Intervention générale d’Alexandra Cusey et Eric Piolle, co-présidents sur le budget régional 2011

Co-Presidents-17
  • L’effort pour se loger a quasiment doublé en 25 ans d’après l’INSEE.
  • Sur la même période, les minima sociaux tombaient, là encore selon l’INSEE, de 31% du niveau de vie moyen en 1985 à 23% aujourd’hui.
  • Et l’INSEE souligne que pour la première fois depuis les années 60 la part des revenus consacrée à l’alimentation augmente.
  • La formation est impactée elle aussi, avec l’arrêt depuis 20 ans des progrès dans ce domaine, et même depuis 2000 la baisse du taux de scolarisation à 20 ans.

Ces indicateurs sociaux sont alarmants.

Ils révèlent des tendances lourdes et des défis immenses.

J’aurais pu prendre des exemples dans le domaine de l’environnement, ou dans l’économie, la culture…

Et surtout dans le domaine démocratique, car notre cohésion sociale et notre vivre ensemble est attaquée par l’affolement de l’abstention, l’extrême droite et une droite dure, à la fois ultralibérale et liberticide.

Nous pouvons regarder cela comme une crise passagère, (Coluche : « à 10 ans, on n’est pas responsable ») ou plutôt vers une transition difficile vers un nouveau projet dont nous dessinons les contours.

La déclaration de Philadelphie, portée par Roosevelt en 44 (désolé, c’est un peu ancien, mais nous faisons collectivement souvent acte de courage et de lucidité après les grands électrochocs de l’histoire) exprimait simplement dans son préambule : « la pauvreté, où qu’elle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous ».

En découlaient dans ces 2 simples pages des objectifs de protection de la santé, de niveau adéquat d’alimentation, de logement et de culture, la protection de l’enfance et le développement de la formation.

Et même le besoin de donner l’opportunité à chacun de contribuer au mieux au bien commun.

Cette déclaration fixait un cap pour des actions locales et globales.

Si nous devions rajouter quelque chose, c’est que nous avons compris depuis que la croissance ne peut servir de leurre plus longtemps. Au-delà même du réchauffement climatique, qui nous a conduit à délibérer en Octobre sur le plan Climat, même un enfant jouant au kapla, ces petits lego en bois, saisit qu’il a un stock qui n’est pas infini. Il pense donc sa construction avec cette contrainte. Et alors, quel lien avec ces deux jours de discussions budgétaires que nous entamons ?

Un lien simple : nous avons à définir le cadre qui guide notre engagement collectif.

Bien sûr avec l’humilité du champ d’actions qui est le nôtre. Notre Région, bien que riche, est naine au regard des budgets d’autres régions, elle est même dans le ventre mou des budgets régionaux en France, aux alentours de la 15ème place seulement en terme de budget total par habitant.

Seule, Rhône-Alpes ne pourra pas tout changer. Mais les Régions offrent des leviers d’action très importants. Leurs budgets cumulés représentent près de 30 milliards d’euros, et leur investissement représente les 2/3 de celui de l’Etat.

Les régions sont des collectivités de projets qui permettent l’expérimentation de proximité et l’inventivité politique. Au-delà de la gestion quotidienne, et malgré les décisions de l’Etat pour encadrer leur activité, et les étrangler financièrement elles sont  un espace qui permet  la construction d’un nouveau rapport au développement et à la solidarité.

Nous y reviendrons, mais nous avons au-delà de notre discussion budgétaire rhônalpine un vrai défi : faire des régions, dont plus personne ne conteste la légitimité démocratique et l’efficacité d’actions, faire des Régions un acteur central dans l’accouchement d’un nouveau modèle.

C’est ainsi que nous sommes conscients que nous ne sommes pas dans une parenthèse d’un travail de gestion, mais dans un engagement budgétaire qui permet d’assurer le présent et de préparer l’avenir. C’est ce que nous avons fait collectivement au sein de la majorité, en présentant un budget dont les recettes sont stables, dépenses de fonctionnement ou plutôt d’interventions stables et un investissement maintenu au-delà de la moyenne de la précédente mandature.

Nous ne nous sommes pas laissé entraîner par la pression gouvernementale sur les dépenses, pression guidée par le marasme économique et téléguidée par les agences de notation dont on suit les recommandations tout en dénonçant la puissance.

