La violence s’exerce en CORSE dans bien des domaines : à l’intérieur de la famille,
au travail, comme dans la vie politique. Or, depuis quelques années, le mal se
développe dans le monde obscur et sanglant du milieu corse, celui des « voyous »
qui agissent en bandes organisées, selon le terme consacré. Les meurtres
succèdent aux meurtres et tous ces crimes, en nombre croissant, ne manquent pas
de troubler l’ensemble d’une société de proximité où il est inévitable de se côtoyer et
de nouer des liens personnels qui ne sont pas toujours dictés par la morale courante,
mais par les hasards des parentés et des relations familiales.
Pour caractériser la forme de criminalité propre à notre île, on emploie souvent, à
tort, le terme de mafia. Nous ne l’utiliserons pas ici, car l’expression s’applique
essentiellement aux puissantes organisations criminelles italiennes, Cosa nostra en
Sicile, la Camorra à Naples ou la N’dranghetta en Calabre. Ces entreprises
internationales du crime sont organisées de manière hiérarchique et très centralisée.
Elles ont une longue histoire, au cours de laquelle l’Etat italien, lui-même, s’est
souvent trouvé mis en difficulté.
En Corse, il existe assurément des bandes appartenant au milieu. Selon les
circonstances, leurs membres se combattent avec violence. D’où un nombre
important de règlements de compte, attisés depuis quelques années par de
nouvelles perspectives locales fructueuses.
Il est donc temps de s’engager dans la lutte contre ce fléau du banditisme qui, si l’on
restait inactif, se développerait encore davantage et pourrait exercer une attraction
délétère sur la jeunesse, particulièrement sur les plus pauvres, sur les chômeurs et
sur les moins éduqués.
Tout au long de l’étude que nous présentons ici, c’est à cette cible de personnes
fragiles que nous avons surtout pensé, afin d’éviter que de nombreux jeunes gens
versent dans la délinquance. Le banditisme doit, par conséquent, devenir un des
axes majeurs de la politique locale.
Le travail qui suit provient des réflexions que nous avons menées au cours de
nombreuses réunions étalées sur un an, de l’été 2010 à l’été 2011. Nous avons
travaillé en nous aidant d’une méthode qualitative inspirée de la systémique et qui a
déjà été utilisée au cours des études menées contre la précarité, notamment à la
CTC.
Commençons par étudier les causes du mal, avant de proposer des remèdes.
Section I – Les causes du mal.
Les mythes concernant la violence endémique des corses subsistent. Mais il s’agit
généralement de clichés qui n’intéressent qu’une littérature superficielle ou un
journalisme en mal de sensation. En revanche, on n’a jamais analysé les causes
profondes, nombreuses et enchevêtrées de la nouvelle criminalité. Tentons déjà de
mieux comprendre pourquoi on les ignore (§1), avant d’examiner les profondes
évolutions de la société insulaire (§2) et les raisons économiques (§3) dont elles
dérivent. A celles-ci s’ajoute l’effet de nos options politiques et de nos particularités
(§4).
§1 – La criminalité à l’usu corsu : un mal stigmatisé mais ignoré.
On en parle beaucoup de cette criminalité. Elle constituerait une singularité corse et
elle fait souvent les gros titres des quotidiens et des grands hebdomadaires
nationaux. Mais elle n’a jamais été étudiée objectivement, comme l’ont été les mafias
en Italie ou aux Etats-Unis. On se contente d’images essentialistes, où « les
corses », comme d’ailleurs la plupart des gens du Midi, sont considérés, par les
habitants de l’Europe du Nord, comme des bandits, des hors la loi en puissance, des
terroristes parfois, bref comme des pervers qui ignorent les droits chemins de la
morale et du droit et préfèrent se livrer à des pratiques clientélistes douteuses.
§2 – De nouvelles normes éthiques.
