Vote du groupe EELV sur le Budget primitif 2013 – Intervention générale par David Cormand
Monsieur le Président,
Vous mettez en avant dans votre édito, à juste titre, la crise qui secoue notre économie et ébranle le modèle social français.
Cependant, cette crise n’est pas une simple crise de la dette comme certains voudraient s’obstiner à nous le faire croire.
Elle est globale, économique, sociale, démocratique, mais aussi environnementale.
Ce n’est pas une crise momentanée mais structurelle, les derniers soubresauts du modèle productiviste construit sur un accès illimité à des ressources naturelles bon marché.
L’ouverture d’un débat sur la transition énergétique l’année prochaine arrive donc à point nommé pour remettre à plat notre modèle de développement, je devrais dire de « vivre ensemble ».
Ce sera l’occasion de reparler de l’EPR, celui de Flamanville, dont le coût prévisionnel vient d’être réévalué à 8,5 milliards d’euros – contre 3,3 milliards à l’origine du projet.
La première conséquence de ce « surcoût » de 6,2 milliards d’euros est que les consommateurs devront payer leur électricité 20% plus cher que celle produite par les éoliennes pourtant jugées par leurs opposants ruineuses.
C’est donc le mythe de l’électricité nucléaire bon marché qui vient de voler en éclat.
Par contre ce n’est pas la fin du chantier qui doit encore se prolonger sur quatre longues années avec le risque qu’il continue à générer des surcoûts au rythme actuel d’un milliard par an.
On mesure là que tout est lié et que c’est l’ensemble de notre système de production et de consommation qui est à repenser. Mais, en dépit de l’importance des enjeux climatiques, je ne voudrais pas passer sous silence une autre crise tout aussi grave, celle de la biodiversité.
Le rythme de disparition des espèces ne cesse de s’accroître sous la pression démographique, la surexploitation des richesses et la poursuite de la construction d’infrastructures du passé à l’image de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
A ce titre je voudrais revenir sur trois projets inscrits dans ce budget qui appelle de notre groupe des réserves.
En premier lieu, les études pour la réalisation de la RN 154 :
Elle a certes pour objet de sécuriser cet axe routier, nous y souscrivons, par contre nous ne partageons pas l’objectif de « faciliter et fluidifier l’accès au Grand Port Maritime depuis la Beauce ».
Défendre encore et toujours le renforcement des accès routiers du port de Rouen au moment où la ville de Rouen a pris position pour l’interdiction des camions en centre-ville est incompréhensible.
Une autre alternative existe, celle du ferroviaire, en ré-ouvrant la ligne Rouen-Evreux et en la prolongeant jusqu’à la Région centre.
Ensuite, l’amélioration des accès nautiques de Rouen :
Les écologistes sont favorables au développement du transport fluvial tout en étant vigilants sur leurs impacts environnementaux. Ce positionnement responsable avait permis d’aboutir à un compromis historique entre acteurs portuaires et environnementaux.
En contrepartie du soutien des écologistes au projet avait été inscrit au CPER un important programme de protection et renaturation des berges de la Seine de 90 millions d’euros ainsi que le classement des boucles de la Seine. Malheureusement le Département de Seine Maritime a procédé à des coupes sombres en ramenant le programme de préservation des berges à 40 millions d’euros.
Quant au classement, si le dossier de la boucle de Roumare est en bonne voit d’avancement, ceux des quatre autres boucles semblent au point mort.
Enfin, le cas du chantier multimodal du Port du Havre :
Une fois encore les écologistes sont favorables au développement du transport de marchandises par le train, mais pas à n’importe quel prix.
Dans le cas du dossier du chantier multimodal, nous avions émis des réserves sur l’inter-modalité avec Port 2000 en l’absence d’écluse fluviale.
En outre, le choix d’implantation de la plateforme multimodale a fait naître de vives inquiétudes sur les atteintes à la fonctionnalité hydraulique de la réserve et les risques en matière de biodiversité. L’effectivité des mesures compensatoires est également sujette à interrogation.
Ces inquiétudes ont d’ailleurs dépassé les rangs des seuls écologistes puisque l’Autorité Environnementale, le Conseil général de l’Environnement et du Développement Durable, a émis de nombreuses réserves et recommandations dans ses avis publics des 13 avril et 31 août 2011.
Devant les risques encourus par la réserve naturelle nous avions demandé que la Commission européenne soit saisie. Il semble que cela n’a pas été fait et que nous devions nous contenter des autorisations administratives de la DREAL.
Devant toutes ces interrogations qui restent en suspens, le groupe Europe Ecologie – Les Verts a décidé de demander la dissociation de vote, afin de voter contre ce soutien au projet de plateforme multimodale du port du Havre.
Monsieur le Président, chers collègues, les trois dossiers que je viens de prendre en exemple illustrent notre état d’esprit.
Nous ne nous opposons pas au développement économique, bien au contraire, nous défendons un équilibre pérenne entre les trois piliers du développement durable, économie, environnement et social.
De notre point de vue, la priorité est trop souvent accordée au développement économique sans percevoir qu’elle sème les germes de son propre déclin.
C’est pourquoi, Monsieur le Président cher collègue, si l’année 2013 sera celle de la transition énergétique, nous sollicitons d’ores et déjà cette assemblée pour que 2014 soit celle de la biodiversité. Il faut que notre collectivité se saisisse à bras le corps de ce sujet et mette à profit l’année qui vient pour définir un ambitieux programme de protection et de restauration de la biodiversité.
Même dans cette optique l’effort ne serait pas insurmontable pour notre collectivité. Avec un peu moins de 11 millions d’euros de crédits de paiement, l’environnement représente à peine plus de 1% de notre budget. Un demi-point d’effort budgétaire permettrait de mener un grand nombre d’actions en faveur de la biodiversité en préservant ainsi le capital naturel des générations futures.
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