Vous avez pu voir comme moi, d’ailleurs, que Fitch confirme gentiment ses notes triple A et F1+ pour la région Rhône-Alpes. Et partage ses réflexions sur ce qu’il convient de faire en terme d’épargne brute et de niveau d’investissement. Je ne sais pas si j’y lis des conseils ou des menaces…

« L’incapacité de la région à maintenir son épargne de gestion au niveau actuel pourrait également peser sur les notes […] Ainsi le total de l’épargne brute et des recettes d’investissements couvrait 82,2% des dépenses d’investissements en 2009 et ce taux devrait diminuer à hauteur de 79% en 2010, un niveau que Fitch considère comme étant un minimum »

 S’il est quelque chose à faire dans le domaine de notre gestion financière, c’est la mise en œuvre de la délibération contre les paradis fiscaux que nous avons votée en juillet dernier pour plus de transparence financière.

C’est dans l’évaluation pointue de nos clusters et autres pôles de compétitivité.

C’est que nous devons renforcer nos éco-conditionnalités dans l’investissement de l’argent public.

Nous ne nous sommes pas laissé enfermer non plus par le slogan du « trop d’endettement » du gouvernement.

D’abord parce que la situation financière de la région reste saine à l’issue de ce budget – doit-on rappeler que nous ne représentons que 200€ de dette par habitant sur les 30 000 € par habitant de dette publique.

Ensuite parce que le slogan du gouvernement masque que nous n’avons pas un problème de dépenses mais un problème de recettes. Bouclier fiscal, baisse des droits de succession, baisse d’impôts des plus riches – particuliers ou entreprises, voilà ce que le gouvernement ponctionne. Voilà une redistribution à l’envers qui s’opère aux détriments du plus grand nombre pour le profit des plus riches !

Le choix du gouvernement, c’est d’augmenter les inégalités et donc les tensions sociales que l’on prétend gérer ensuite avec des forces de police, des hélicoptères et des tasers,… en faisant ensuite diversion dans le débat politique en ciblant les étrangers, les magistrats, les journalistes indépendants, …

Nous avons poussé pour conserver cette liberté de choix et cette ambition collective, et nous sommes satisfaits de l’équilibre trouvé.

Lors de la précédente mandature, le budget de la région a progressé de 57% dans l’absolu. Hors impact de la décentralisation, les dépenses d’intervention ont progressé de 36%.

Tout cela en conservant une capacité de désendettement raisonnable et favorable par rapport aux autres régions.

Les Rhônalpins ne nous en veulent pas d’avoir dépensé pour les lycées et les transports ferroviaires. C’est le bon usage de l’argent public au service du bien commun.

Nous avons, lors du débat d’orientation budgétaire, fixé un cap lisible à l’action régionale. Les Rhônealpins ne nous en voudront pas de dépenser pour la formation tout au long de la vie, pour transformer l’économie et les emplois dans nos territoires, de transformer nos politiques au regard de la crise climatique et de permettre à chacun de s’investir dans tous les champs de la vie sociale.

Aujourd’hui nous sommes donc ici pour débattre et voter le budget primitif de la région pour l’année 2011

Ce budget doit être la concrétisation de nos engagements vis-à-vis des 6 millions de Rhônalpins ! Et comme c’est le premier budget de la mandature, nous sommes d’autant plus attendus.

Aujourd’hui  nous sommes là pour décider comment redistribuer les 397 € par habitant dont nous disposons en Rhône Alpes.  Et c’est peu, (rappelons que la région voisine du Val d’Aoste a un budget de 2 milliard pour 125000 habitants)

Notre travail budgétaire a été guidé par :

  • la relecture de la déclaration commune de mars 2010 qui nous a permis de constituer une majorité pour Rhône Alpes
  • le cap que nous nous sommes fixés collectivement dans le travail sur le débat d’orientation budgétaire, je rappelerai ici ses 4 axes :
    • Pas un jeune de 16 à 25 ans sans un emploi, une formation ou un stage
    • Le développement au service de l’emploi durable dans tous les territoires, ce que nous appelerions la transformation écologique de l’économie.
    • Une éco-région exemplaire
    • Une région citoyenne et solidaire : pour une volonté marquée de respecter et faire participer chacun et chacune dans tous les champs de la vie sociale.

Saurons-nous concrétiser ces objectifs ? Je le crois. Notre groupe le croit ! Et c’est avec détermination que nous y travaillerons. Aujourd’hui nous commençons à nous en donner les moyens.

Enfin  nous sommes restés cohérent avec les propositions et les votes que les écologistes ont eu au sein de cette assemblée depuis 1992.

Jean-François Debat nous a montré les grandes lignes de ce projet de Budget 2011. Les grands équilibres pour l’investissement et le fonctionnement nous conviennent. Nous les partageons, et plus encore, nous les avons voulu. Ce budget reste actif. Il n’ajoute pas de la récession à la récession, de la rigueur à la rigueur. En même temps, il ne crée pas de déséquilibres.

