Accueillir les gens du voyage, nos concitoyens
Conseil de Paris des 2 et 3 février 2004
Au moment où le président de la République choisit de stigmatiser les Roms et les gens du voyage, comme si ces derniers étaient responsables de tous les maux de la société française, il m'a semblé utile de rappeler l'intervention que j'avais faite au conseil de Paris en 2004 sur les aires d'accueil des gens du voyage.
Avis du Conseil de Paris sur le projet de schéma départemental d’accueil des gens du voyage
Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les conseillers,
L’Etat français a, de tout temps, privilégié une approche discriminante et sécuritaire des populations romanies : des différents textes relatifs aux « vagabonds » et aux « errants » du 19ème siècle à la loi de 1912 instituant le carnet anthropométrique pour les « nomades » ou à l’internement des Roms sous le sinistre régime de Vichy.
Les lois Besson de 1990 et 2000 sont venues apporter un certain nombre de solutions aux questions de l’accueil des gens du voyage, mais elles souffrent d’insuffisances, comme le montre le très grand déficit en places d’accueil en France.
On ne peut que dénoncer la loi sur la sécurité intérieure de janvier 2003 -dite loi Sarkozy- qui, dans son délire sécuritaire, stigmatise à nouveau, dans un texte fourre-tout, une population déjà marginalisée, en criminalisant le stationnement illégal des gens du voyage, alors que nombre de collectivités traînent des pieds pour appliquer la loi Besson et réaliser des aires d’accueil dignes de ce nom.
Dans ce contexte, le projet de schéma départemental d’accueil des gens du voyage qui nous est soumis représente une certaine avancée dans l’application de la loi du 5 juillet 2000.
Néanmoins, comme le souligne ce projet de délibération, les premières études concernant les aires d’accueil à Paris ne permettent pas encore de satisfaire à l’ensemble des obligations prévues par la loi du 5 juillet 2000.
Il est donc de notre devoir de démontrer, de façon concrète, aux gens du voyage, qu’ils soient de nationalité française ou autres citoyens du monde que nous ne voulons ni les stigmatiser, ni les discriminer, mais au contraire les reconnaître de plein droit dans leurs différences et principalement le droit de ne pas se sédentariser. C’est à dire le droit à vivre en habitat mobile sans pour cela être vagabond, et donc le droit de stationner temporairement et de vivre dans des conditions respectables.
Le schéma départemental est censé être conçu pour mettre un terme au stationnement dit sauvage. Mais encore faut-il que le nombre d’emplacements soit suffisant. Alors que les spécialistes recensent environ dix mille caravanes en Ile de France, le nombre d’emplacements prévus à terme n’est que de 6000 pour la Région et seulement 200 à Paris.
Seuls trois sites parisiens sont, pour l’instant, pressentis pour servir d’aires d’accueil. Aussi, même si le projet de délibération indique, je cite, que « la mise en œuvre définitive des projets d’aire fera l’objet d’une concertation avec les maires d’arrondissement, et d’une inscription dans le cadre de la révision du PLU », nous avons une réelle interrogation sur le délai que mettra la collectivité parisienne pour respecter l’obligation de la loi.
Nous comptons sur le sens de l’intérêt général des maires d’arrondissements, et, plus encore, sur le vôtre, Monsieur le Maire, pour que Paris soit exemplaire en la matière.
Par ailleurs, il convient que l’effort soit partagé équitablement et que des petites structures d’accueil soit trouvées en différents endroits de Paris.
Lors des réunions de la commission départementale consultative des gens du voyage, les représentants des gens du voyage et de la Caisse d’Allocations Familiales ont affirmé qu’il était préférable d’aménager des aires de 15 à 20 places, ce qui permet une gestion du site par les gens du voyage eux-mêmes, ce qui a un effet de responsabilisation.
Le projet de schéma prévoit actuellement la réalisation de sept aires d’accueil de 25 à 30 places, voire jusqu’à 40 places. En suivant les préconisations exprimées par les gens du voyage dans la commission consultative, nous pourrions aménager davantage d’aires, de taille réduite, de l’ordre de 20 places environ.
Sur la localisation des sites : il est souhaitable qu’une concertation ait lieu, voire que des synergies soient créées avec la ou les communes limitrophes concernées et avec le département concerné, puisque les départements limitrophes de Paris sont aussi soumis à l’obligation de l’adoption d”un schéma d'accueil.
Concernant les critères d’accès aux aires d’accueil, l’exposé des motifs de ce projet de délibération définit l’hospitalisation comme critère prioritaire.
Ce parti pris n’est, bien entendu, pas critiquable. Toutefois, il apparaît assez contradictoire avec l’accès à la scolarisation des publics accueillis. En effet, on ne peut envisager de scolarisation si les durées de stationnement ne sont pas au minimum trimestrielles.
Vu le manque de place, que se passera t-il pour la scolarisation des enfants dont la famille n’a aucun parent hospitalisé, sauf à tomber sous le coup de la loi Sarkozy ?
Il nous semble nécessaire de rappeler que la demande la plus fréquente chez les gens du voyage est de pouvoir stationner pendant les périodes scolaires afin que leurs enfants puissent suivre une scolarité normale. Ce point mérite donc d’être précisé.
Je souhaite terminer mon intervention sur les questions d’information et de communication, notamment à l’égard des riverains, lorsqu’il y en a.
Nous le savons, le mépris et la peur viennent de l’ignorance, et si les populations riveraines sont a priori méfiantes, voire hostiles, à l’accueil des gens du voyage, c’est en raison d’une méconnaissance profonde du mode de vie et de la culture des gens du voyage.
Aussi, il est primordial que la collectivité parisienne réfléchisse, dès à présent, à une campagne d’information et de communication dans le but de faire connaître le mode de vie et la culture – je dirai même l’apport culturel- des gens du voyage.
Un exemple : la municipalité de Taverny, dans le Val d’Oise, a édité une plaquette intitulée « les gens du voyage sans détour », apportant des réponses aux questions que se posent les habitants au sujet des gens du voyage, de manière à lever un certain nombre de tabous et d’idées reçues.
Elle a également organisé une exposition sur la culture tsigane et organise des spectacles et des concerts de musique tsigane.
L’exemple de la mairie de Taverny mérite d’être suivi.
Le groupe des élus Verts reste persuadé que si nous en avons la volonté, Paris peut mettre en œuvre les moyens nécessaires pour réaliser ce que d’autres villes ont déjà fait pour accueillir les gens du voyage, nos concitoyens, et leur permettre de vivre décemment sur le territoire parisien.
Il en est du devoir et de l’honneur de Paris.
Je vous remercie.
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