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INTERVENTION SUR LE RAPPORT CADRE ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR / RECHERCHE

LE 18 NOVEMBRE 2010

par Bastien François

La Région, bien au-delà de ses compétences obligatoires, est un acteur majeur dans le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur un territoire – l’Ile-de-France – qui concentre, comme aucun autre, une part essentielle du potentiel français. L’enseignement supérieur et la recherche est ainsi la deuxième enveloppe budgétaire du CPER 2007-2013 derrière les transports, et la Région porte 50% de l’effort budgétaire sur ce secteur. Cet engagement régional monte régulièrement en puissance, et Jean-Paul Huchon a annoncé en juillet un plan d’investissement de 900 millions d’euros sur 10 ans.

Tout se passerait bien, Monsieur le Président, si le gouvernement ne considérait pas la Région uniquement comme une vache à lait, un cofinanceur passif – les amendements de l’UMP en sont une illustration exceptionnelle –, une collectivité corvéable à merci au service de sa politique, alors même – nous pouvons goûter l’ironie de la situation – qu’il souhaite supprimer la clause de compétence générale et ne cesse de fustiger l’impéritie supposée des finances locales.

Surtout, tout se passerait bien, Monsieur le Président, si le gouvernement n’avait pas engagé une réforme  d’une rare brutalité – conduisant, en 2009, à la plus longue grève de l’histoire de l’Université en France – dont l’objectif réel est malheureusement une forme de revanche idéologique puérile, « réparer les dégâts de Mai 68 » selon les propres termes de la ministre.

Cette réforme s’est caractérisée par l’absence méthodique de concertation, par l’empilement brouillon de structures et de dispositifs, par la mise en concurrence systématique de l’ensemble des acteurs, le tout piloté par une bureaucratie ministérielle arrogante faisant fi de l’autonomie qu’elle prétend avoir accordé aux universités.

Cette réforme a eu pour principales conséquences à ce jour d’aggraver l’opacité déjà grande du « mille-feuilles » institutionnel, d’approfondir les inégalités, déjà criantes, au sein du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, de fragiliser et de paralyser la communauté des enseignants-chercheurs confrontés à un bouleversement constant de leurs statuts, des modes de financement et d’évaluation, consacrant désormais l’essentiel de leur temps à chercher de l’argent au détriment de leur métier et de leurs missions de service public. De fait, aujourd’hui, nous sommes face à un paysage bouleversé, à tous les sens du terme. Interrogés sur ce qu’ils attendaient de la Région,  les acteurs réunis lors des Assises du mois de juillet ont tous appelé la Région à réparer les dégâts causés par une telle politique, à corriger les inégalités profondes qu’elle produit, et à protéger la communauté des enseignants et des chercheurs.

Le rapport cadre qui nous est présenté est une réponse politique claire, vigoureuse et ambitieuse à cette situation. Il fait le choix de la concertation et de l’écoute, de l’excellence pour tous, de la justice sociale – sur la question notamment de l’accès à l’enseignement supérieur –, de la recherche de l’équilibre de l’offre de formation sur l’ensemble du territoire francilien.

Ce rapport s’inscrit bien sûr dans un héritage.

Il en va ainsi, par exemple, de la priorité en faveur du dialogue Sciences-Société qui a été l’une des marques de fabrique de la politique menée par Marc Lipinski durant la précédente mandature.

Il en va de même de la politique des DIM, les domaines d’intérêt majeur financés par la Région. Parce que cette politique de soutien à la recherche privilégie la dimension coopérative et la mise en réseau, elle est une réponse intelligente, et unanimement soutenue par les intéressés, à la mise en concurrence systématique prônée par le gouvernement. Ce dispositif, mis en place de façon empirique durant la précédente mandature, est désormais pérennisé et consolidé avec un nouveau mécanisme de labellisation laissant toute sa place à l’indépendance de la recherche mais aussi à l’affirmation des priorités politiques de la Région.

Mais, parce que le paysage institutionnel a bougé depuis la précédente mandature, et qu’il est même devenu de plus en plus opaque et oppressant, il fallait dans le même temps repenser le périmètre de notre intervention. Le choix a été fait de privilégier les Pôles d’enseignement supérieur et de recherche (PRES), qui regroupent différents établissements publics ou privés, grandes écoles et universités. Il ne s’agit bien sûr pas de valider ici la logique gouvernementale simpliste et aux effets pervers du « big is beautiful » mais d’essayer de trouver un niveau d’intervention pertinent permettant à la Région de jouer son rôle dans la restructuration en cours de ce secteur. La Région fait ici le pari que, dans le cadre d’un contrat de partenariat qui devra être très exigeant, les PRES pourraient devenir – ce qu’ils ne sont pas encore – le bon échelon d’une gouvernance coopérative de l’enseignement supérieur et de la recherche, permettant une valorisation équilibrée des territoires.

Enfin, ce rapport fait une place considérable – et on ne peut que s’en féliciter – aux étudiants. Ils et elles sont 600.000 en Ile-de-France ; plus de 100.000 sont boursiers ; 60% travaillent parallèlement à leur études. Là aussi l’attente est très forte pour sécuriser et accompagner socialement le parcours de ces étudiants. En appui de dispositifs parfois portés par d’autres vice-présidentes – Emmanuelle Cosse pour le logement, Laure Lechatellier pour la santé –, Isabelle This Saint-Jean a souhaité privilégier les conditions d’accueil et de travail des étudiants, élargissant l’expérience particulièrement réussie du dispositif BIBLIORIF, mais a décidé également de faire de la lutte contre l’échec en 1er cycle l’une des priorités de la Région (alors même que le « plan Licence » du gouvernement, censé régler le problème en quelques années, peine à porter des fruits).

Pour toutes ces raisons, le groupe EELV souhaite – avec le regard parfois critique qui est le sien ☺ – que la politique décrite dans ce rapport soit engagée sans tarder et avec détermination.