Lyon – Turin : un tunnel pour rien ?

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Coûteuse, lointaine et basée sur des prévisions irréalistes, la construction d’un tunnel international supplémentaire de 57 km entre Lyon et Turin n’est pas prioritaire. Les écologistes plaident pour une politique d’ensemble immédiate en faveur du report modal, avec notamment une éco-redevance poids lourds et des investissements sur les liaisons ferroviaires existantes.

En France, en Italie et en Suisse, les écologistes défendent un principe simple : ferroviaires ou pas, les infrastructures nouvelles sont prédatrices d’espace, d’énergie, et de deniers publics. Elles doivent être proportionnées aux besoins présents et raisonnablement estimables à l’avenir.

Or, le « Lyon – Turin » est basé sur des projections de trafic extravagantes : aux passages du Mont Blanc et du Fréjus, 23,6 millions de tonnes de marchandises ont transité en 2011, un volume qui stagne depuis vingt ans, voire diminue. Comment les promoteurs du projet peuvent-ils prévoir un doublement des flux d’ici 2035 et un quadruplement d’ici 2050, avec toujours plus de camions[1] ?

Car le tunnel actuel du Mont Cenis permet d’ores et déjà un report modal important. Ouvert au grand gabarit depuis le 1er mai 2012 après un investissement de plusieurs centaines de millions d’euros sur l’ensemble de l’axe Dijon-Modane, il offre une capacité de l’ordre de 20 millions de tonnes de marchandises par an. En 2011 il n’a accueilli que 3,4 millions de tonnes. Dans ces conditions, la construction d’un second tunnel n’est vraiment pas prioritaire.

Plus long que le tunnel sous la Manche, ce projet n’est d’ailleurs pas financé, comme l’a souligné la Cour des comptes. Avec les 10 milliards d’euros qu’il en coûterait, les écologistes proposent de mettre à niveau l’offre ferroviaire en répondant aux besoins les plus criants :

  • entre Lyon et le sillon alpin, développement d’un itinéraire fret et voyageurs à haut niveau de service, amélioration des liaisons Lyon – Chambéry (dont 43 km sont encore à voie unique !) et Lyon – Grenoble ; amélioration simultanée du sillon alpin Nord[2] ,
  • amélioration de la liaison Turin – Suse, contournements de Lyon et Turin ;
  • création de plateformes fret intermodales, connectées aux grands axes ferroviaires et aux zones d’activités logistiques ;
  • simplification des services fret (équipage unique, coordination transfrontalière…) ;
  • dispositifs de protection des populations des villes et des vallées contre les risques et nuisances (pollutions, accidents, bruit…) ;
  • poursuite du développement de l’offre TER, création de services tram-train, tramway et bus à haut niveau de service autour des villes de l’arc alpin.

Les fonds publics européens, français et italiens doivent être mobilisés en priorité sur ces investissements.

Dans le même temps, si l’on souhaite vraiment que le transport de marchandises à travers les Alpes se reporte sur le rail, pourquoi ne pas mettre en place tout de suite une éco-redevance sur le fret routier ? Cette redevance, qui existe déjà en Suisse à un niveau conséquent, permettrait de financer des infrastructures alternatives à la route, mais aussi d’assurer leur attractivité, en rétablissant la vérité des coûts du transport routier.


[1] RFF prévoit 700 000 camions supplémentaires au Mont Blanc et au Fréjus à l’horizon 2035, avec le tunnel !

[2] Ligne Genève – Annemasse – La Roche-sur-Foron – Annecy – Aix-les-Bains – Chambéry – Montmélian – Grenoble.

 


[1] Ligne Genève – Annemasse – La Roche-sur-Foron – Annecy – Aix-les-Bains – Chambéry – Montmélian – Grenoble.

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