Les valeurs anciennes s’effacent au profit de nouvelles dont certaines paraissent
inquiétantes. Ainsi, l’argent s’affiche-t-il avec ostentation et paraît régner sur une
société, où l’individualisme égotiste remplace le souci du bien collectif. Les jeunes
gens, perdant les repères moraux traditionnels, admirent le clandestin et parfois
même le voyou. Des modèles douteux ne cessent d’ailleurs de leur être proposés
dans les médias, dans les films ou dans une certaine littérature. Par exemple, dans
la série télévisée Mafiosa, où une jeune femme corse s’impose comme chef d’un
gang de tueurs cruels.
Ou encore lorsque l’hommage aux morts et l’accompagnement de la douleur des
familles conduit à négliger le minimum de vérité qu’on doit, et que les représentants
du peuple doivent à la définition de ce qu’est l’exemplarité dans une société comme
la nôtre.
§3 – Le non-développement durable et des choix économiques
discutables.
La Corse a toujours été pauvre en richesses et riche en pauvres. Dans les
classements régionaux français, elle tient la place de la pauvresse. Qu’on observe le
niveau moyen du PIB par personne ou celui des salaires, le nombre des chômeurs
ou l’écart des revenus entre les riches et les pauvres, toujours la Corse figure au bas
du tableau. Maillot jaune de la précarité ou lanterne rouge du développement, les
places restent sempiternellement désastreuses. Certes des tentatives ont été
proposées pour sortir du marasme, mais aucune n’y est parvenue. Ce dont la Corse
a besoin, c’est d’un modèle économique productif qui offre à une jeunesse plus
exigeante des chances de trouver un emploi stable, qui corresponde à ses attentes
et l’empêche de sombrer dans le grand banditisme.
Le tourisme balnéaire, qui brasse beaucoup d’argent, n’est pas la panacée. Même
s’il doit figurer parmi nos atouts, un tel type d’activité entraîne de fâcheuses dérives,
ne serait-ce qu’en raison de la prolifération des établissements de nuit qui fleurissent
à l’ombre de maintes activités louches. Ce sont là les foyers latents d’une criminalité
(jeux, prostitution, etc.) qu’aggrave le trafic de stupéfiants en pleine expansion.
Les menaces qui pèsent sur notre pauvre agriculture (2% du PIB et des emplois !) ne
rassurent pas davantage. Il ne suffit pas de classer des terrains en terre agricole. Il
faut qu’au même moment s’exerce une forte incitation à s’engager dans l’exploitation
agricole, qui pourrait constituer un débouché pour des jeunes en quête d’emplois.
Dans cette perspective, les élus ont un rôle décisif à jouer. De même, nos hommes
politiques doivent s’appliquer à veiller à ce que les règles de recrutement soient
rigoureusement appliquées, comme doivent l’être aussi les lois visant à réprimer les
infractions à la législation du travail.
§4 – Le clash entre les cultures corse et française.
La mauvaise intelligence entre les uns et les autres sur chacune des deux rives de la
Méditerranée n’est pas récente. Elle a entrainé, pendant les cinquante dernières
années, des violences justifiées par les revendications du nationalisme corse d’un
côté, par la défense de l’intégrité du territoire de la République française de l’autre.
Or, la lutte policière s’est concentrée, pendant cette période, contre les nationalistes
et l’on a délaissé le travail endurant visant à réduire la criminalité de droit commun.
Les membres de celle-ci, qui avaient perdu des terrains fertiles aux colonies,
découvraient que la Corse recelait, aussi, bien des trésors. Des voyous étaient
utilisés parfois pour accomplir de basses œuvres dans un camp et dans l’autre. On
voyait aussi les méthodes des délinquants utilisées par certains militants, lorsque
l’impôt révolutionnaire se transformait en racket au profit d’intérêts personnels. On
remarquait l‘existence de relations ambiguës entre des hommes politiques et des
individus appartenant au milieu.
