LE RENDEZ-VOUS MANQUÉ DE L’ÉCONOMIE VERTE
Les écologistes souhaitent redonner du sens à une économie libérée du mythe de la croissance, orientée vers la coopération, la proximité et l’utilité sociale. C’est dans cet esprit qu’ils ont participé à l’élaboration de la stratégie économique de la Région. Au final, ils regrettent que la délibération ne donne pas de priorité réelle à ces orientations.
La stratégie régionale de développement économique et d’innovation (SRDEI) soumise à l’assemblée plénière du Conseil régional soulève une grande question : socialistes et écologistes peuvent-ils s’entendre sur une même vision de l’économie régionale ?
La conception de l’économie est une ligne de fracture qui sépare les écologistes des partis productivistes français. « Les partis de droite comme de gauche se sont habitués à nous présenter la croissance comme le but très difficile à atteindre d’où découleraient toutes les solutions à nos problèmes, explique Eric Piolle, co-président du groupe Europe Ecologie – Les Verts à la Région. Plutôt que de baser toutes nos politiques sur ce mythe, le plus important est de donner du sens à notre économie : pourquoi on achète un objet, d’où vient-il ? L’échange doit être un acte de société, et l’emploi, en même temps que sa fonction de gagne-pain, doit être envisagé sous l’angle de son utilité sociale. »
En effet, l’économie de Rhône-Alpes est plurielle. En plus de l’industrie, elle intègre l’agriculture, la formation, le tourisme, les transports… « La stratégie régionale devrait soutenir massivement ce qui permet de satisfaire les besoins de base : logements, alimentation saine, transports collectifs, estime Fatiha Benahmed, présidente de la commission économie et emploi. Elle doit préserver les ressources et la santé. »
Coopération plutôt que compétition
Ainsi, la Région devrait engager une mutation vers un autre modèle pour induire un changement d’état d’esprit radical chez les agents économiques. « J’imaginerais des pôles de coopération plutôt que des pôles de compétitivité, explique Fatiha Benahmed. Une entreprise isolée souffre toujours plus que dix qui mettent leurs moyens en commun. » Pour que cette logique de coopération aille jusqu’à la gouvernance des entreprises, la Région pourrait par exemple encourager l’organisation en structures coopératives. « Je suis convaincu que c’est aussi un critère d’efficacité économique », estime Cyril Kretzschmar, conseiller délégué à la nouvelle économie.
Enfin, l’économie écologique privilégie la proximité. « L’économie ne doit pas seulement être un outil d’asservissement, estime Cyril Kretzschmar. Les citoyens doivent pouvoir facilement en devenir acteurs, individuellement ou collectivement. » La Région doit donc pouvoir accompagner les initiatives des rhônalpins pour créer des entreprises en les guidant vers des choix économiques qui font coïncider leur aspiration personnelle avec l’intérêt général.
Plusieurs lièvres à la fois
Au contraire, le projet original de SRDEI était très focalisé sur l’industrie. Cyril Kretzschmar a pesé pour l’orienter aussi vers les services, l’artisanat, ou le commerce et les emplois associatifs qui représentent plus de 60 % des emplois. Les élus écologistes ont aussi fait pression pour que les entreprises prennent en compte les préoccupations environnementales. Ils ont aussi obtenu qu’elles soient encouragées à opérer une transition vers une économie de l’usage de préférence au tout-jetable. Enfin, le groupe écologiste proposera un amendement pour que les politiques économiques régionales soient évaluées réellement par l’assemblée régionale sur des critères basés en priorité sur l’utilité sociale et environnementale et la qualité du travail et de l’emploi.
Cependant, le groupe écologiste aurait préféré que la délibération donne une priorité très claire à ces orientations. « Au final, cette stratégie court tous les lièvres à la fois : l’industrie, l’export d’un côté; et de l’autre, l’économie de proximité, regrette Cyril Kretzschmar. Elle décrit ce qui existe aujourd’hui plutôt que ce qu’on pourrait faire. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour adapter l’économie aux enjeux écologiques. »
A l’avenir, les élus écologistes comptent bien continuer à s’investir dans toutes les décisions du Conseil régional pour mettre en œuvre leur vision d’une économie verte.