Réinventer la Seine, réinventer Paris
Aménagement des berges de Seine
Mon intervention au conseil de Paris de juillet 2010
Monsieur le Maire,
Réinventer les berges de Seine. Réinventer Paris. Tel est le mot d’ordre auquel nous invite le projet de reconquête des berges de la Seine.
La Seine, ligne de vie
Oui, réinventer Paris, car de tout temps, la ville a vécu avec son fleuve. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les armoiries de la ville de Paris sont symbolisées par un bateau voguant sur la Seine. La Seine est la colonne vertébrale de Paris, sa ligne de vie.
Pendant des siècles, les parisiens ont été proches de leur fleuve, et il est utile de rappeler que les parisiens se baignaient dans la Seine jusque dans les années 1930, avant que la baignade soit interdite, pour cause de trafic fluvial intensif mais aussi pour cause de pollution.
Tout-automobile
Mais depuis quelques décennies, Paris tourne le dos à son fleuve. La raison est simple. Ce sont les choix d’aménagements urbains qui ont été réalisés dans les années 1960 et 1970, le règne du tout-automobile, qui ont coupé la ville de son fleuve. Il fallait à l’époque, selon les propres mots de Georges Pompidou, « adapter la ville à la voiture ».
Les berges offrent aujourd’hui un paysage indigne de notre capitale : celui d’une autoroute urbaine en plein cœur de la ville, alors même que les berges de la Seine sont classées au patrimoine mondial de l’Unesco.
Là où elles ne sont pas circulées, les berges offrent un aspect morcelé, illisible, peu cohérent, et les continuités piétonnes sont mal assurées, quand elles ne sont pas purement et simplement absentes. Et je ne parle même pas des continuités cyclables, quasi-inexistantes.
Le paysage des berges aujourd’hui, c’est donc celui d’un espace inhospitalier, un tube à voitures, générateur de nombreuses nuisances comme le bruit ou la pollution de l’air.
Une autoroute en plein cœur de ville, c’est une aberration urbanistique, un anachronisme inexplicable. Comment expliquer en effet, que pour relier la porte de Saint-Cloud à la porte de Bercy, deux points situés en périphérie de la capitale, il faille passer par le centre de Paris, alors même que le boulevard périphérique remplit cette fonction ?
Entrer dans le 21e siècle
Reconquérir les berges de la Seine, c’est entrer de plain pied dans la ville du 21e siècle, comme l’ont fait de nombreuses villes en France et en Europe, citons par exemple les villes de Lyon et de Bordeaux, qui ont retrouvé le lien avec leur fleuve ou la mer.
Cette ambition, les écologistes la défendent depuis toujours. En 2002, le succès de la première édition de Paris Plage nous a renforcé dans notre conviction que la reconquête des berges répond à une réelle attente. Quatre semaines durant, notre cité renoue les liens avec son fleuve, et nous avons à maintes reprises exprimé notre souhait que cette opération ponctuelle soit progressivement étendue.
Monsieur le Maire, vous avez présenté en avril dernier un projet de reconquête des berges. Les élus Verts vous soutiennent pleinement dans cette initiative, en considérant qu’il s’agit là d’une première étape d’un plan plus global, qui nous mènera jusqu’à la restitution globale des berges aux parisiens, aux franciliens, aux touristes, bref, à tous ceux qui aiment Paris.
Des scénarios pour l’enquête publique
Nous pouvons émettre le regret que ce projet n’ait pas été co-élaboré avec vos partenaires de la majorité municipale, et nous souhaitons en conséquence proposer un certain nombre d’amendements ou de vœux pour que le projet soit amélioré.
Nous pensons notamment que deux ou plusieurs scénarios d’aménagement pourraient être soumis à l’enquête publique, plutôt que le seul scénario que vous proposez.
Nous pensons notamment au fait que la reconquête de la berge en rive droite pourrait s’effectuer sur le modèle de la rive gauche, avec une restitution des berges à d’autres usages que la seule circulation automobile. Nous ne mésestimons pas les conséquences en termes de report de circulation. Mais nous notons que dans le dossier de présentation que la Ville de Paris a remis à la Préfecture de Police en mai dernier, il est indiqué je cite « en 2001, les berges du 7e comme du 4e sont restées fermées plus de deux mois, en période de plein trafic. Si les temps de parcours ont été globalement augmentés, le fonctionnement métropolitain n’a cependant pas été affecté, dans un contexte où le niveau de circulation était globalement supérieur ».