Les activités délinquantes, enfin, prenaient plus d’ampleur, tandis que diminuait, au
cours des dernières années, la violence politique. Des raisons anciennes peuvent
expliquer ce manque de compréhension et ces affrontements entre les corses et
l’Etat français. Retenons en deux.
D’une part, la loi française fut imposée par la force, sans qu’on tienne compte du
droit coutumier local. D’où ces comportements locaux hostiles à un droit étranger
qu’on juge d’autant plus illégitime qu’il ignore nos singularités et s’exprime dans une
autre langue que « a lingua nustrale ». Pensons, par exemple au droit « arboraire »
inconnu dans les autres provinces d’Europe et qui nous vient peut-être d’Orient.
D’autre part, la compréhension de la démocratie que se forme la population corse
diffère de celle communément admise en France. Ici, l’antique organisation de la
famille élargie reposait sur une hiérarchie qui ne favorisait pas l’expression des
opinions de chacun des membres, mais en revanche débouchait sur le clanisme et le
clientélisme. Les « capi » s’appropriaient le pouvoir et chacun, par prudence, retenait
sa parole.
En définitive, les causes de la criminalité en bandes organisées sont nombreuses.
Elles ont pour origine une histoire tourmentée et une culture antique qui s’est
conservée presque intacte dans ses profondeurs jusqu’à notre époque dite
postmoderne. Mais le phénomène est grave, car il menace la santé morale des
jeunes générations et leur bien-être. Alors que faire ?
Section II – Eradiquer le mal.
Les sociologues nous confirment que ce sont les hommes jeunes, inactifs ou
au chômage, non ou peu diplômés, ayant quitté tôt le système scolaire, issus
des milieux pauvres qui constituent la cible privilégiée du recrutement dans
les bandes organisées.
C’est sur les moyens de prévenir cette dérive possible sur ces jeunes que nous
avons centré nos propositions.
De fait, il faut que les hommes politiques corses prennent des dispositions qui
dépassent l’action dictée par les circonstances immédiates et s’attaquent aux
causes du mal. A partir de l’analyse que nous venons d’effectuer, nous proposons
quelques pistes classées sous six rubriques. Commençons par tenter d’y voir plus
clair.
§1 – Comprendre les fondements culturels de la criminalité en
bandes organisées.
Si les statistiques existent, nous manquons cependant d’une étude sociologique leur
donnant un véritables sens.
1 – Il convient de commencer par travailler avec des experts.
Les spécialistes ne sont pas nombreux et les responsables de la CTC ont déjà
entamé des consultations en recevant à Ajaccio le sociologue Laurent Mucchielli et
l’historien Antoine-Marie Graziani. Avant d’élargir la liste des compétences, on doit
aussi solliciter la collaboration d’un bon juriste corse, tel le professeur Jean-Yves
Coppolani.
2 – Développer la recherche en sciences humaines.
Il revient à l’Université de Corse d’effectuer et de coordonner ces travaux en divers
domaines : sociologique, historique, juridique ou anthropologique. La rédaction d’une
thèse de doctorat sur la criminalité corse, financée par la CTC, pourrait même être
proposée à un étudiant,
Une telle étude ouvrirait des pistes de solutions innovantes.
3 – Comprendre pourquoi le droit coutumier rend parfois difficile la
compréhension de la loi française.
Les lois de la République sont comme écrasées et masquées par un droit local dont
les réminiscences sont encore très présentes. Il existe bien quelques études
anciennes sur ce thème, mais il convient de les approfondir, toujours en collaboration
avec l’Université. De telles études nous aideraient à mieux comprendre les raisons
pour lesquelles la double culture corse et française qui caractérise les habitants de
notre île entraîne le sentiment que le droit venant d’ailleurs n’est pas toujours
légitime.
4 – Organiser une réponse régionale aux critiques injustifiées contre la CORSE
et valoriser le positif, permettrait de lutter efficacement contre les idées reçues qui
alimentent les images qui stigmatisent injustement la CORSE.
§2 – Diversifier les modalités d’accès à l’emploi pour nos jeunes.
