Sortir du logiciel de la croissance
La croyance dans le retour de la croissance conditionne pour beaucoup la manière de penser la gestion de nos collectivités et l’hypothétique attente d’une relance économique qui servirait notre territoire et par là-même allégerait la pression budgétaire que nos collectivités subissent.
Cette idée repose sur une évolution supposée infinie de la production et de la consommation de biens matériels, indépendamment du bien-être et de l’état de notre planète. Le niveau du PIB ne dit rien de notre bonheur ! Celui-ci englobe la croissance de tout, y compris ce qui nous tue, ce qui nous ruine. Il n’empêche pas les inégalités de croître ni le chômage de masse de s’installer durablement.
La planète a atteint ses limites : un autre modèle s’impose pour arrêter d’épuiser nos ressources. Il nous faut mieux plutôt que plus, il nous faut réduire notre dépendance au pétrole, réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour résister au changement climatique. Nous ne devons pas seulement soutenir un investissement local sans contre-partie comme la droite le revendique au nom d’une liberté d’entreprendre, y compris d’entreprendre dans le sens contraire de l’intérêt général.
Reconstruire la doctrine budgétaire de la Région, telle doit être aussi notre boussole. Penser nos dépenses et nos recettes dans cette perspective, penser notre action avec ce nouveau logiciel : telle est la vision écologiste des pratiques budgétaires à mettre en œuvre.
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Première orientation pour un budget écologiste : agir sur les recettes
1 – Défendre une fiscalité plus autonome et plus écologique
La première revendication des écologistes en matière de finances locales concerne l’autonomie fiscale des collectivités qui engage la responsabilité des élus dans leurs choix de gestion et facilite le lien direct que peut faire le citoyen entre l’impôt et la dépense publique.
Nous devons défendre une fiscalité basée sur des ressources en rapport avec les grandes compétences de la Région : transports, développement économique, protection de l’environnement.
Notre région aurait dû être concernée par la taxe poids lourds dans quatre départements et nous devons réouvrir le débat par une version régionale de cette taxe qui permettrait de soutenir le développement du ferroviaire. Nous sommes prêts à expérimenter dans notre région cette pollutaxe le cas échéant.
Une recette supplémentaire pourrait être envisagée par la fusion des Autorités Organisatrices des Transports au niveau régional, couplée à la perception du Versement Transports par la Région.
La Région doit pouvoir disposer d’une vraie marge de manœuvre sur la fixation des taux de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE), mais aussi celui de la Taxe Intérieure sur la Consommation des Produits Energétiques (TICPE). Il nous semble aussi indispensable que soit appliquée une TVA de 5,5% pour les transports collectifs en tant que « biens de première nécessité ».
Même si ces évolutions ne sont pas toutes du ressort du Conseil Régional et n’impactent pas toutes directement les recettes, c’est une revendication que la Région pourra porter. Enfin bien sûr, il s’agit au travers de notre action à la Région, de contribuer à une mobilisation collective en faveur d’une fiscalité écologique qui tarde à se mettre en œuvre.
2 – Faire bonne usage de la part de CVAE que percevront les Régions en 2017
Les Régions percevront 50% des Cotisations sur la Valeur Ajoutée des Entreprises, un des éléments des dispositions fiscales appliquées après la suppression de la taxe professionnelle.
Pour la Région Centre-Val de Loire, cela pourrait représenter 280 millions dès 2017, même si d’autres ressources seraient sans doute diminuées. Nous affecterons 50% de la somme effectivement perçue en plus, à la transition écologique et sociale de l’économie et notamment au financement des contrats de transition avec les branches, les filières et les entreprises.
Cet effort d’investissement est indispensable pour adapter notre économie aux enjeux climatiques, environnementaux et sociaux.
3 – S’opposer aux diminutions de dotation de l’Etat, et défendre des mécanismes budgétaires européens
« Les Régions sont les collectivités les plus sensibles aux dotations de l’Etat, car toutes les autres ont un panier de ressources plus diversifié » (A. ROUSSET, président de l’ARF).
Les écologistes sont économes d’argent public, tout simplement parce qu’ils analysent toutes les dépenses sous l’angle de leur utilité sociale et environnementale. Notre critique récurrente de la politique des grands projets s’inscrit en ce sens. La dette publique en France atteint son maximum, la transition écologique doit aussi être financée par des mécanismes budgétaires/monétaires européens (budget fédéral, euro-obligations). Il nous faut agir aussi dans ce sens-là.
4 – Etre attentif à la juste compensation des transferts de compétences
Les compensations financières des transferts de compétences reposent sur des principes fixés par la loi. Une attention particulière devra être portée sur ces compensations au moment de la mise en œuvre de la loi NOTRE.
