INTERVENTION SUR LA LOI FIN DE VIE

2012-849-04-GB

Intervention de Corinne Bouchoux lors de la discussion générale de la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie, adoptée jeudi 29 octobre 2015


Madame la présidente,

madame la ministre,

mes chers collègues,

Je remercie la commission des affaires sociales, son président, les rapporteurs, ainsi que le rapporteur pour avis de la commission des lois, qui, grâce à un travail serein, apaisé, de qualité, ont certainement contribué à rattraper l’image quelque peu écornée que le Sénat a pu donner lors de la dernière discussion du présent texte en séance publique.

Lundi 2 novembre se tiendra la huitième Journée mondiale pour le droit de mourir dans la dignité. Notre débat pourrait être l’occasion d’adresser aujourd’hui un message d’espoir et un signal fort aux personnes qui vivent ou ont vécu des situations douloureuses et des drames de fin de vie. Ces situations sont nombreuses. Ainsi, Jean Mercier, originaire du Maine-et-Loire, a été condamné hier à une peine d’un an de prison avec sursis pour non-assistance à personne en danger. Il s’agissait en fait d’une assistance au suicide apportée à son épouse, qui, après trente ans de souffrance, n’en pouvait plus de vivre. Bien que nous n’ayons pas pour rôle de commenter les décisions de justice, force est de constater la nécessité d’une évolution législative sur la fin de vie. Comme 96 % des Françaises et des Français, nous soutenons une telle évolution.

Pourtant, malgré l’excellent travail qui a été effectué par la commission et l’ensemble de nos collègues, de trop nombreux cas ne sont toujours pas couverts par notre législation. Il y a un pas, difficile, que nous n’arrivons pas à faire… Comme cela a été souligné, le texte est fait pour ceux qui vont mourir, pas pour ceux qui voudraient partir.

Je ne prétends pas que la loi doit régler tous les cas. Mais, sur une question aussi sensible, il faudrait sans doute qu’elle réponde mieux à une attente forte de la population, celle de pouvoir partir au moment de son choix.

Le Sénat a la responsabilité de prendre en compte ou, du moins, d’entendre ces attentes. Cela étant, je pense que ce texte comporte un certain nombre d’améliorations. Mais, à nos yeux, il ne va pas encore assez loin. Vous vous en souvenez, mes chers collègues, dans un premier temps, dépassant les clivages habituels, des sénatrices et des sénateurs de tous les groupes politiques du Sénat sauf un avaient voulu soutenir ensemble le choix de pouvoir bénéficier d’une aide active à mourir. C’est ce pas que la présente proposition de loi ne permet pas de faire.

Nous proposons de reconnaître la volonté du patient de bénéficier d’une assistance médicalisée active à mourir dans des conditions strictes. Associée à l’analgésie et à l’arrêt des traitements, la « sédation profonde et continue jusqu’au décès », telle qu’elle a été définie, ne saurait être la seule réponse à toutes les situations. C’est pourtant ce que le texte prévoit.

Avec le recours possible à une sédation profonde et continue, la proposition de loi contient tout de même une avancée : le fait d’être endormi. Cette réelle vision de la dignité est positive. Mais elle ne suffit pas à tous ! De plus, cette solution n’est pas réellement le fait du patient. C’est l’équipe soignante – et le caractère collégial est important – qui en décidera. Vous l’aurez compris, même si nous saluons la qualité du travail effectué comme des débats, ainsi que la méthode, nous considérons que ce texte ne va pas suffisamment loin. Peut-être l’engagement n° 21 du candidat François Hollande, dont nous attendions beaucoup, était-il formulé de manière trop ambiguë. Peut-être l’attente de certains était-elle trop grande.

Quoi qu’il en soit, nous respectons évidemment les convictions de toutes celles et de tous ceux qui ont une position différente sur le sujet.

La loi de 2005 a très largement montré ses limites. La présente proposition de loi est censée y remédier, avec une volonté de remettre le patient au centre de la décision. Mais ce texte déçoit encore ceux et celles pour qui le droit à la mort fait partie des droits individuels humains. Selon nous, chacun doit pouvoir choisir sa mort sans être riche ou obligé, comme certains, de partir en Suisse !

Nous savons que l’objectif actuel est de trouver un équilibre, ce qui est difficile. Mais nous souhaitons qu’il soit possible d’aller plus loin dans un avenir proche. Tel est le sens d’un amendement que nous avons déposé.

Si cette proposition de loi reste comme elle est à ce stade, le groupe écologiste s’abstiendra, en saluant la qualité de nos débats, mais en soulignant qu’il aimerait aller plus loin. Plus tard, peut-être… Néanmoins, je me félicite que le Sénat humaniste offre aujourd’hui une image plus positive que lors de nos derniers débats sur ce sujet !

(Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Crédit photo: Sénat

 

Remonter