Il est urgent de redonner une chance à tous ceux qui végètent parce qu’ils sont sous-
diplômés.
1 – Les règles de recrutement doivent s’appliquer rigoureusement dans la
fonction publique.
Toutes les études concernant l’emploi des jeunes indiquent que l’on croit souvent
que les concours administratifs sont truqués. Certes, la loi existe, mais c’est son
application rigoureuse qui pose souvent trop de problèmes. D’où le sentiment
d’injustice qui affecte les candidats malheureux et qui peut les conduire à devenir
violents. On suppose, en effet, que les responsables des concours effectuent leurs
choix selon des critères népotistes et électoralistes, les relations familiales restant
préférées aux compétences.
2 – Une politique de la « deuxième chance » s’impose.
Elle s’impose avec d’autant plus d’urgence que trop d’adolescents sortent du
système scolaire sans aucune formation. Nos jeunes sans diplôme arrivent peut-être
à se « débrouiller » au village. Ils coupent du bois de chauffage ou débroussaillent,
mais sans couverture sociale ; ils s’en tiennent à des travaux « au noir ». On ne doit
donc plus fermer les yeux sur ces pitoyables moyens de survie.
Les procédures de validation des acquis de l’expérience constituent déjà un progrès ;
elles permettent d’espérer une amélioration de la situation professionnelle, mais
toujours dans le même domaine d’activité. C’est ainsi qu’un comptable pourra
préparer un mastère en Sciences de Gestion. Néanmoins, comme dans d’autres
pays européens du Nord, il conviendrait de donner la possibilité à un adulte de
changer radicalement d’orientation. En Corse, de telles reconversions ne sont guère
possibles, car notre appareil de formation (Education nationale, Afpa, CFA, etc.)
n’est pas adapté à ces bouleversements nécessaires et ceci d’autant plus que la
tradition française de « diplômanie » freine les changements. La réhabilitation des
travaux manuels entre bien évidemment dans ce projet de la « deuxième chance ».
Mais les freins restent encore nombreux. Par exemple, les petites entreprises ont du
mal à accueillir des apprentis, surtout lorsqu’il faut les payer, même chichement. Les
stagiaires-apprentis ont donc du mal à trouver des employeurs qui les forment.
La réforme de tout le système exige une puissante impulsion des pouvoirs publics
régionaux, puisque tout le dispositif doit être repensé. Pourquoi ne pas créer par
exemple un « office de la formation » ? Il définirait la politique et coordonnerait les
interventions des différents acteurs.
3 – Mieux lutter contre l’échec scolaire.
Nul ne peut nier qu’un système scolaire qui produit un trop grand nombre
d’exclus ou d’aigris est en défaut. Le destin de la jeunesse de cette île ne peut
se jouer à l’adolescence ou à sa sortie. Sinon ce serait à désespérer.
4 – L’ouverture des jeunes vers l’étranger doit être facilitée.
On pense particulièrement à ceux qui restent en panne de diplômes. Précisons : il ne
s’agit aucunement de favoriser l’émigration des jeunes corses en les incitant à
s’installer à l‘étranger. Mais il convient d’élargir leur horizon culturel et professionnel.
De telles expériences ne se limitent pas aux étudiants, elles concerneraient aussi les
apprentis qui, par exemple, partiraient dans des pays méditerranéens pour acquérir
des techniques spécifiques : en Italie pour la construction ou au Maroc pour les
métiers du bois et du plâtre. La mesure viserait aussi à motiver les apprentis, à
susciter chez eux une fierté professionnelle, comme celle des anciens compagnons.
Dans cette perspective, on pourrait inciter les étudiants étrangers formés à Corte, à
recevoir des stagiaires corses. Le même service pourrait être demandé à la diaspora
corse : les associations des corses à l’étranger sont souvent actives et Corsica
diaspora pourrait favoriser l’initiative.