Je ne referai pas ici le balayage de tous les points. Je  m’attacherai plutôt à dégager ce qui fait la singularité de nos propositions. Nos propositions qui viennent renforcer la dynamique de cet équilibre.

Lors de la fusion de nos listes en mars, nous avions acté un certain nombre de différences. Ainsi, nul étonnement que nous proposions un amendement pour ne plus subventionner la candidature de Annecy à l’organisation des JO d’hiver de 2018. Il est enfin temps d’arrêter les frais.

Il en est de même sur le volet recherche du CPER. Nous ré-affirmons nos principes d’une recherche citoyenne et de l’application du principe de précaution. Aujourd’hui nous sommes bien seuls. Comme nous l’avons été pendant des années sur notre opposition aux autoroutes… Refusant inlassablement de développer un archaique réseau routier. Nous sommes sortis de tout automobile au sein de notre Région. Quand sortirons-nous du tout bio-nano-technologies

Mais mes collègues développeront davantage ces enjeux dans la discussion de ces 2 amendements qui visent à éviter des dépenses malvenues.

Au delà de ces différences nos propositions visent à renforcer des politiques existantes et capitales pour le développement de notre région. Nos propositions visent à redonner des marges de manoeuvre financière à notre collectivité.

L’ensemble de nos amendements ne vise qu’à donner des moyens et parfois des moyens humains pour accompagner nos priorités.

Mais j’aimerais revenir sur le renforcement des secteurs d’avenir que mentionne notre déclaration commune de mars dernier.

Pour nous l’avenir c’est en premier lieu : la formation

Véritable investissement pour notre futur commun. dans ce budget la formation a une place significative et finalement est une des délégations préservées malgré la pression que le gouvernement impose au région en terme budgétaire. Le service public régional de la formation pourra être mis en place et nous nous en félicitons car la précarité est galopante et le gouvernement se désengage de sa prise en charge ou de son éradication. Nous resterons vigilant pour que cet effort soit prolongé tout au long de notre mandature

Et parce que nous travaillons dans la transversalité, nous proposons 4 amendements.

L’un sur le renforcement du plan pluriannuel d’investissement dans les lycées à hauteur de 5 M, pour ne pas baisser les bras, pour soutenir l’effort  qui a été fait dans le précédent mandat. Nous ne pouvons pas faire comme-ci certains lycées méritaient également une attention renforcée, je pense notamment ici à Mounier, dont les élèves, les professeurs et les parents d’élève sont encore venus hier nous rappeler leur détermination à préserver leur établissement.  Le 2e amendement sur les lycées vise à amplifier notre action énergétique pour 3 M€, en cohérence totale avec notre délibération d’octobre sur le plan climat. -40 % cela ne s’improvise pas. C’est pourquoi, le groupe Europe Ecologie Les Verts se félicite d’un abondement de 5 M € en autorisations de programme pour le projet de SEM énergie. La d’ailleurs il s’agit de continuité car ce projet porté par le groupe Les Verts de la précédente mandature. Nous ferons en en sorte qu’il puisse prendre de l’ampleur dans les quelques années de notre mandat.

3ème proposition : sur les CFA, pour qu’ils s’engagent aussi dans une dynamique “éco-responsable” à l’instar de ce que nous avons fait avec les lycées. 500 000 € pourraient être affectés dans un premier temps.

Enfin, 4e proposition, celle de faire bénéficier aux lycées les fruits de nos économies de gestion de la carte M’RA.

Nous tenons à souligner le maintien de l’effort vers les étudiants et les sites décentralisés de nos universités et établissements d’enseignement supérieur de notre région.

Ainsi nous renforçons notre premier objectif de formation tout au long de la vie : des lycéens aux apprentis, des étudiants aux adultes en formation continue.

2ème objectif que nous nous sommes fixés ensemble : l’emploi pour tous, de qualité, adapté aux enjeux de l’avenir

C’est d’abord l’agriculture, mais pas n’importe qu’elle agriculture. Véronique Rousselle a détaillé hier notre vision d’une agriculture respectueuse des hommes et de l’écosystème, soucieuse d’aménagement et de souveraineté alimentaire. Nous proposerons donc des amendements faisant suite à la délibération cadre que nous avons voté hier à l’unanimité et qui propose de maintenir des moyens constants à cette délégation dont les moyens n’avaient été augmenté qu’une fois dans le précédent mandat.