5 – Affiner l’usage des fonds européens et revisiter le Contrat de Plan Etat-Région (à mi-parcours)
2015 est la première année depuis le transfert de la gestion des fonds européens par les Régions. Ces recettes augmentent artificiellement nos recettes, même si pour une bonne part elles correspondent à des dépenses pour soutenir les projets réalisés dans les territoires.
A court terme, et en fléchant une part de ce fonds sur les compétences de la Région, cela vient un peu atténuer l’effet de restriction des dotations. Il faut engager un travail plus volontariste pour rendre moins opaque la gestion de ces fonds, pour que les choix opérés soient de réels leviers pour la transition écologique et sociale de notre Région.
6 – Un usage ciblé de l’emprunt
Si bien sûr, nous sommes favorables à la prudence en matière de recours à la dette, particulièrement si la baisse des dotations se confirme, il est tout aussi important de pouvoir réaffirmer que l’emprunt n’est pas en soi une mauvaise dette et qu’il constitue un des outils de gestion public incontournable.
Il permet en effet de répartir sur plusieurs générations les investissements réalisés, dont l’usage ne se limite pas à la génération qui les voit se concrétiser. Mais le niveau d’endettement de la Région s’est dégradé (certes moins vite qu’ailleurs) et cette perspective doit être évidemment traitée avec toute la prudence qui s’impose.
Nous avons souvent défendu dans la mandature précédente que nous considérions possible de recourir un peu plus à l’emprunt pour agir massivement sur l’efficacité énergétique, sur la question des transports, sur la biodiversité… Dans une période où nous pouvions faire appel à la BEI suite à la convention-cadre signée avec la Région, et alors que les taux d’emprunts étaient bas, nous aurions pu anticiper certains investissements.
Au regard de la relative dégradation des capacités financières de la Région, il faut donc arrêter les investissements et les subventions d’équipement peu utiles, se recentrer sur les meilleurs et de soutenir le fonctionnement indispensable au bien-être et au développement humain.
Pour maintenir l’équilibre budgétaire de la Région, il nous semble raisonnable de fixer un taux plancher d’épargne brut à 15 %.
7 – Recours à l’emprunt citoyen
Au début de cette mandature régionale, plusieurs Régions ont eu recours à un emprunt obligataire auprès des citoyens, en ciblant les investissements liés à la transition écologique et à la lutte contre le changement climatique.
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Des dépenses en cohérence avec la transition écologique et sociale de notre Région
8 – Des dépenses utiles pour la transition et la solidarité
Les choix de dépenses doivent s’appuyer sur une grille d’analyse conçue à partir du projet de transition écologique et sociale de notre société.
Si nous sommes en responsabilité, nous lancerons un audit écologique et social sur les Autorisations de Programme en cours de la Région, avec le double objectif de garantir une bonne gestion et de dégager des marges de manœuvre pour les investissements de la transition écologique.
Nous demanderons également à ce que les rapports budgétaires soient accompagnés de l’Indice de Développement Humain et de l’évaluation de l’empreinte écologique dans la Région.
9 – Sortir du dogme « dépense de fonctionnement = mauvaise dépense ; dépense d’investissement = bonne dépense »
La doctrine habituelle considère que les dépenses d’investissement sont des bonnes dépenses puisqu’elles soutiennent l’activité économique régionale et qu’en ces temps de disette, il convient de réduire la voilure en matière de dépenses de fonctionnement.
Cette vision manichéenne doit être dépassée. Nous devons à la fois être exigeants sur la nature des investissements consentis, mais nous pouvons aussi défendre l’idée que certaines dépenses de fonctionnement servent directement notre économie, voire qu’elles sont tout aussi indispensables pour accompagner des investissements.
Ainsi lorsque nous soutenons les Cap asso, nous soutenons des emplois qui ont un effet levier sur la vie économique locale. Lorsque nous finançons des formations pour développer des métiers verts, nous soutenons de futurs investissements régionaux en faveur de la transition.
Nous considérons qu’une part des aides économiques n’ont aujourd’hui pas d’effet levier.
Plus globalement, nous devons défendre en matière de dépenses :
la conditionnalité sociale et environnementale des aides économiques : des aides conditionnées à des engagements quantifiables et mesurés en termes de créations d’emplois pérennes et non délocalisables, d’utilité sociétale et de minimisation de l’impact environnemental
la transparence et la lutte contre les paradis fiscaux dans le cadre de nos relations aux banques et aux entreprises
le refus des projets inutiles
la maîtrise de nos propres dépenses énergétiques par un engagement fort en faveur de la transition énergétique pour notre propre patrimoine
Chaque euro dépensé doit correspondre à une dépense source d’emploi, de mieux-vivre, et de richesses nouvelles, à un renforcement des solidarités sociales, territoriales, internationales, à une valorisation des richesses de notre environnement et à une contribution pour réparer les dégâts du passé.