Des femmes musulmanes s’engagent contre le radicalisme religieux, «un défi démocratique» (Libération, 20 mai 2016)

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Des militantes politiques et associatives se sont réunies mercredi à la Grande Mosquée de Paris pour débattre de l’islam et des extrémismes.

Parfois, le recteur de la Grande Mosquée de Paris surprend son monde. Figure emblématique du notable de l’islam officiel, Dalil Boubakeur a pris quelques risques en invitant, mercredi soir, une petite centaine de femmes très majoritairement musulmanes à débattre de la question controversée de la radicalisation.

Celles-ci, des militantes politiques ou associatives pour la plupart, ne sont pas du genre à parler la langue de bois ou à esquiver les questions qui fâchent. Bien au contraire. «C’était une demande de ces femmes, explique-t-on à la Grande Mosquée de Paris. Plusieurs d’entre elles avaient pris contact ces derniers mois avec nous.» Il y a là quelques figures comme l’énergique Nadia Ramdana, la fondatrice de la Brigade des mères à Sevran (Seine-Saint-Denis) ou l’ex-porte-parole de Manuel Valls, Zorah Bitan. «Nous avions peur hier que nos fils tombent dans la délinquance, maintenant nous craignons qu’ils partent en Syrie», clame Nadia Ramdana. Comme d’autres, elle met en cause les pouvoirs successifs qui ont abandonné les banlieues à elles-mêmes. «Nous avons tiré la sonnette d’alarme dès les années 90, appuie la journaliste d’origine algérienne, Hassina Saharaoui. Dès ce moment-là, nous avons vu l’islamisme radical prospérer à travers un travail souterrain d’associations.» A l’inertie des pouvoirs publics, Nadia Ramdana oppose la mobilisation citoyenne, l’empowerment. «Il faut que nous, les mères, fassions des jumelages entre Paris et les banlieues», plaide-t-elle, un contre-feu à la «ghettoïsation».
«Relever un défi démocratique»

Dans la prestigieuse salle de réception de la Grande Mosquée, les hommes se comptent sur les doigts d’une main tout comme les femmes qui portent le voile. Conviée à la soirée, la philosophe Elisabeth Badinter a décliné. La sénatrice EE-LV Esther Benbassa assume, par sa présence, le visage de la diversité. A la table d’honneur, le président du Conseil français du culte musulman, Anouar Kbibech, est peu prolixe. «Je suis venu écouter», dit-il sobrement.

Pendant le dîner, les conversations roulent vite autour de l’islam. «Il faut laisser cette religion tranquille. Nous, nous ne reconnaissons pas du tout dans les médias en montrent. Ce n’est pas cet islam-là que nous avons appris», raconte Ferial Furon, présidente d’une association «Franco-algériens Républicains rassemblés». Pourtant, il y a quand même de l’inquiétude dans l’air face à la montée certaine du fondamentalisme. Véronique Roy, une mère de Sevran (Seine-Saint-Denis) dont le fils a été tué en Syrie, demande la parole. «Nous savons qu’il fréquentait dans notre ville une association musulmane. Elle aurait pu être attentive à sa radicalisation», pointe-t-elle. Nadia Ramdana plaide, elle, pour une «autocritique de l’islam».

Dans un manifeste adopté en fin de soirée, on lit : «Pour construire tous ensemble, notre avenir face à la montée du radicalisme religieux […], nous n’envisageons pas d' »islamiser la modernité », comme le souhaitent les fondamentalistes, ni de « changer l’islam » comme l’envisagent des néothéologiens, mais bel et bien de relever un défi démocratique.» Cela sonne comme un début de campagne électorale.

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