En économie, il ne s’agit pas seulement de créer une nouvelle délégation “Nouvelle économie, nouveaux emplois, artisanat et économie sociale ete solidaire“. Faut-il encore que des moyens humains y soient affectés. C’est pourquoi nous proposons la création 3 postes. Au-delà de la question des ressources financières, la nouvelle économie ne peut se mettre en oeuvre qu’à travers une nouvelle gouvernance des politiques économiques. Pour que la Région assume pleinement son role de cooridination des politiques économiques, il faut une stratégie beaucoup plus affirmée et des ressources humaines du côté des élus comme des services, plus mobilisés sur la conduite des projets partenariaux avec les collectivités, les acteurs économqiues et l’Etat.

Autre  point, sur le management environnemental, un petit effort reste à produire. Aujourd’hui, plus que jamais, les acteurs économiques souhaitent un renforcement de l’accompagnement et du soutien de la région pour l’éco-innovation et le déploiement du management environnemental dans leurs entreprises.

Enfin, peut-on raisonnablement mener une ambitieuse concertation sur la vie associative, tracer de nouvelles perspectives sur l’emploi associatif au service du développement des projets d’utilité sociale et d’intérêt général,  et ne pas se donner, pour répondre à la hauteur des défis que nous avons à relever, les marges de manoeuvre nécessaires pour actionner lorsqu’il sera temps des crédits de fonctionnement ?

3e axe inscrit dans le texte du débat d’orientation budgétaire : le développement de notre éco-région.

Pour cet axe je me centrerai sur ce qui est notre principal levier : les transports.

Une satisfaction d’abord ! Nous avons reçu des assurances sur le maintien de la ligne mode doux. Mais nous sommes particulièrement inquiets, entre autre sur la perspective de ne pas poursuivre les efforts de cadencement. Oui, nous partageons l’analyse qu’il nous faut travailler à l’amélioration qualitative du service (ponctualité, information voyageurs, etc) mais il y a encore beaucoup à faire en terme quantitatif !

Comme nous l’avions signifié clairement au moment de notre vote contre les horaires TER nous ne voulons pas que la région paie la surfacturation dûe à la mise en service de la ligne TGV du Haut Bugey.

Nous avons pu noter ici le double jeu pervers que joue l’état en faisant sans cesse porter par les collectivités territoriales les conséquences de ses choix. D’où l’amendement que nous avons déposé avec l’ensemble des groupes de la majorité !

Alors, pour conclure, quelques mots (rapides) sur la méthode et sur les perspectives.

 Comme vous pouvez le voir, nous avons déposé un certain nombre d’amendements.

Cela n’est pas le reflet d’une absence de travail préalable.

Nous parlementarisons cette assemblée.

Nous avons, dès le mois de juillet, travaillé collectivement aux arbitrages d’équilibre généraux.

Le groupe EELV a souhaité, comme exprimé lors du DOB, ce budget volontaire éclairé par des priorités lisibles pour les Rhônalpins. Et notre groupe a élaboré et partagé ses propositions, à la fois lors des réunions de la majorité et par des notes écrites, qui permettent d’inscrire le travail dans la durée et dans une progression.

Nous défendrons ces amendements dans le souci de continuer à aligner nos choix budgétaires avec nos politiques. Et nous continuerons tout au long de l’année. Par notre souci d’évaluation, porté lors de l’intervention de Noël. En travaillant sur notre objectif affiché dans la déclaration commune de 5% de  redéploiement budgétaire par an. Cela sera toujours plus nécessaire dans le futur.

Pour cela, il nous faudra être plus ambitieux dans la préparation budgétaire, et mettre à contribution dès le printemps nos commissions thématiques.

Qu’elles puissent prendre le temps d’évaluer chaque politique au regard de nos priorités.

Afin que nous puissions faire des arbitrages toujours plus clairs.

Il nous faudra aussi être créatifs.

Par exemple dans le travail interrégional, sur les cartes grises, la mobilisation du FRR pour le logement, la surmodulation TIPP Grenelle 2.

Le budget n’est qu’un moyen de faire des choix, notre stratégie budgétaire est le chemin pour les inscrire dans la durée. Notre projet écologique et social est à l’échelle d’une génération. Les échéances se resserrent cependant. La conversion écologique et sociale se prépare ici et maintenant. Chaque €uro engagé à l’issue de cette semaine devra l’être dans cette perspective, à nos yeux, non pas une source d’angoisse supplémentaire pour nos concitoyens, mais comme autant d’opportunités de vie, de travail, sociale ou éducative. Dans ce travail collectif, exigeant et loyal, vous pouvez compter sur la détermination du groupe Europe Ecologie Les Verts.

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