La campagne
Conférence Débat : la décroissance en question !
Le 28 janvier dernier, salle Jean-Pierre Timbaud, à l’occasion de la conférence-débat organisée par le Comité local de Limoges, militants, sympathisants et curieux ont eu le plaisir d’assister à une présentation à la fois synthétique et percutante de ce que pourrait être une politique de décroissance choisie et non pas subie. Pour le conférencier invité, Jean-Jacques Gouguet, Professeur d’économie à l’Université de Limoges, promouvoir la décroissance – ou, si l’on préfère, la « prospérité sans croissance » - est aujourd’hui une nécessité compte tenu des ravages du productivisme et de la finitude de la planète-terre. Dans un mode fini, la croissance infinie du produit intérieur brut (PIB) n’est rien moins qu’une folie suicidaire : réchauffement climatique, épuisement des ressources naturelles non-renouvelables (au premier rang desquelles figure, bien évidemment, le pétrole), réduction de la biodiversité, déforestation, épuisement des sols, pollution et pénurie de l’eau, la liste est longue des effets dévastateurs avérés du modèle productiviste. Par delà ce constat aujourd’hui assez largement partagé, c’est la conception même de l’économie que met radicalement en cause le projet politique de prospérité sans croissance. Ce projet repose sur la prise de conscience des contraintes écologiques et vise au bien-être de l’être humain, l’économie étant uniquement au service de cette finalité. Si une politique de prospérité sans croissance ne pourrait être mise en œuvre sans renoncements, elle se traduirait aussi, et surtout, par une amélioration considérable de la qualité de vie, ce que ses détracteurs se gardent bien de prendre en considération. Certes, a insisté le conférencier, la croissance du PIB va a priori de pair avec une augmentation de la qualité de vie, mais cette connexion n’existe que jusqu’à un certain seuil ! Une fois ce seuil dépassé, la croissance développe ses effets pervers sur l’environnement, la santé publique, le vivre-ensemble et constitue une menace pour la survie de l’espèce humaine. Comment engager une politique de prospérité sans croissance ? D’abord en décolonisant l’imaginaire occidental, imprégné d’économisme et de la toute-puissance du Dieu PIB. Pour ce faire, outre l’importance de la mesure de l’empreinte écologique des activités humaines, il est urgent de mettre en place de nouveaux indicateurs de richesse permettant de compléter les indicateurs économiques, en tenant compte de richesses oubliées comme celles que produisent le travail bénévole ou le travail domestique, ou encore de critères de cohésion sociale et de pauvreté (la croissance du PIB, c’est aussi la croissance… des inégalités !). Par ailleurs, Jean-Jacques Gouguet a mis en exergue la nécessité de promouvoir la politique de prospérité sans croissance « par le bas » : dès lors que la prospérité sans croissance induit une relocalisation de l’économie, le mouvement peut et doit venir du « local ». À la fin de son intervention et dans ses réponses aux questions du public, le conférencier a exprimé ses doutes quant à la valeur de l’outil politique partisan pour prendre ce chemin d’une nouvelle humanité, semblant plus miser sur la société civile. Sans doute est-ce à un mouvement comme Europe Écologie de démontrer que l’engagement politique n’est pas vain et peut utilement compléter l’action citoyenne et associative. Quoi qu’il en soit, cette fructueuse soirée a démontré, s’il en était besoin, que l’écologie est un projet « de civilisation » (pour citer Edgar Morin, incongrument instrumentalisé par le Président de la République lors d’une célèbre conférence de presse de janvier 2008…).