Accueil Petite enfance Stéréotypes de genre : la mini-révolution de Noël aura-t-elle lieu ?

Stéréotypes de genre : la mini-révolution de Noël aura-t-elle lieu ?

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Obsolètes le garçon super héros bricoleur qui sauve la planète à l’aide d’une épée laser et la fille princesse coquette et maman modèle qui nettoie si bien son intérieur ?

Quel bonheur, et quel soulagement surtout, de découvrir cette année dans un catalogue un petit garçon à la dînette, un baigneur dans les bras, une fillette concentrée sur un jeu de construction et une autre euphorique aux manettes d’une voiture télécommandée. Oui, quel délicieux cadeau de Noël pour toutes celles et tous ceux qui, comme moi, s’échinent à lutter contre les stéréotypes de genres, dès les premiers âges de la vie !

Une mini-révolution que ce catalogue de Noël sexuellement neutre des Marchés U, qui fait parler de lui cette année. Avec les stéréotypes inversés, l’enseigne va même plus loin que d’autres qui ont simplement abandonné les sections « filles » en rose et « garçons » en bleu au profit de pages thématisées sans distinction de sexe.

En France, ce combat n’a été pris au sérieux que tout récemment. La question des catalogues de jouets sexistes, discriminatoires et intellectuellement infondés interpelle depuis plusieurs années associations féministes mais aussi de nombreux parents. A l’heure où nous nous battons pour la parité, l’égalité des chances et des salaires, la répartition des tâches domestiques, alors que le plafond de verre au-dessus des femmes commence tout juste à se fissurer, il est tout simplement inacceptable de véhiculer une représentation si archaïque de la séparation des rôles socio-professionnels.

En Suède, Top Toy, franchise de l'enseigne américaine Toys’R’Us, vient elle aussi d’effacer de son catalogue de Noël toute trace d’orientation de genre en souhaitant définitivement mettre un terme à cette distinction. Ce qui est loin d’être surprenant dans ce pays puisque le débat sur les stéréotypes imprègne la société depuis de nombreuses années déjà. C’est d’ailleurs suite à un voyage d’étude en Suède, qu’a été insufflé en 2009 un projet innovant à la crèche Bourdarias de Saint-Ouen (93) en partenariat avec des formateurs suédois. Une démarche pédagogique inédite et volontaire orientée sur le genre et l’égalité filles-garçons qui inspire aujourd’hui très nettement notre politique à Paris.

L’éveil au respect entre les sexes en sensibilisant les enfants dès le plus jeune âge fait partie des objectifs de ma mandature. Malheureusement la petite enfance reste un secteur et un public très souvent oubliés par les politiques publiques soutenant l’égalité filles-garçons. Or de nombreuses études montrent que « les crèches sont au début d’une longue chaîne d’institutions qui renvoient imperturbablement les filles et les garçons à leurs rôles sexués »*. Les structures d’accueil collectif jouent en outre un rôle dans la perpétuation du partage inégal des pratiques parentales.

La petite enfance est la première marche d’un parcours éducatif, et c’est ainsi que je justifie notre démarche menée à Paris auprès des crèches pilotes qui, en 2013, accueilleront notre projet de lutte contre les inégalités filles-garçons.

Un premier questionnaire visant à sonder le bien-fondé de notre démarche a été distribué à 400 parents et les résultats sont plutôt concluants. Ils révèlent en effet une prise de conscience sur les stéréotypes véhiculés par la parole adressée aux enfants et le peu d’interrogation sur le choix de la littérature enfantine par les professionnels. En outre, ces derniers sont lucides quant aux stéréotypes genrés véhiculés dans leur communication avec les parents.

L’objectif étant de faire de cette démarche le point d’ancrage d’une nouvelle manière de concevoir le genre chez les tout-petits. Dans ce projet, l’important est d’impliquer l’ensemble des acteurs/trices de la socialisation des enfants : les parents, l’équipe et tous les intervenants extérieurs. Pour ce faire, la formation des personnels, en insistant sur l’observation, est primordiale. Les professionnel-le-s vont pouvoir, à terme, développer des compétences spécifiques dans ce domaine, promouvoir l’égalité filles-garçons et prémunir les enfants des violences sexistes.

Oui, cette année, avec ces initiatives prises par les grands distributeurs eux-mêmes, la lutte contre les stéréotypes de genre a gagné une toute petite victoire et nous ne pouvons que nous en réjouir. Mais lorsque je sors de l’Hôtel de Ville, que j’examine de plus près les vitrines parées pour le point d’orgue consumériste de l’année, je vois le long chemin qu’il reste encore à parcourir à la petite fille au sèche-cheveux pour rejoindre le petit garçon à l’établi…et réciproquement.

*Nicolas Murcier « La réalité de l’égalité entre les sexes à l’épreuve de la garde des jeunes enfants », Mouvements, N°49, 2007.

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