous nous abstiendrons.
En ce qui concerne le plan de baie de Douarnenez, il est d’une autre nature et n’est pas acceptable en l’état. Comme l’ont déjà fait les associations, nous votons contre.