INTERVENTION SUR LE PROJET DE LOI DDADUE DANS LES DOMAINES DE LA PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE ET DU PATRIMOINE CULTUREL

2014 12 17 interv ddadue (C) ZA

Intervention de Corinne Bouchoux sur le le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel le 17 décembre 2014. 

Le Sénat a adopté ce texte en première lecture, sur le rapport de Colette Mélot au nom de la commission de la culture.

Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd’hui est un texte très technique, mais il traduit une volonté d’encadrer et de consolider l’accès à la culture, ce que nous saluons.

Malgré quelques réserves, les membres du groupe écologiste voteront ce projet de loi. Nous voudrions cependant, madame la ministre, attirer votre attention sur certains points.

Tout d’abord, comme l’a indiqué Mme la rapporteur, l’absence d’évaluation du nombre de cas concernés par les dispositions sur les droits voisins et les œuvres orphelines nous a conduits à nous interroger. Nous avons en vain cherché des précisions.

À l’avenir, même si vous n’êtes pour rien dans la situation actuelle, madame la ministre, il serait préférable d’anticiper davantage les directives européennes et d’établir un calendrier qui nous épargne de voter des textes de manière quelque peu précipitée.

Cela étant, la première directive visée par le présent projet de loi a pour objet d’allonger la protection de certains droits voisins en la portant de cinquante à soixante-dix ans. Je n’irai pas par quatre chemins : nous considérons que, même s’il est très important de préserver la qualité de vie et les revenus des artistes, cette mesure s’apparente tout de même à une rente. Alors que l’on nous explique vouloir lutter contre les niches et les rentes, prolonger de vingt ans ce délai de protection est quelque peu surprenant. Vingt ans d’exploitation de plus, c’est, si je puis dire, vingt ans de pris sur le domaine public, ce qui va contre-courant de la tendance actuelle.

Par ailleurs, la libre circulation des œuvres conçues par l’artiste, toutes les mesures destinées à encourager la découverte, la connaissance, le partage plutôt que la rente sont dans l’intérêt du public et traduisent, selon nous, des enjeux majeurs.

La troisième directive visée par le présent texte, celle qui a retenu le plus notre attention, tend à garantir la restitution au profit d’un autre État membre de tout bien culturel considéré comme un « trésor national ayant valeur artistique, historique ou archéologique » ayant quitté illicitement son territoire après le 1er janvier 1993.

Ne nous cachons derrière notre petit doigt : pour d’évidentes raisons, cette date n’a pas été retenue au hasard…

Cela étant, vous l’avez souligné, madame la ministre, la problématique est plus large puisqu’elle recouvre également la question des MNR, musées nationaux récupération. À ce propos, je me réjouis du rapport conclu au mois de juin dernier sur les MNR spoliés et qui vous a été remis, madame la ministre, le 27 novembre dernier.

Quelques-unes de ses lignes ont retenu mon attention : « Le groupe a eu la surprise de constater que de nombreux documents préparatoires relatifs aux travaux de la mission Mattéoli étaient dispersés et qu’ils n’avaient donc pas été versés aux Archives nationales. C’est le cas notamment des travaux de recherche sur les MNR (à l’exception de ceux concernant les objets d’art) qui sont toujours conservés, semble-t-il, entre les mains des chercheurs de l’époque ou dans leurs administrations de rattachement. Ces travaux doivent être versés aux Archives nationales pour y être inventoriés, classés et rendus accessibles (sous réserve de l’obtention d’une dérogation). »

Madame la ministre, dans la mesure où des deniers publics, d’un montant non négligeable, ont été alloués à la mission Mattéoli – l’étude de la spoliation des Juifs relevait d’un impératif national et la nation s’est acquittée de cette tâche avec brio –, il serait bon que les documents en cause soient adressés au bon destinataire, afin de permettre aux services des musées notamment de travailler sereinement et dans de bonnes conditions.

Dans le même sens, il est question, ce dont nous nous réjouissons, de modifier le décret statutaire de la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations, la CIVS, afin que cette dernière, qui apparaît la plus légitime pour diligenter des investigations, le soit réellement et puisse prendre à bras-le-corps ce dossier, dont le traitement a quelque peu duré.

Nous vous saurions gré, madame la ministre, de nous tenir informés sur ce point.

Je souhaite également attirer votre attention, mes chers collègues, sur le rapport rédigé par quatre de nos collègues députés, sous la houlette d’Isabelle Attard, rendu public hier, dans lequel ils pointent du doigt la gestion très perfectible de certaines collections, en appellent à une politique de recherche systématique de la provenance des œuvres entrées dans les musées depuis 1933 afin que chacun puisse s’assurer que les collections qu’il conserve sont irréprochables.

Pour ce qui nous concerne, nous appelons de nos vœux à la fois un « minimum » de quête de provenance et un travail mémoriel au long court de la part de chaque musée doit faire.

Le 8 mai prochain, on pourrait, par exemple, fêter la fin de la Seconde Guerre mondiale en montrant les lieux où ont été stockées des œuvres d’art, ce qui a permis de sauver les collections publiques des musées. Grâce à une telle action, ce moment d’histoire assez sombre prendrait fin.

Par ailleurs, la question de la preuve a été évoquée. De ce point de vue, il est indispensable de consacrer quelques moyens pour permettre aux musées de mettre en réseau leurs archives, lesquelles sont actuellement éparses. Si elles étaient rassemblées méthodiquement, les personnels des musées pourraient mieux travailler. Certes, cette tâche est moins valorisante que l’accueil de grandes expositions internationales, mais elle répond à un impératif moral.

Enfin, madame la ministre, nous attirons votre attention sur la déréglementation du métier de guide conférencier, dans le cadre du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, sur lequel les écologistes se sont abstenus ce matin. Cette profession, sous prétexte qu’il faudrait servir un nouveau tourisme de masse, voit son accès libéralisé sans contrôle.

Nous regrettons vivement cette mesure. Pourquoi laisserait-on n’importe qui devenir guide conférencier des musées ? Il semblerait criminel d’agir de même avec les dentistes. Cette disposition émanant de Bercy, qui n’est pas une mesure en faveur de la culture, n’a pas été nécessairement validée par votre ministère, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur les travées de l’UDI-UC.)

Mme Claudine Lepage. Tout à fait !

Mme Colette Mélot, rapporteur. C’est vrai !

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