5 – Ne pas oublier les prisons où la mission de réinsertion doit être renforcée.
La plupart du temps la prison ne permet pas d’échapper à la délinquance. Pourtant,
quelques prisonniers, souvent d’ailleurs parmi les nationalistes, ont acquis, en prison,
une formation. Il serait judicieux de mieux connaître les cas de réussite et de les
analyser.
§3 – Faire de la lutte contre la criminalité en bandes organisées un
axe politique majeur.
1 – Tout d’abord inscrire l’objectif dans la politique régionale.
Peut-être conviendrait-il de commencer par impliquer le CESC dans ce programme.
Cette institution, peu sollicitée, pourrait être chargée d’une étude sur la violence liée
au banditisme.
Par ailleurs, nous proposons à la commission chargée de traiter le dossier
concernant la violence à la CTC de travailler avec la même méthode systémique que
la nôtre afin d’inscrire la lutte contre la criminalité comme un axe clairement identifié
et prioritaire.
2 – Nos choix politiques doivent rester cohérents avec la lutte contre la
criminalité.
Bien que des décisions soient économiquement défendables, il semble absolument
nécessaire de rester dans une perspective de défense de certaines valeurs éthiques.
Certes, le soutien financier au feuilleton Mafiosa a aidé à faire mieux vivre la filière
audio-visuelle, mais pareil choix paraît contradictoire avec la lutte contre le crime.
Cet objectif doit rester un critère de choix éminent des décisions politiques de la
CTC.
Bref, il ne convient plus de subventionner des projets diffusant des clichés triviaux ou
favorisant la pratique d’activités louches. Par exemple l’ouverture d’un établissement
où sont installées des machines à sous.
3 – Pour lutter contre le clanisme favorisons l’esprit civique.
Le clanisme affaiblit l’esprit civique et encourage les déviances. Dès lors, incitons les
jeunes à voter et à participer aux débats dans la Cité. Valorisons les initiatives
crédibles des associations. Favorisons le scrutin de liste et donnons la priorité aux
idées et aux programmes et non pas aux personnes et à leurs ambitions.
Toutes ces suggestions vont dans le sens d’une amélioration de la vie démocratique.
Il devrait en résulter une diminution de cette forme de délinquance.
§4 – Agir sur les terrains d’action économique de la criminalité
organisée.
§ 4 – 1/ Trouver un autre modèle économique qui ne soit plus basé sur le
tourisme balnéaire.
1 – Développer d’autres formes de tourisme.
Pour limiter les dérives résultant de l’industrie du tourisme côtier, il est opportun de
penser à valoriser d’autres activités destinées à attirer des segments de clientèle
nouvelle. Le tourisme sportif et le tourisme culturel paraissent convenir à pareille
extension.
La satisfaction de ces cibles de clientèle suppose que des investissements soient
réalisés en matière d’équipements sportifs, de réhabilitation des monuments, des
musées, des œuvres d’art, bref de notre patrimoine.
2 – Permettre à l’agriculture de prospérer.
Parallèlement à la constitution d’une économie productive locale, il convient de
redonner vigueur à l’agriculture, afin de réduire notre dépendance et surtout d’aider
de jeunes agriculteurs à s’installer. D’où la nécessité d’arracher les bonnes terres
agricoles à la spéculation foncière.
3 – Favoriser l’entrepreneuriat.
Enfin, il conviendrait de faciliter l’exportation et de développer une politique en faveur
du développement des entreprises.
§ 4 – 2/ réduire la spéculation foncière.
1 – Diminuer les pressions qui pèsent sur les maires.
Nos élus se retrouvent fréquemment dans des situations inconfortables, voire
dangereuses. Certains d’entre eux en ont perdu la vie en raison de convoitises
financières suscitées par l’acquisition des meilleurs terrains. Une première mesure
de protection des maires consisterait à favoriser le regroupement des communes. La
seconde consisterait à dissocier la fonction de maire de la responsabilité de
l’attribution des qualités des terres : constructibles ou non par exemple.
