La campagne
Société en couches jetables
Qu’il n’en déplaise à Elisabeth Badinter et à Claude Allègre, opposer nature et progrès est aussi vain qu'opposer féminité et maternité. Il n'y a qu'un seul progrès. Celui qui fait avancer une société dans le sens du mieux-être individuel et collectif, celui qui permet à chacune et chacun de donner un sens à sa vie, quelle que soit la voie choisie.
Surfant sur la vague verte qui envahit jusqu'à son agence publicitaire, Elisabeth Badinter prétend que l'écologie « renvoie les femmes à la maison ». Simple précision : le féminisme tout comme l'écologie n'est pas un diktat, mais un courant de pensée ayant ses traductions politiques, associatives ou quotidiennes. Ne renversons pas les rôles. C'est bien en réaction au retard considérable de la France en matière d'allaitement, de bio, de maisons de naissances, d'innovation éducative, que l'écologie propose d'autres voies pour la parentalité.
Préférer l'allaitement au biberon ? Si, et seulement si c'est un choix. Préférer la purée maison au petit pot ? Si, et seulement si c'est possible. Pourquoi ? Pour l'immunité, pour la santé, pour l'éducation au goût, parce que l'épidémie d'obésité, de diabète, de cancer n'est pas déconnectée de notre culture alimentaire. Pour le plaisir aussi. Et puis pour la planète. L'écologie n'est pas punitive, elle ne promeut le calvaire de personne.
Les hommes dans tout ça ? Si l'on part du principe que les hommes ne laveront pas les couches lavables, on peut légitimement supposer qu'ils ne jetteront pas plus les couches jetables, ne se relèveront pas la nuit pour donner le biberon et seront pas rentrés pour donner les petits pots. Le tout jetable, le vite consommable devient donc l'instrument suprême de libération de la femme... tient, ne serait-on pas revenus aux années 50 ?
Et la « maternité idéale » ? Ca n'existe pas plus dans René Dumont que dans Laurence Pernoud ! La seule parentalité idéale est une parentalité choisie. Et ce choix commence par la contraception. En France, la gamme de produits contraceptifs est très réduite contrairement à d'autres pays industrialisés. D’autre part, le planning familial voit ses crédits réduits à peau de chagrin quand les centres IVG ferment de plus en plus. Là est la menace, là est le danger pour les jeunes femmes.
La société toute entière doit agir en faveur des conditions nécessaires à l'égalité femmes/hommes. Quand le congé maternité est de 16 semaines contre 11 jours pour le congé paternité, où se situe l'égalité ? Quand les places en crèches se font rares, quand les nounous se font chères, quand le monde du travail oublie que l'allaitement est légalement permis à raison d'une heure par jour… la gestion de l'enfant ne peut retomber que sur la personne du couple la plus fragile financièrement. Or ce sont les femmes qui se retrouvent majoritairement en temps partiel, en CDD, en postes moins qualifiés, avec des salaires inférieurs à compétences égales.
Partage des tâches domestiques, partage du travail, partage du salaire, partage du pouvoir... le combat pour l’émancipation des femmes n’est pas une tenue de camouflage aux couleurs des biens de consommation. Dommage qu'au sein de son Conseil de Surveillance, Elisabeth Badinter refuse de voir en la publicité l’incitation insidieuse au maintien de valeurs archaïques : éponges et casseroles dans les mains des femmes, volant dans celui des hommes ! Le bébé serait devenu le maître de la société ? Des sociétés de pub, oui ! Des sociétés qui entretiennent cet enfant-roi : futur consommateur à l’esprit conditionné, à l’esprit hétéro-normé.
Il est temps de se poser et de réfléchir pour construire un monde d'équilibre, de respect et de choix. Un monde où la famille n'est plus seulement nucléaire (papa-maman-bébé) mais où deux papas, deux mamans peuvent donner tout l'amour nécessaire, où le lien intergénérationnel retrouve sa place dans l'éducation des enfants et permet de soutenir les parents. Au final, qu'est-ce qui nous sépare d'Elisabeth Badinter ? Tout, si l'on suit la voie qu'elle montre, la vision de la société qu'elle propose... et tous les combats importants qu'elle oublie.
Marie Bové, tête de liste en Gironde