A qui servent vraiment les fonds des « plans algues vertes » ?
« Dans son avis négatif sur le « plan algues vertes » de l’Anse de Guissény, le Conseil scientifique dénonce l’utilisation de certains investissements à d’autres fins que la lutte contre les marées vertes. Comment pourrions nous dès lors approuver un tel plan? Les financements publics doivent aller à l’aide aux pratiques agricoles vertueuses, par des mesures agronomiques et systèmes adaptés.
A l’heure où les agriculteurs connaissent de grandes difficultés, l’accompagnement de ceux qui s’engagent vers des productions de qualité est nécessaire. Malheureusement, l’argent continue à aller vers l’agriculture du passé et d’exposer nos collectivités et l’état à de lourdes sanctions pénales de Bruxelles. Ces plans sont les plans de l’agroalimentaire, ils ne défendent pas l’intérêt des agriculteurs. »
Retrouvez l’intégralité de l’intervention de Yannik Bigouin, au nom d’EELV, à propos du « plan algues vertes » de l’Anse de Guissény.
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Commençons par le positif : le bon côté de ce ce plan Algues Vertes est que son élaboration a permis de mettre des acteurs divers et variés en discussion autour de la même table, avec un objectif fixé sur la réduction de nitrates provenant des excédents agricoles, ce qui était loin d’être gagné d’avance.
A la sortie les objectifs sont encore une fois décevants pour ne pas dire inacceptables. Alors que chaque été nous craignons pour la santé des plagistes, ou dans une moindre mesure pour la qualité de la saison touristique, du fait de la prolifération des algues vertes, les objectifs du plan de baie de l’Anse de Guissény ne prévoit une disparition du phénomène des marées vertes qu’en 2027 soit dans 15 ans.
Les efforts se concentrent sur des ajustements de pratiques agricoles plutôt que sur des changements de systèmes indispensables pour viser le plus rapidement possible l’éradication des marées vertes. Ce programme devrait engager des actions pour réduire la prolifération des algues vertes et non chercher à optimiser les pratiques intensives à l’origine du problème. L’objectif de réduction du taux de nitrates de 5mg/l est insuffisant aux dires même du Comité scientifique.
Dès lors le budget de 10 millions apparaît mal utilisé. Pire, il est employé à d’autres fins que la résorption de la prolifération des algues. En effet, et je cite l’avis du Comité scientifique, « si 9,9 millions d’euros sont nécessaires pour « seulement » abaisser de 5 mg de nitrate par litre les concentrations, cela représente un ratio coût/efficacité très peu performant ». Cela fais cher du milligramme. De même, toujours selon le Comité scientifique, « le tableau récapitulatif des éléments budgétaires fait ressortir qu’une part des investissements, comme le stockage des effluents bovins ou leur résorption, sont motivés par la nécessité de se mettre en conformité avec la réglementation. Or, et bien que la mise en œuvre de ces investissements soit sans nul doute souhaitable, il semble clair qu’elle ne saurait relever des attributions d’un plan de lutte contre les algues vertes. ». Comment dès lors qualifier ces méthodes d’utilisation de l’argent publique? Comment, en tant qu’élus responsables, animés par le souci de l’éthique et de la bonne utilisation des fonds publics, pourrions nous approuver un tel plan?
Les financements publics doivent aller à l’aide aux pratiques agricoles vertueuses : systèmes herbagers, ou encore conversion et installation en agriculture biologique, bien trop faible dans ce plan. En effet, même si l’implication du territoire dans le projet de développement d’une production laitière biologique est significative, seuls 500 000 euros vont à ces pratiques agricoles. Les agriculteurs, de plus en plus nombreux, qui consentent à des changements de pratiques, et parfois à des baisses de rendement, doivent être encouragés par des mesures compensatoires et par un accompagnement de la collectivité.
Par ailleurs, je voudrais faire une dernière remarque propre au territoire de Guissény : la pratique qui consiste à faire ramasser les algues vertes avec des tonnes de sable contribue à fragiliser le trait côte, dans un secteur poldérisé au XIX ème siècle, et aujourd’hui classé en zone submersible.
Au vu des trop faibles objectifs de ce plan, et surtout au vu de ce qui nous apparaît être une utilisation non conforme de l’argent publique telle que dénoncé par le Comité scientifique et reconnue par les acteurs du plan eux-mêmes, nous votons contre ce plan algues vertes.