Ce projet n’est pas nouveau. D’autres pays sont parvenus à trouver des solutions
satisfaisantes. Cependant, la mesure parait tellement difficile à faire accepter, à
cause des freins multiples qui s’exercent, qu’on se demande qui pourrait la mettre
en œuvre.
2 – Permettre aux jeunes corses d’accéder à la propriété.
La question est actuellement largement débattue à la CTC. Mais nous la
mentionnons ici pour rappeler que la spéculation foncière reste la cause de maintes
dérives criminelles.
§5 – Lutter contre la précarité.
1 – Un objectif politique prioritaire.
La lutte contre la pauvreté constitue un objectif prioritaire, qui devrait figurer dans le
document de planification, puisque les jeunes qui se trouvent dans cette situation
calamiteuse représentent une mine de recrutement pour le banditisme.
2 – Concevoir une charte régionale de lutte contre la précarité.
Cette idée, retenue par la commission précarité de la précédente mandature, pourrait
être reprise. De fait, face à une pauvreté structurelle qui tend à croitre, il devient
urgent non seulement d’améliorer les moyens de prendre en charge les victimes,
mais encore d’identifier les mécanismes qui génèrent le mal afin de les combattre.
§6 – Adapter l’appareil judiciaire aux réalités insulaires.
1 – Mieux saisir les particularités des affaires criminelles locales.
Lutter contre cette forme de délinquance suppose d’abord d’en bien connaître les
singularités. Pour y parvenir, il convient d’élargir le champ du regard posé sur ces
dérives en associant la vision externe et la vision interne.
Une telle perception plus vaste ne peut advenir qu’en équilibrant dans les services
de l’Etat, dans la police et la justice, la part des fonctionnaires locaux et celle des
continentaux. Les premiers connaissent le terrain dans tous ses méandres; les
seconds bénéficient du recul exigé par une bonne politique pénale.
Les juridictions d’exception, telle la JIRS, ont été créées pour éviter que les
fonctionnaires soient en prise directe avec le milieu. Or, trop de distance rend difficile
la compréhension des réalités. Et il semble que ces juridictions n’obtiennent pas les
résultats espérés.
2 – Recentrer les choix politiques sur la lutte contre la criminalité en bandes
organisées.
La violence politique a diminué tandis que se développait la criminalité des bandes.
C’est donc sur cette dernière que doivent se concentrer les efforts. Par exemple la
lutte contre la drogue doit s’intensifier à mesure qu’augmentent le trafic et la
consommation de stupéfiants.
La politique pénale en Corse doit viser en priorité à éviter les traquenards rencontrés
par les jeunes. Pour y parvenir, il semble opportun que les services de l’Etat
travaillent en collaboration avec les services régionaux, dans le but de dégager une
politique commune de lutte contre le banditisme. Ainsi par exemple, la présence
policière est actuellement centrée sur Ajaccio et Bastia. On devrait pourtant la
déconcentrer quelque peu et se diriger aussi vers les lieux de grande activité
touristique estivale, en Balagne et dans l’extrême sud par exemple, où nos jeunes
sont confrontés à des mondes très différents l‘été et l’hiver. D’où des besoins
variables entrainant des occasions de délinquance différentes au cours des saisons.
En faisant ces propositions, nous n’avons pas la prétention d’être exhaustifs,
mais nous souhaitons ouvrir des pistes, dont certaines demandent à être
approfondies par des groupes d’experts.
En définitive, toutes ces suggestions ne poursuivent qu’un seul but : faire en
sorte que les jeunes les plus fragiles ne succombent aux tentations et ne
versent dans la criminalité en bandes organisées.
CORTE 96
Anna CECCALDI, Madeleine KOVALEVSKY, Marie-Antoinette NUTTINCK,
Lucien FERRACCI, Jacques ORSONI, Gaston PIETRI, François PERNIN,
Sampiero SANGUINETTI.