« Nous aimerions attirer votre attention sur plusieurs objectifs qui pourraient être fixés à une politique plus écologiste du tourisme »

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Intervention de Corinne Bouchoux lors du débat du 16 octobre sur la pertinence du dispositif légal encadrant l’industrie du tourisme en France.  Demande de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

Monsieur le président,

Madame la ministre,

Messieurs les co-rapporteurs,

Mes chers collègues,

Comme cela a été mentionné à plusieurs reprises, la France est un pays qui compte énormément en matière d’accueil touristique et ce secteur d’activité représente, pour elle, une ressource très importante. Par conséquent, ce sujet mérite la tenue du débat de ce jour et le rapport d’excellente qualité de nos collègues Luc Carvounas, Louis Nègre et Jean-Jacques Lasserre.

Les aspects territoriaux et sociétaux, l’emploi et la formation aux métiers du tourisme, la notion de « tourisme et de développement durables », ainsi que les éléments concernant le poids économique du tourisme selon les activités et les territoires sont autant de sujets incontournables qui ont été fort bien développés dans ce rapport.

Pour l’essentiel, nous partageons le diagnostic formulé. Néanmoins, mes chers collègues, acceptez que nous puissions, sur deux ou trois points, apporter quelques nuances d’ordre écologique.

On peut lire dans ce rapport, par exemple, que le modèle touristique français souffrirait d’un essoufflement dû à l’environnement technique et normatif. Nous l’entendons bien, mais nous tenons à rappeler que tout ne doit pas être possible pour autant : les normes sont également là pour protéger, notamment l’environnement touristique.

La concurrence accrue, qu’elle soit internationale ou qu’elle se niche dans un « marché gris », un marché parallèle, constitue un sujet extrêmement préoccupant et nous jugeons indispensable de permettre à chacun de trouver sa place dans l’immense marché touristique.

Je ne vais pas reprendre ici tous les éléments de faiblesse que nos rapporteurs ont fort pertinemment répertoriés. Toutefois, il me semble important d’évoquer quelques points complémentaires, qui n’ont pas forcément été abordés jusqu’à présent ou qui ne seront pas repris ultérieurement.

Tout d’abord, vous le savez comme moi, le secteur touristique a parfois tendance à exercer une pression sur les milieux naturels dans le but d’accueillir un nombre plus important de touristes. Il convient d’être particulièrement vigilants sur ce point car, si nous maltraitons l’environnement par certains comportements inconsidérés, nous risquons de tarir la source la ressource que nous voulons défendre ce soir.

Par ailleurs, certaines collectivités se sont fortement endettées dans une course dévastatrice au suréquipement, avec, dans certaines zones, des problèmes d’adéquation entre les postes à pourvoir et une main-d’œuvre indisponible.

Je ne développerai pas ici les problématiques liées au travail précaire ou à temps partiel, largement répandu dans le secteur, ou encore la question, cruciale, des saisonniers, qui, même si elle n’est pas frontalement abordée, se trouve en arrière-plan du rapport.

Je n’évoquerai pas non plus, cela a été fait, la dispendieuse course aux publicités dans laquelle se lancent les territoires dans le but d’attirer un nombre croissant de touristes. Plutôt que de placarder en tout lieu des affiches qui ne sont pas toujours très attractives, reconnaissons-le, ne faudrait-il pas réfléchir à mieux organiser la visibilité de nos territoires ?

Enfin, avec la crise, les habitudes des touristes ont fortement changé : en moyenne beaucoup plus âgés, les vacanciers recherchent un tourisme plus doux, plus écologique, plus « à la carte ». Chacun veut des vacances moins standardisées, plus naturelles. Peut-être faut-il, à ce niveau, trouver une adéquation entre ces attentes nouvelles et les offres existantes…

De nouveaux marchés prometteurs apparaissent, mais ils s’accompagnent de risques très importants, notamment pour notre environnement. Je pense, en particulier, au point noir que représentent les fameuses centrales de réservation, sans doute plus nocives que bénéfiques au tourisme. Sur ce sujet également, le rapport met en avant des pistes d’amélioration possibles.

Pour notre part, nous aimerions attirer votre attention sur plusieurs objectifs qui pourraient être fixés à une politique plus écologiste du tourisme.

Il faudrait tout d’abord favoriser le tourisme en milieu rural. Effectivement, il n’y a pas que Paris et la Côte d’Azur en France, même si Paris est une très belle ville et la Côte d’Azur une région magnifique ! De très nombreux territoires sont accueillants et ne demanderaient qu’à recevoir plus de touristes. Or certaines zones sont désertes, notamment l’été, alors que d’autres sont surpeuplées. Ne devrait-on pas travailler à améliorer les équilibres en la matière ?

Autre point très important, mais en arrière-plan du rapport, la question des modes d’accès au tourisme est posée. Ne devrions-nous pas, pour l’avenir, encourager des modes d’accès plus doux et collectifs et revoir la sacro-sainte place de l’automobile, qui reste le modèle dominant au moment des vacances d’été ?

Enfin, l’écotourisme, avec le tourisme social et solidaire, est un point qui nous tient particulièrement à cœur. Peut-être pourrez-vous y consacrer quelques développements, madame la ministre. Il convient, selon nous, d’améliorer encore la qualité et la sécurité des emplois dans ce secteur et, peut-être, de faire en sorte que l’écotourisme, qui est aujourd’hui une branche singulière du tourisme dans notre pays, en devienne une part très importante : nous aurions tous à y gagner !

Je souhaite revenir sur la question des normes et des règles, abordée dans le rapport. Nous sommes très vigilants dans ce domaine, notamment concernant les lois Mer et Littoral. Si l’on veut développer le tourisme, il faut évidemment assouplir certaines règles. Mais nous aimerions que ces assouplissements ne soient pas trop importants, car il s’avérerait totalement contre-productif de s’attaquer aux milieux les plus attractifs pour les touristes.

En outre, il nous semble important d’encourager les bonnes pratiques, cette démarche passant notamment par le développement des « chèques vacances écotourisme ».

L’éducation est un autre levier auquel nous croyons fortement. Pour nous, la mise en place, dans le cadre de la réforme de l’école, de parcours artistiques et culturels ou de dispositifs d’éducation à l’environnement est centrale pour permettre l’émergence de comportements citoyens nouveaux et d’esquisser, en tout cas à l’échelle de l’Hexagone, les contours d’un tourisme plus respectueux de l’environnement.

Pour conclure, et ce n’est pas qu’une anecdote, nous avons pris connaissance avec intérêt de la composition du conseil d’administration du bras armé du tourisme en France, Atout France. Un point nous a frappés, madame la ministre, et il n’a pas pu vous échapper : si nous nous réjouissons de la présence, au sein de ce conseil, de Mme Bariza Khiari, vice-présidente du Sénat, nous constatons que l’assemblée est à 80 % masculine. Cette surreprésentation masculine nous intrigue beaucoup dans un secteur qui, au demeurant, est entièrement mixte et se doit de l’être dans tous ses compartiments. Une réponse sur ce point sera donc la bienvenue.

Enfin, n’oublions pas que près de la moitié des Français ne partent jamais en vacances. Peut-être cette question représente-t-elle un vrai enjeu, car songez que ces personnes qui, aujourd’hui, ne sont pas des touristes pourraient, demain, être les acteurs d’un tourisme à la fois plus égalitaire et respectueux de l’environnement !

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