PROJET DE LOI SUR LA RÉUTILISATION DES INFORMATIONS DU SECTEUR PUBLIC

2015 10 21 DG CBx 3

Intervention lors de la discussion générale sur le Projet de Loi « gratuité et modalités de réutilisation des informations du secteur public » adopté avec deux amendements de Corinne Bouchoux :

Le premier apporte une précision pertinente concernant l’objectif de facilitation de la réutilisation, il définit ce qu’est un fichier réutilisable: « c’est à dire lisible par une machine et pouvant être exploité par un système de traitement automatisé ».

Le second prévoit une révision tous les 5 ans de la liste des informations ou catégories d’informations dont la réutilisation est soumise à redevance.

 

Corinne Bouchoux : Monsieur le président,

madame la secrétaire d’État,

mes chers collègues,

Nous voici réunis pour débattre du projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, qui procède à la transposition de la directive européenne du 26 juin 2013. Ce texte constitue une étape supplémentaire et attendue en faveur de la politique d’ouverture des données menée par le Gouvernement.

Si nous comprenons les contraintes liées au calendrier, qui ont déjà été exposées, nous regrettons cependant que la transposition soit quelque peu a minima. Surtout, nous sommes étonnés que le sujet soit autant morcelé, pour ne pas dire « saucissonné ».

Le futur projet de loi pour une République numérique comporte un volet qui définira les contours des données ouvertes à la réutilisation. Cette dissociation a pu être de nature à empêcher un travail parlementaire d’ampleur, et la limite posée par la surtransposition n’a laissé que peu de marge de manœuvre aux parlementaires pour amender le texte qui nous est ici proposé. Je fais référence aux travaux conduits par la mission commune d’information sur l’accès aux documents administratifs et aux données publiques présidée par notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest et pour laquelle j’avais été désignée rapporteur. Nous avions alors formulé un grand nombre de propositions, qui n’ont pas trouvé ici leur traduction, mais nous les présenterons de nouveau lors de l’examen du projet de loi pour une République numérique.

Concernant le morcellement, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », oblige déjà les collectivités locales de plus de 3 500 habitants et leurs EPCI à ouvrir leurs données, entre autres, et je ne parle pas de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques qui, paraît-il, prévoit l’ouverture des données de transport, ce qui sera sûrement très utile.

Avec une telle juxtaposition de mesures, il y a de quoi s’y perdre, et ce au détriment de la lisibilité de quelques avancées que l’on peut observer.

Tout en saluant le travail accompli par les rapporteurs dans des délais très contraints – je félicite M. le rapporteur de sa pédagogie, car son rapport fera la joie de tous les étudiants qui travaillent sur l’open data –, je regrette, en tant qu’ancienne membre de la commission des lois, la faible concertation avec les membres de la commission de la culture : dans la mesure où le texte traite, pour partie, de la numérisation des données culturelles, nous aurions peut-être pu organiser des auditions conjointes.

Comme le pointait le rapport de la mission commune d’information, si des progrès ont été accomplis en matière d’accès à l’information publique, les réticences persistantes de l’administration déçoivent encore les attentes citoyennes, qui sont de plus en plus importantes.

Quant à la réutilisation des données publiques, elle se heurte à certains obstacles : des difficultés techniques et méthodologiques, tenant, d’abord, au format des données et, ensuite, à la non-harmonisation des processus de production, qui interdit les rapprochements. À cet égard, nous saluons l’avancée réalisée par les députés pour ce qui concerne le standard dans lequel doivent être fournies les informations publiques en vue de leur réutilisation. En la matière, nous avons souhaité apporter une précision par le biais d’un amendement, afin de favoriser l’objectif de facilitation de la réutilisation, en définissant ce qu’est un fichier aisément réutilisable.

Par ailleurs, ce texte affirme le principe de gratuité, ce que nous saluons, mais en lui associant de très nombreuses exceptions. Plutôt que de garantir l’abandon progressif des redevances, comme le permettait la directive, il vient plutôt l’entériner. C’est pourquoi nous avons déposé deux amendements sur ce sujet.

Le premier vise à étendre l’application du principe de gratuité de la réutilisation d’informations publiques, en supprimant la possibilité de lever des redevances pour les organismes dont la mission de service public est de produire, collecter et diffuser ces données. De nombreux rapports ont montré l’inconvénient de ces redevances, qui constituent en quelque sorte des rentes sur le plan économique, et le rapport Trojette a mis en évidence que la libération des données pouvait rapporter nettement plus d’argent à l’État que ces redevances.

Un autre amendement, de repli, prévoit le maintien de la redevance de réutilisation pour ces organismes, mais cette possibilité doit avoir pour corollaire la diffusion en ligne, gratuite, dans un standard ouvert et aisément réutilisable des bases de données qu’ils produisent ou qu’ils reçoivent, ainsi que les données dont la publication présente un intérêt économique, social ou environnemental. Il s’agit ici de permettre un mode d’accès premium ou « freemium » soumis à tarification, à condition que l’accès standard aux données demeure gratuit.

Concernant les décrets régulant les redevances, le texte prévoit une révision tous les cinq ans. Il faut peut-être faire mieux.

Pour conclure, nous souhaitons, comme cela avait été fait par les députés, préciser les contours de l’obligation de transparence des accords d’exclusivité conclus en matière de réutilisation des informations publiques. À cet effet, l’un de nos amendements tend à définir la nature des informations soumises à publication.

S’agissant de l’article 1er, qui permet d’inclure dans les obligations générales d’accès au public les documents produits ou reçus par les établissements d’enseignement de recherche, ainsi que par les établissements culturels, nous sommes étonnés du retour au maintien d’un régime dérogatoire de réutilisation pour les informations de recherche, qui a été opéré par le biais d’un amendement du rapporteur

Jean-Pierre Sueur. Voilà !

Corinne Bouchoux. Pourquoi prendre autant de précautions ? Il existe déjà de très nombreuses protections. Les documents ne sont pas communicables, car ils sont inachevés ou protégés par le secret industriel ou commercial ou le droit de la propriété intellectuelle et ne sont donc pas réutilisables. Il est difficile de savoir pourquoi les établissements conserveraient ces données. Le maintien de cet amendement serait de nature à favoriser l’inertie des administrations.

Ces remarques étant formulées, nous soutiendrons et voterons ce texte, tout en espérant pouvoir avoir un débat constructif autour des améliorations que nous proposons. En outre, nous attendons avec impatience l’examen du projet de loi pour une République numérique, qui permettra, nous l’espérons, d’aller plus loin. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

 

Illustration: Crédit Sénat

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