Majoration de la TIPP
Intervention de Pierre Serne sur la majoration de la TIPP
L’Etat en 2004 a attribué aux régions une fraction de la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers afin de financer certains transferts de compétences.
L’an passé cette assemblée a décidé pour 2010 de majorer la TIPP dans les limites permises par la loi et il nous est proposé par l’exécutif de reconduire ce dispositif pour 2011.
Mais par ailleurs la L.F.I. 2010, prévoit que les régions peuvent sur-majorer la T.I.P.P. dans la limite de 0,73 €/hl pour le super et de 1,35 €/hl pour le gazole pour le financement de projets structurants durables. Soit au maximum en cumul de ces deux supplément de TIPP, 2,5 cents par litre.
Les recettes issues de cette sur-modulation sont exclusivement affectées au financement d’infrastructure de transport durable, ferroviaire ou fluvial, dont la programmation a été décrite dans ses grandes lignes dans le Grenelle de l’environnement (articles 11 et 12 de la loi du 3 août 2009 dite Grenelle 1). Certes la façon de faire de l’Etat, à nouveau, est perverse puisqu’en affectant ainsi une ressource fiscale il met les régions dans la situation de taxer leurs habitants pour financer à sa place de grandes infrastructures de transports.
Mais la réalité est là : nous avons la possibilité de majorer les tarifs régionaux de T.I.P.P. 2011 pour financer des projets de transport durables et le pragmatisme devrait nous inciter à ne pas passer à côté de cette opportunité (on parle ici tout de même de plusieurs dizaines de millions d’euros), surtout au moment où nous nous plaignons à juste titre de nous voir priver par l’Etat de pratiquement tout levier fiscal et où l’ampleur des besoins de financements des infrastructures de transports n’est plus à démontrer, au moment où la Cour des comptes vient pointer à son tour le retard terrible des investissements sur les transports dans notre région.
La plupart des régions françaises ont d’ailleurs décidé ces dernières semaines d’appliquer au maximum cette surmodulation de TIPP, y compris l’Alsace d’ailleurs.
L’Ile-de-France, une des dernières régions devant délibérer sur le sujet est bien concernée, contrairement à ce qui s’est dit dans certaines enceintes de notre région. Certes alors qu’il est impératif de délibérer avant la date du 30 novembre pour une application dès janvier 2011, les détails techniques de la mise en œuvre de cette possibilité offerte aux régions mais soumise à une convention avec l’Etat ont donné lieu à interprétation et la récente réponse de la DGCL aux interrogations de l’ARF n’a que partiellement levé les ambigüités sur ce qui entre dans les dépenses possibles. Ainsi certaines régions estiment que c’est l’ensemble des infrastructures listées aux articles 11 et 12 de la loi Grenelle 1 ce qui inclut pratiquement toutes les infrastructures de transports de personne et de fret ferroviaires ou rurales y compris l’amélioration du réseau existant.
L’Etat parait avoir une lecture plus restrictive ne listant semble-t-il que les LGV et sans doute les canaux.
Pour notre région cela signifie au minimum une affectation possible à la LGV Paris Normandie, à la LGV Est, à l’interconnexion Sud des LGV et peut être le canal Seine Oise. Mais aussi une partie du plan de mobilisation transports dans une vision plus extensive.
A l’évidence il devra y avoir discussion avec l’Etat sur les dépenses concernées mais pour cela il faudrait que nous votions le principe aujourd’hui de cette surmodulation.
Pour répondre d’avance à certaines objections que nous ne manquerons pas d’entendre ou que nous avons pu déjà lire sur cette taxation des carburants, qui soit dit au passage est un embryon de fiscalité écologique voici quelques éléments pour finir...
D’abord comme l’a dit le président de la région Champagne-Ardennes dans un communiqué de presse expliquant la décision votée par l’ensemble des groupes de gauche de surmoduler au maximum la TIPP : « Les secteurs économiques les plus sensibles à l’évolution des prix des carburants ne sont que faiblement touchés par la modulation décidée par la Région [du fait des exonérations de TIPP] et l’impact pour les ménages demeure relativement limité. »
En effet le supplément qu’apporte la surmodulation que nous proposons est au max d’environ un centime par litre ce qui extrapolé sur un an pour un rouleur moyen représente environ 10 euros, à peine un euro par mois…
Enfin, comme l’a expliqué une élue régionale communiste, de Champagne-Ardenne elle aussi, Karine Jarry : « on pourrait dire qu’au moins le rapport entre la Tipp et l’utilisation des fonds est d’une certaine cohérence, la micro taxe sur les carburants servant au développement des transports en commun...
(…) Aujourd’hui, les Régions se trouvent dans une situation d’asphyxie financière organisée par l’Etat. Elles n’ont plus aucun levier fiscal, hormis les cartes grises. Elles ne peuvent plus décider du montant de leurs recettes et se retrouvent pieds et poings liés. La sur-modulation est la seule marge de manœuvre dont dispose la Champagne-Ardenne. Si on n’y a pas recours, ce seront de toute façon les champardennais qui mettront la main à la poche pour financer la LGV Est, charge qui auparavant aurait relevé d’un financement exclusivement national. (…) Au final, la sur-modulation sera financée par les champardennais, mais l’argent repartira aussitôt dans les poches de l’Etat. On mesure donc l’immense hypocrisie dont fait preuve l’UMP. Mais il vrai que la droite n’est pas à une contradiction populiste près : sur la Tipp, rappelons que l’UMP a voté la hausse maximum des taux en Alsace…
Quant aux chiffres réels de la sur-modulation, soyons sérieux. On parle d’un surcoût de moins de 1 centime d’euro par litre pour le sans plomb… Pour un gros rouleur qui réalise 15000 km par an, cela représente moins de 10 euros par an… La sur-modulation « Grenelle » représente une goutte d’eau par rapport aux augmentations que l’on constate actuellement de la part de grands groupes pétroliers…
Alors, pourquoi ce qui est vrai pour toute la gauche en Champagne, en Bretagne, en Lorraine, en Midi Pyrénées, en Limousin, en Pays de Loire et dans pratiquement tout le pays donc, serait une mauvaise idée en Ile-de-France ? Ne nous privons pas d’une recette supplémentaire pour améliorer les transports publics franciliens qui en ont bien besoin.