On est loin de la thrombose généralisée que la droite et le centre-droit de cet hémicycle semblent souhaiter tant ils l’agitent comme un épouvantail. La perspective d’une reconquête de la rive droite doit faire partie du champ des possibles. Nous vous demandons à travers un amendement de laisser ouverte cette possibilité.
D’autant que, si nous sommes parfaitement en accord sur la perspective de l’aménagement de la rive gauche, nous avons des interrogations sur le schéma que vous proposez pour la rive droite, à savoir la cohabitation entre une circulation qui restera intensive, et la volonté de restituer une partie des berges aux piétons. Nous souhaitons donc que des études approfondies puissent être menées pour déterminer les conditions d’une reconquête plus globale des berges, en rive droite comme en rive gauche, et les présenter à l’enquête publique.
Augmenter l’offre de transports en commun
Bien entendu, la reconquête des berges de la Seine devra s’accompagner d’un plan de renforcement des transports collectifs, de manière à inciter au report du trafic sur les transports en commun. Mon collègue Denis Baupin insistera sur le renforcement des RER A et C, de la ligne 1 du métro, de la création d’une ligne de bus à haute qualité de service sur les quais hauts, ou bien encore d’un service public de transport fluvial sur l’ensemble du bief de la Seine, de Maisons-Alfort et/ou Vitry-sur-Seine à Suresnes.
Penser les berges, c’est aussi penser à l’aménagement des quais hauts. Les propositions d’amélioration des traversées proposées au niveau du palais de Tokyo ou du jardin des Tuileries vont tout à fait dans le sens d’une meilleure intégration urbaine des quais. Nous pensons malgré tout que ceux-ci resteront encore fortement marqués par un aspect routier. En de nombreux endroits, en particulier en rive droite, les trottoirs sont extrêmement étroits et la circulation des piétons, dont celle de nombreux visiteurs, y est malaisée. Aussi nous proposons que la ville de Paris étudie le réaménagement des quais hauts en boulevards urbains, avec la priorité donnée aux bus en site propre, à des trottoirs élargis, et des pistes cyclables sécurisées et continues.
Nous voulons aussi que la qualité des berges soit améliorée, avec de véritables continuités piétonnes et cyclables, et que la biodiversité soit préservée, affirmant la Seine dans son rôle de corridor écologique. Aménager les berges, c’est aussi penser à la réalisation de nouvelles passerelles piétonnes, accessibles aux vélos, pour mieux relier les deux rives, en particulier aux endroits où l’interdistance entre les ponts est importante. C’est le sens de plusieurs vœux que nous déposons.
UMP : un "contreprojet" rétrograde
Je voudrais dire un mot sur l’opposition municipale : l’UMP parisienne a présenté un contre-projet, dont le principe consiste à ne surtout rien changer. Pour la droite parisienne, les berges de la Seine doivent rester une autoroute, que l’on habille de vert pour faire moderne et tendance. Elle propose ainsi une hasardeuse « dentelle de passerelles » qui relierait des espaces événementiels. Couvrir les berges d’une chape de béton, voilà le projet de l’UMP pour Paris. La droite parisienne du 20e siècle, c’était Georges Pompidou. La droite parisienne du 21e siècle, c’est Georges Pompidou plus le béton. Vous aurez noté l’évolution.
A l’opposé de ces valeurs et de ces orientations, nous voulons rendre la beauté des berges de Paris à d’autres usages que celui d’un aspirateur à voitures. Car l’aménagement des berges de Paris, ce n’est pas seulement traiter une question de circulation. C’est aussi et surtout développer d’autres usages, sportifs, culturels, citoyens, que ma collègue Danielle Fournier développera, mais aussi des usages économiques avec la préservation et même le développement de l’activité portuaire fluviale pour le fret des marchandises.
Pour conclure, je voudrais vous dire l’enthousiasme des élus Verts à voir enfin se concrétiser les engagements pris au début de la décennie précédente. Au cœur de la capitale, les berges sont classées au patrimoine mondial de l’humanité. Parce que nous aimons Paris, nous voulons que les berges de la Seine aient un autre destin que celui d’une autoroute urbaine. Rendons aux berges de la Seine un statut digne de leur rang, faisons-en des espaces ouverts à tous, pour que notre capitale, la Ville lumière, brille de tous ses feux !
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